Critères d’ordre licenciement économique

18 décembre 2023

La fixation de l’ordre des licenciements dans les licenciements pour motif économique : un point de négociation avec l’employeur pour les CSE

Lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique, l’article L1233-5 du Code du travail prévoit qu’il doit faire application de critères pour fixer l’ordre des licenciements si plusieurs salariés susceptibles d’être licenciés appartiennent à la même catégorie professionnelle.

Ces critères d’ordre sont déterminés prioritairement par une convention ou accord collectif, non soumis au contrôle de la DREETS ou, à défaut, dans un document unilatéral établi par l’employeur après consultation du comité social et économique (CSE). Ce document unilatéral doit être homologué par la DREETS, qui contrôlera les critères et les éléments servant à apprécier les qualités professionnelles.

Si le licenciement économique concerne au moins 10 salariés en 30 jours dans un établissement d’au moins 50 salariés, un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) doit être mis en place.

Avec ou sans PSE, les critères d’ordre seront déterminés par un accord collectif ou unilatéralement par l’employeur.

Par contre, le PSE devant être validé ou homologué par la DREETS, un contrôle sur les critères d’ordre et sur les catégories professionnelles sera aussi effectué :

- si le PSE est sous forme d’accord collectif, le contrôle de l’administration sera limité à s’assurer que les catégories professionnelles ne sont pas discriminatoires ;
- si le PSE est établi unilatéralement par l’employeur, la DREETS devra exercer un contrôle plus poussé.

Deux arrêts rendus par le Conseil d’Etat le 31 octobre 2023 (n° 456091 et n° 456332) reprennent justement avec précision la validité des critères d’ordre des licenciements lorsqu’ils sont élaborés unilatéralement par l’employeur et rappellent que la DREETS doit s’assurer que le plan comporte bien les 4 critères légaux.

Le Conseil d’Etat insiste aussi particulièrement sur les modalités d’appréciation des qualités professionnelles. Il ajoute que la DREETS doit s’assurer que les critères ne sont pas discriminatoires et qu’ils déterminent objectivement les salariés licenciés.

Le Conseil d’Etat précise enfin que les éléments d’appréciation des qualités professionnelles peuvent différer selon les catégories professionnelles définies par le PSE. Cette précision est importante et nouvelle.

Un arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2023 (n° 22-19-205) reprend également la qualification des critères d’ordre retenus par l’employeur.

Au regard de la sensibilité juridique du sujet, le CSE a donc un rôle clef dans l’échange et la négociation avec l’employeur sur le choix de ces critères et les modalités d’appréciation qui vont être retenues pour les licenciements économiques non conclus par accord collectif.

Le CSE doit être vigilant sur 3 points :

1) Vérifier que les 4 critères légaux seront appliqués

Le CSE doit s’assurer que l’employeur reprendra à minima les critères légaux suivants dans le document unilatéral :

- charges de famille, en particulier pour les parents isolés ;
- ancienneté de service dans l’entreprise ;
- situation des salariés qui ont des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment pour les personnes handicapées et les salariés âgés ;
- qualités professionnelles appréciées par catégorie d’emploi.

Il est possible d’ajouter d’autres critères, ou d’en négocier.

Le Conseil d’Etat est particulièrement attentif au respect de ces 4 critères et a rappelé, le 27 janvier 2020 (n° 426230) notamment que l’employeur n’a pas le droit d’écarter un des critères légaux.

Il a considéré, le 1er février 2017, que donner la même valeur à un critère légal pour tous les salariés, quelle que soit leur situation, revient à rendre ce critère nul (n° 387886).

2) Vérifier les éléments d’appréciation des critères d’ordre

Le CSE doit également s’assurer que les éléments sur la base desquels les critères seront mis en œuvre pour déterminer l’ordre des licenciements ne sont pas discriminatoires ni dépourvus de rapport avec l’objet même de ces critères (Conseil d’Etat, 7 février 2018).

L’employeur doit donc fournir des justifications objectives et vérifiables.

3) Vérifier la pertinence de l’appréciation des qualités professionnelles

Le CSE doit enfin s’assurer que les éléments d’appréciation des qualités professionnelles retenus par l’employeur n’ont pas pour objectif dissimulé de cibler des salariés en particulier.

L’employeur doit aussi mettre en place un système de pondération pour évaluer objectivement les qualités professionnelles des salariés de chaque catégorie professionnelle.

Le Conseil d’Etat indique notamment que les entretiens d’évaluation sont un des éléments d’appréciation des qualités professionnelles des salariés. L’employeur peut aussi tenir compte du dossier disciplinaire ou du diplôme des salariés, mais ce ne doit pas être le seul élément d’appréciation des qualités professionnelles.

Le Conseil d’Etat a aussi admis le 31 octobre 2023 (n° 456091) que la méthode d'évaluation des qualités professionnelles peut prévoir des paramètres spécifiques à certaines catégories professionnelles. Mais attention, les trois autres critères (charges de famille, ancienneté et caractéristiques sociales) s'appliquent eux à l'identique à toutes les catégories professionnelles.

L’ensemble de ces points sera contrôlé par la DREETS. Le CSE a donc une réelle plus-value à attirer l’attention de l’employeur, et à discuter et négocier en amont les éléments retenus pour certains critères.

CE Expertises peut vous accompagner dans l’analyse de ces critères et vous apporter des arguments de négociation avec la Direction.

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