Congés payés et arrêt de travail suite aux arrêts de la Cour de cassation Septembre 2023 : : un sujet à mettre à l’ordre du jour des CSE

3 janvier 2024

Le 13 septembre 2023, la Cour de cassation a émis plusieurs décisions visant à renforcer les droits des salariés en matière de congés payés, afin de se conformer pleinement au droit de l'Union européenne (UE).

Le Code du travail associe l’acquisition des congés payés à la notion de travail effectif et ne reconnaît que certaines absences comme du travail effectif :

- les congés payés acquis l’année précédente ;

- le congé maternité, paternité et d’adoption ;
- la suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, dans la limite d’un an.

En droit français, le salarié ne peut donc acquérir de congés payés pendant ses arrêts maladie car ils ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif.

Il existe toutefois des exceptions :

- Les conventions collectives peuvent prévoir que les congés payés s’acquièrent même pendant les arrêts maladie. Certaines conventions limitent cette acquisition à une durée maximum.
- Les arrêts de travail en lien avec un accident du travail, un accident de trajet ou une maladie professionnelle. Dans ce cas, les salariés acquièrent des congés payés dans la limite d’un an d’arrêts de travail.

Les dispositions françaises concernant l’acquisition des congés payés sont donc contraires au droit de l’Union Européenne depuis une directive de 2003, qui prévoit que :

  • les salariés en arrêt maladie ont droit à des congés payés pendant leur absence, même si ce n’est pas en lien avec un accident de travail ou une maladie professionnelle ;
  • en cas d’accident du travail, le calcul des congé payés n’est plus limité à la première année de l’arrêt de travail ;
  • la prescription du droit à congés payés ne commence à courir que lorsque l’employeur a mis son salarié en mesure d’exercer ses droits en temps utile.

La loi DDADUE (Dispositions D’Adaptation aux Directives de l’Union Européenne) du 10 mars 2023 a adapté des dispositions françaises au droit de l’Union Européenne.

Rien n’a été modifié pour l’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie. En revanche, la loi DDADUE garantit dorénavant le maintien des congés acquis avant le départ du salarié en congé parental d’éducation, depuis le 11 mars 2023.

Comme le droit européen prime sur le droit français, la Cour de cassation avait déjà alerté le législateur français en 2013 dans son rapport d’activité, en proposant de modifier l’article L3141-5 du Code du travail pour éviter une action en manquement contre la France, ou des actions en responsabilité contre l’État.

Mais en 2013, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) ne s’était pas encore prononcée spécifiquement. La Cour de cassation ne pouvait donc pas faire application de ces dispositions dans ses décisions.

C’est l’affaire Elisabeth BAUER examinée par la CJUE en 2018, précisant que le juge national ne doit pas appliquer une disposition qui n’est pas conforme au droit de l’Union Européenne, qui a permis à la Cour de cassation de statuer en ce sens dans ses arrêts du 13 septembre 2023.

Ce n’est pas une surprise pour les juridictions françaises, mise à part la reconnaissance d’absence de prescription et d’absence de limitation de durée des congés payés.

En effet, nombre d’employeurs n’auront pas informé leur salarié de la possibilité d’acquérir des congés payés pendant leur arrêt de travail pour maladie. La plupart des actions ne seront donc pas prescrites. Les salariés qui auront acquis des congés payés pendant leur arrêt maladie depuis le 1er décembre 2009 (date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne) pourront donc les solliciter sur une période sans limitation de durée.

Le 27 septembre et le 5 octobre 2023, la Cour d’appel de Paris et la Cour d’appel de Versailles ont déjà appliqué cette jurisprudence de la Cour de cassation.

Elisabeth Borne a quant à elle annoncé, également suite aux arrêts de la Cour de cassation, son intention de modifier la législation des congés payés et des périodes d'arrêt maladie en 2024.

Dans l’attente, cette jurisprudence peut déjà permettre à des salariés, en arrêt ces dernières années pour maladie, accident du travail ou congé parental d’éducation, d’acquérir ou de reporter des droits à congés qu’ils pensaient avoir perdus.

C’est un sujet essentiel pour les entreprises, que les CSE peuvent mettre à l’ordre du jour dès à présent, pour sensibiliser les directions, soumettre quelques propositions, et les questionner :

- Comment la direction compte-t-elle prendre en compte les dispositions de la Cour de cassation sur les situations de suspension d’arrêt de travail concernées, antérieures et postérieures au 13 septembre 2023 ? Quelles modalités de régularisation pourraient être proposées aux salariés concernés ?
- Une estimation du coût que cela représente pour l’entreprise peut-elle être faite ?
- Une information des salariés est-elle prévue sur ces questions ?

CE Expertises peut vous accompagner dans la réflexion de l’impact que ces dispositions peuvent avoir pour les salariés de votre entreprise, et vous apporter des éléments de discussion avec les Directions.