Fraude ou évasion fiscale des entreprises : quels sont les moyens d’action du CSE pour avoir une juste participation des salariés aux résultats de l’entreprise ?

9 février 2024

La participation est un mécanisme de partage de valeur, obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés, qui permet de redistribuer aux salariés une partie des bénéfices réalisés.

Le résultat servant de base pour le calcul de la réserve spéciale de participation (RSP) est le bénéfice net fiscal retenu pour le calcul de l’impôt sur les sociétés ou le revenu.

Une remise en cause du bénéfice net fiscal est-elle possible par le CSE ?

Le montant du bénéfice net fiscal fait l’objet d’une attestation du commissaire aux comptes ou de l’inspecteur des impôts. Une fois attesté, le montant ne peut ainsi plus être remis en cause en cas de contentieux judiciaire relatif à la participation.
En effet, l’article L3326-1 du Code du travail interdit, à l’occasion d’un litige sur la participation, la remise en cause par les représentants du personnel du bénéfice net d’une entreprise qui a été certifié par un commissaire aux comptes ou un inspecteur des impôts.
Le juge ne pourra donc pas accorder de rappel de participation sur la base d’un autre résultat que le résultat fiscal.

L’article L3326-1 prive-t-il les salariés et le CSE d’une voie de recours effective, y compris en cas de suspicion de fraude ou d’abus de droit ?

C’est la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) à laquelle le Conseil constitutionnel a répondu le 24 janvier 2024, dans le cadre d’un litige sur les prix de transfert et l’optimisation fiscale des entreprises.

Le Conseil constitutionnel a-t-il ouvert la voie de la contestation au CSE ?

Non. Le Conseil constitutionnel a conclu à la conformité de l’article L3326-1 du Code du travail sur la Constitution. Il a ainsi conforté la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation : les montants déclarés par l’entreprise et vérifiés par les impôts ne peuvent pas être remis en cause par un tiers.

Cette décision d’asseoir le calcul de la RSP sur le bénéfice fiscal tel que déclaré à l’administration fiscale, repose sur l’idée que le bénéfice fiscal est une donnée objective et intangible puisque l’attestation du commissaire aux comptes ou de l’inspecteur des impôts garantit la concordance entre le montant du bénéfice net déclaré par l’entreprise à l’administration fiscale, et le montant du bénéfice net utilisé par l’entreprise pour le calcul de la RSP. Il ne peut donc pas y avoir 2 bénéfices nets distincts.

Ces montants vérifiés par l’administration fiscale, sous le contrôle du juge de l’impôt, ne peuvent pas être remis en cause par des tiers devant le juge de la participation.
Ainsi, le Conseil constitutionnel rappelle qu’il est de l’intérêt général que l’administration fiscale garde le monopole de la remise en cause du bénéfice fiscal.

Mais alors, quel recours pour le CSE en cas suspicion d’erreur ou de fraude par l’entreprise ?

Si les salariés ou le CSE estiment que le bénéfice fiscal de l’entreprise a pu être minoré, ils ne peuvent donc pas contester directement le montant de la participation devant le juge. Toutefois, ils peuvent effectuer un signalement auprès de l’administration fiscale pour qu’elle procède à des vérifications.
Ce signalement ne génèrera pas systématiquement un contrôle fiscal. C’est l’administration qui jugera de l’opportunité de procéder à un contrôle et ainsi vérifier si une anomalie ou une fraude a été commise par l’entreprise pour minorer son bénéfice.

En cas d’erreur sur le bénéfice fiscal de l’entreprise, l’administration fiscale pourra procéder à un redressement et donc à une modification du résultat.
La rectification du bénéfice donnera lieu, par ricochet, à une attestation rectificative du bénéfice et ainsi à un recalcul de la participation, désormais prévu par l’article L3326-1-1 du Code du travail depuis la Loi du 29 novembre 2023 sur le partage de la valeur.

En tant que CSE, quels moyens d’actions préventifs retenir?

L’expert-comptable du CSE est un interlocuteur privilégié. En analysant les comptes de l’entreprise, il peut mettre en évidence l’influence des choix fiscaux effectués et ainsi faire apparaître une répartition de la valeur potentiellement défavorable aux salariés.

La question des prix de transfert par exemple peut trouver sa place dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière.
Les prix de transfert, encadrés par l’article 57 du Code Général des Impôts, sont les prix des biens et services échangés entre les entreprises d’un même groupe, avec une société mère unique. Ils sont utilisés comme méthode de répartition des bénéfices entre les filiales.
La politique de prix de transfert peut donc impacter le résultat fiscal de l’entreprise, et ainsi la participation des salariés.

CE Expertises peut vous éclairer et vous accompagner sur vos questionnements liés aux prix de transfert ou plus globalement sur le calcul de la réserve de participation au sein de votre entreprise. N’hésitez pas à nous contacter.