La revalorisation du SMIC au 1er novembre 2024 : pourquoi y-a-t-il toujours autant de résistances à augmenter les bas salaires ?

12 novembre 2024

En application du décret n° 2024-951 du 23 octobre 2024, le Salaire Minimum de Croissance (SMIC) bénéficie d’une hausse, effective dès le 1er novembre 2024.

Ce relèvement, visant à compenser les effets de l'inflation et à améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs aux revenus les plus faibles, fixe désormais le SMIC brut horaire à 11,88 € /h. Une hausse qui va concerner un grand nombre de travailleurs, dans un contexte où le nombre de salariés rémunérés au SMIC atteint un niveau élevé. Pour quelles raisons est-ce si difficile d’arriver à augmenter les bas salaires ? quels sont les éléments à avoir en tête ? les leviers à utiliser ?

1) Un nombre de salariés au SMIC en augmentation constante : 17,3% des salariés du privé en 2023, un record !

Le nombre de salariés rémunérés au SMIC en France reste important, et les données publiées par la Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES) révèlent une croissance notable de ce chiffre au fil des années.
La part de la population active touchée par le SMIC est loin d’être marginale, ce qui témoigne d’un enjeu économique et social crucial pour une grande partie des salariés français.

Le graphique suivant, tiré de la page 3 de l'étude de la DARES, illustre cette répartition et met en exergue le profil socio-économique des bénéficiaires de cette revalorisation.

En 2023, la proportion de salariés rémunérés au SMIC atteignait un sommet historique. Selon la DARES, 17,3 % des salariés du secteur privé non agricole bénéficient de la revalorisation du SMIC, soit environ 3,1 millions de personnes. Ce chiffre illustre une augmentation marquée depuis 2021, où cette proportion était de 12 %, reflétant l'ampleur des besoins économiques et sociaux des salariés les plus vulnérables.

La population touchée par le SMIC comprend surtout des travailleurs à temps partiel et des salariés de très petites entreprises (TPE), avec un taux de 38,3 % pour les premiers et de 26,8 % pour les seconds. Ce profil démontre aussi l'importance de cette revalorisation pour les femmes, surreprésentées dans cette catégorie, et pour les secteurs à forte proportion de postes peu qualifiés.

2) Qui décide du montant du SMIC et quel est son montant au 1er novembre 2024 ?

À compter du 1 novembre 2024, le montant du Smic brut horaire est porté à 11,88 €, au lieu de 11,65 € depuis le 1 janvier 2024. Le Smic mensuel brut applicable à compter du 1 novembre 2024 s’établit à 1 801,84 € (contre 1 766,96 € depuis le 1 janvier 2024) sur la base de la durée légale de 35 heures (151,67 heures). On obtient un résultat légèrement différent en appliquant la formule suivante : 35 × 52 ⁄ 12 × taux horaire, soit 1 801,80 €.

Indicateurs

Montant au 1er novembre 2024

Smic net

1 426,30 euros

Smic brut

1 801,80 euros

Smic horaire net

9,40 euros

Smic horaire brut

11,88 euros

L’article L.3231-2 du Code du travail prévoit que le SMIC est un salaire horaire minimum. Le SMIC s’applique à tous les salariés, qu’ils soient payés à l’heure, à la tâche ou au rendement.
Le mode de calcul du SMIC repose sur des mécanismes de réévaluation basés sur l’inflation et les hausses du pouvoir d'achat des salariés. Ainsi, le SMIC est ajusté pour suivre l'évolution de l'indice des prix à la consommation et garantir un niveau de vie minimum aux travailleurs les plus précaires.

La fixation du SMIC repose sur plusieurs mécanismes :

  • Toute hausse de l’indice des prix d’au moins 2% déclenche une revalorisation automatique du SMIC ;
  • Le SMIC est également révisé par décret au 1er janvier de chaque année, prenant en compte la conjoncture économique.
  • Le Gouvernement peut également décider par décret, en cours d’année, de revaloriser le SMIC en raison de l’évolution des prix.

Ces revalorisations successives du SMIC impliquent des obligations légales pour les employeurs.
Le relèvement du Smic entraîne la revalorisation obligatoire des rémunérations qui, par l'effet de ce relèvement, deviennent inférieures au minimum légal. Il est en revanche sans incidence sur les rémunérations qui lui sont supérieures.
L'article D.3231-5 du Code du travail prévoit ainsi que, lorsque son salaire horaire contractuel est devenu inférieur au salaire minimum de croissance, le salarié doit recevoir de son employeur un complément calculé de façon à porter sa rémunération au montant du SMIC.
Pour vérifier le respect du SMIC, l'employeur doit s'assurer que le salaire horaire effectif du salarié atteint au moins le SMIC en multipliant ce taux par le nombre d'heures travaillées.

Il y a infraction à la réglementation du SMIC chaque fois que le salaire d’un mois est inférieur au SMIC. Il n’est pas possible de compenser sur plusieurs périodes.
La non-application du SMIC expose l’employeur à des sanctions administratives et pénales. En cas de non-respect, les employeurs peuvent être condamnés à verser des rappels de salaire, des dommages-intérêts ou même subir des amendes pénales, pouvant aller jusqu’à une contravention de 5ème classe.

3) Quels sont les éléments de rémunération inclus dans le calcul du SMIC ?

En vertu de l’article D.3231-6 du Code du travail, les éléments inclus dans le calcul du SMIC sont strictement définis :

  • Le salaire de base ;
  • Les avantages en nature ;
  • Les primes qui correspondent à un travail effectif du salarié et qui en sont la contrepartie directe, telles que la prime sur objectifs, les primes de bonus, les pourboires…

Les primes à prendre en compte sont celles qui sont réellement versées et non celles qui sont prévues par le contrat de travail (Cour de cassation, 04/06/2002, no 00-41.140).

Sont expressément exclus :

  • Les majorations pour heures supplémentaires ;
  • Les remboursements de frais professionnels ;
  • Certaines primes spécifiques telles que la participation ou l’intéressement, et les sommes versées par l’entreprise aux plans d’épargne salariale ;
  • Toutes les primes qui ne rémunèrent pas directement le travail effectué, telles que la prime d’assiduité, d’ancienneté, la pénibilité…

Ces exclusions garantissent que la rémunération de base atteigne effectivement le SMIC sans être artificiellement gonflée par des éléments accessoires.

Lorsque la rémunération habituelle d’un salarié est constituée en partie par la fourniture de nourriture et du logement, pour calculer son salaire minimum, il convient de déduire du SMIC la valeur des avantages en nature nourriture et logement tels qu’ils sont fixés par convention ou accord collectif, ou de retenir les montants fixés par le Code du travail.

Tout salarié assujetti au Smic a droit à une rémunération horaire qui ne peut être inférieure au montant horaire du Smic. L'article D 3231-5 du Code du travail prévoit ainsi que le salarié doit recevoir de son employeur, lorsque son salaire horaire contractuel est devenu inférieur au salaire minimum de croissance, un complément calculé de façon à porter sa rémunération au montant du Smic. Il convient donc de s'assurer, lors de chaque paie, que la rémunération remise au salarié est au moins égale au taux horaire du Smic multiplié par le nombre d'heures de travail accomplies. Pour les salariés payés au mois, cette comparaison doit se faire chaque mois

Pour chaque employeur, cela implique une mise à jour des grilles salariales pour assurer une équité dans le respect des obligations légales de rémunération minimale. Il est essentiel pour les entreprises de s’assurer de leur conformité légale et d’ajuster leurs grilles salariales.

4) Pourquoi est-ce si difficile d’arriver à augmenter les bas salaires ?

Les effets des mesures de baisse du coût du travail qui ont été votées au cours du temps, s’atténuent rapidement quand la rémunération augmente.

Plus précisément, la part employeur des charges sociales (des taux de cotisations effectifs) croît nettement avec le salaire ; c’est beaucoup moins le cas de la part salariale (pour des rémunérations inférieures au plafond de la Sécurité sociale) :

  • Pour un salarié non cadre à temps plein au smic, les cotisations employeur effectives s’élèvent à 85 euros par mois et les cotisations et contributions salariales, à 368 euros (soit 4,8 % et 20,8 % du salaire brut),
  • Mais ces cotisations sont de 1 322 euros (part employeur) et 736 euros (part salariale) pour un individu à temps plein à 2 smic (soit respectivement 37,4 % et 20,8 % du salaire brut.

Le tableau ci-dessous montre comment se ventilent les cotisations employeur et salariales, pour un salaire à temps plein entre 1 et 2 fois le smic (source : Drees, octobre 2024).

Salaire brut à temps plein
(en % du smic brut)

Superbrut

Cotisations employeur

Cotisations salarié

Salaire net

Inactif

0

0

0

0

Travail à 20 %

370

17

74

280

Travail à 40 %

741

34

147

559

Travail à 60 %

1 111

51

221

839

Travail à 80 %

1 482

68

295

1 119

Temps plein au smic

1 852

85

368

1 399

Temps plein à 1,2 smic

2 529

409

442

1 678

Temps plein à 1,4 smic

3 207

733

516

1 958

Temps plein à 1,6 smic

3 884

1 057

589

2 238

Temps plein à 1,8 smic

4 370

1 189

663

2 518

Temps plein à 2 smic

4 855

1 322

736

2 797

Les cotisations employeurs sont vraiment très faibles pour les salariés ne travaillant qu’à temps partiel (ci-dessus entre 20 et 80% d’un temps plein).

Ces mécanismes ont conduit à parler de trappes aux bas salaires : en effet, augmenter un salarié au-dessus du Smic suppose pour l’employeur d’augmenter la rémunération dudit salarié, d’augmenter les cotisations patronales assises sur ce salaire, mais également de voir la part des allègements dont bénéficie l’employeur diminuer puisque ceux-ci sont dégressifs.

Pour convaincre une direction d’augmenter les salaires, il est nécessaire de disposer d’une vision claire des marges de manœuvre disponibles. Les CSE disposent de deux outils à leur disposition :

5) De combien faut-il augmenter un salarié au SMIC pour relever son revenu disponible de 100 €uros ?

C'est le titre d'une étude du service statistique du ministère de la Santé sur le coût du travail pour les bas salaires. Elle détermine le coût pour l'employeur pour aboutir à une augmentation de 100 euros après prélèvements sociaux, fiscaux et prestations sociales, calculs effectués sur la base du SMIC en vigueur le 1er juillet 2024.

L’écart entre la hausse du coût du travail et celle du revenu disponible du salarié provient du coin socio-fiscal, terme qui regroupe l’ensemble des prélèvements sociaux, l’impôt sur le revenu, mais aussi les prestations sociales.

Ainsi, le coût pour l’employeur, avec cotisations sociales et prestations sociales, pour une augmentation de 100 €uros d’un salarié au SMIC, est estimé à 442 euros au 1er juillet 2024.

En 2024, un salarié à temps plein au smic perçoit un salaire net de 1 399 euros par mois et bénéficie, s’il la demande, de 257 euros de prime d’activité. Il n’est pas éligible au RSA ni aux aides au logement et n’est pas imposable. Son revenu disponible s’établit donc à 1 656 euros. Le tableau ci-dessous tiré de l’étude de la DREES, illustre ce mécanisme en montrant les effets variés de cette hausse sur le coût du travail.

Décomposition de la hausse de 442 euros de superbrut permettant
une augmentation de 100 euros du revenu disponible

100  % de smic

113 %  de smic

Différence

Salaire superbrut

1852

2 294

442

Prélèvements sociaux employeur

85

297

212

Salaire brut

1 767

1 998

231

Prélèvements sociaux salarié

368

416

48

Salaire net

1 399

1 582

183

Aide au logement

0

0

0

Prime d’activité

257

186

-71

Impôt sur le revenu

0

12

12

Revenu disponible

1 656

1 756

100

Pour majorer son revenu disponible de 100 euros, à 1 756 euros, en augmentant ses revenus d’activité, il faut que cette personne perçoive environ 1,13 smic :

  • Entre 1 smic et 1,13 smic, la part employeur des prélèvements sociaux (nette des allégements généraux) s’élève de 212 euros et la part salariale, de 48 euros.
  • Le salaire brut augmente de 231 euros et le net, de 183 euros. Cette hausse du salaire diminue la prime d’activité de 71 euros et rend redevable le salarié d’un impôt sur le revenu de 12 euros par mois.
  • Au final, le revenu disponible est bien de 100 euros supplémentaires. Ainsi, pour ce cas type, l’augmentation du coût du travail s’avère égale à près de 4,5 fois celle du revenu disponible souhaité.

CE Expertises, cabinet d’expertise comptable spécialiste du CSE, accompagne les CSE dans les consultations annuelles pour mettre en évidence les marges de manœuvre.  Ces missions donnent des éléments clés à valoriser lors des Négociations Annuelles Obligatoires (NAO). Contactez-nous pour en discuter !

Pour aller plus loin :