L’Activité Partielle de Longue Durée – Rebond (APLD-R) : quel est le rôle du CSE ?

26 mai 2025

En 2020, face aux conséquences durables de la crise économique, l’État a mis en place un dispositif exceptionnel : l’activité partielle de longue durée (APLD). Celui-ci permettait aux entreprises dont l’activité baissait durablement, sans pour autant être menacées de disparition, d’aménager temporairement le temps de travail de leurs salariés.

Les employeurs pouvaient réduire le temps de travail tout en garantissant une indemnisation des heures non travaillées, grâce à une aide de l’État et de l’Unédic.

Bien que le dispositif ait cessé d’être accessible aux nouveaux entrants à compter du 1er janvier 2023, les entreprises ayant intégré le dispositif avant cette date pouvaient continuer à l’appliquer jusqu’au 31 décembre 2026 au plus tard.

Puis, dans un contexte de ralentissement économique marqué en 2025, la loi de finances n°2025-127 du 14 février 2025 a prévu une relance du dispositif sous une forme adaptée : l’activité partielle de longue durée rebond (APLD-R).

L’objectif est de proposer une solution de continuité aux entreprises affectées, tout en évitant des suppressions d’emplois massives. Le décret d’application est paru le 16 avril 2025.

L’APLD-R a pour objectif de protéger l’emploi tout en adaptant l’activité de l’entreprise à une baisse temporaire, sous réserve d’engagements concrets en matière de gestion des compétences et de responsabilité sociale. Elle implique un dialogue social structuré, un cadre contractuel rigoureux, et une vigilance constante du CSE.

1) Quel est le cadre légal de l’activité partielle de longue durée rebond (APLD-Rebond) ?

Cadre réglementaire :

Calendrier d’application de l’APLD-Rebond :

  • Période de mise en œuvre : du 1er mars 2025 jusqu’à une date butoir fixée par décret, soit au plus tard le 28 février 2026 ;
  • Les entreprises peuvent transmettre leurs accords ou documents unilatéraux pour validation ou homologation pendant cette période, par voie dématérialisée : https://activitepartielle.emploi.gouv.fr.

2) Quelles sont les 2 voies possibles de mise en place de l’APLD-R ?

L’APLD-R peut être instaurée :

  • Soit par la signature d’un accord collectif (entreprise, établissement ou groupe) ;
  • Soit via un document unilatéral de l’employeur, si un accord de branche étendu le permet.

Dans les deux cas, la procédure suppose la consultation préalable du CSE lorsqu’il existe, avant transmission à l’administration (DREETS) pour validation ou homologation.

L’administration (DREETS) dispose d’un délai de 15 jours pour se prononcer sur l’accord collectif, et de 21 jours lorsqu’il s’agit d’un document unilatéral. Ces délais démarrent à compter de la réception d’un dossier complet.

En l’absence de réponse dans les délais impartis, la demande est considérée comme tacitement approuvée, conformément à l’article 193, VI de la loi du 14 février 2025.

Une fois la validation ou l’homologation décidée, la notification est effectuée par voie dématérialisée via le portail en ligne dédié. Cette notification est adressée à :

  • L’employeur ;
  • Au CSE si l’entreprise en est dotée ;
  • Aux organisations syndicales signataires dans le cas d’un accord collectif.

Si l’administration ne répond pas dans les délais, c’est une validation implicite. L’employeur doit alors transmettre :

  • Une copie de la demande initiale ;
  • L’accusé de réception émis par la DREETS aux syndicats concernés (pour les accords collectifs) ou au CSE (pour les documents unilatéraux).

3) Quelles sont les clauses obligatoires dans l’accord d’APLD-Rebond ?

Le décret précise que l’accord collectif ou l’acte unilatéral doit comporter plusieurs éléments obligatoires, parmi lesquels :

Thématique Contenu
1 Un diagnostic économique L’accord doit commencer par une analyse de la situation économique, une projection d’activité et un plan d’actions pour restaurer la viabilité de l’activité.
2 Le périmètre du dispositif L’accord doit spécifier :
• Les établissements concernés
• Les activités ciblées
• Les catégories de salariés concernées
3 Durée d’application Autorisation initiale : 6 mois, renouvelable par tranches de 6 mois dans la limite de 18 mois sur 24 mois glissants.

Référence temporelle :
• Le 1er jour du mois de la demande de validation
• Ou le 1er jour du 3e mois civil suivant
(valable pour tous les établissements concernés)

Avant chaque renouvellement et en fin de période : transmission d’un bilan à l’administration (respect des horaires, engagement formation, emploi, etc.).

Délai de réponse DREETS : 15 jours (accord) / 21 jours (DUE). En l'absence de réponse, validation tacite.

4 Réduction du temps de travail Réduction jusqu’à 40 % (jusqu’à 50 % sous conditions).
Réduction collective et uniforme.
Modulation possible dans la limite de 14 h d’inactivité hebdomadaire moyenne.
Les salariés protégés doivent donner leur accord explicite.
Toute réduction supérieure à 40 % doit être prévue dans l’accord/DUE et validée.
5 Indemnisation des salariés • 70 % du brut horaire (max 37,42 € brut/h)
• 100 % de la rémunération nette en cas de formation
• Respect du SMIC net mensuel (RMM)
• Indemnité soumise à CSG/CRDS (6,7 %) après abattement
• Soumise à impôt sur le revenu, incluse dans le net social
• Comptabilisée pour la retraite de base (1 trimestre = 220 h), équivalence Agirc-Arrco probable
6 Allocation versée aux employeurs • 60 % du brut horaire (max 32,08 €)
• Plancher à 9,40 €/h sauf exceptions (apprentis, pigistes, VRP)Remboursement partiel ou total possible en cas de :
• Trop-perçu
• Licenciement éco
• Dépassement des limites
• Non-respect des engagements (emploi, formation)Exonération possible en cas de difficulté financière, avec information du CSE et syndicats
7 Engagements de l’employeur • Maintien dans l’emploi
• Actions de formation (à détailler dans l’accord/DUE) :
→ Formations pro, bilans de compétences, VAE, alternance…
8 Information et suivi • Modalités d’info des syndicats signataires (accord)
• Info du CSE tous les 3 mois (DUE)
• Info des salariés sur les engagements (emploi, formation)
• Obligation renforcée si entreprise ≥ 50 salariés
9 Dispositifs facultatifs recommandés • Contribution des dirigeants/actionnaires (gel salaires)
• Règles sur congés payés ou CPF pendant APLD-R
• Suivi renforcé avec les syndicats
• Mesures spécifiques pour les seniors (≥ 57 ans)

4) Quelle articulation entre l’APLD-Rebond et les autres dispositifs ?

APLD et APLD-Rebond :

Selon les précisions apportées par la loi de finances du 14 février 2025 (art. 193, VIII), une entreprise ne peut pas bénéficier en même temps des deux dispositifs d’activité partielle de longue durée, à savoir l’APLD et l’APLD-R. En revanche, il est possible d’opter pour l’APLD-R une fois la période d’APLD achevée.

APLD-Rebond et activité partielle :

Le décret d’application vient également encadrer le non-cumul de l’APLD-R avec le régime général de l’activité partielle. Il interdit qu’un même salarié soit placé simultanément sous les deux dispositifs. En d’autres termes, sur une même période, un salarié ne peut pas être à la fois en APLD-R et en activité partielle de droit commun.

Néanmoins, une entreprise peut utiliser les deux régimes de manière distincte, pour différentes catégories de personnel. Par exemple, elle peut mettre en œuvre :

  • L’APLD-R pour une population exposée à une baisse durable d’activité ;
  • Et l’activité partielle classique pour d’autres salariés, dans les cas traditionnels prévus par le Code du travail (fermeture temporaire, sinistre, intempéries, etc.), à l’exclusion du motif économique.

Enfin, le décret rappelle que les règles générales de l’activité partielle restent applicables à l’APLD-R, sauf exceptions spécifiques concernant :

  • Les conditions de recours ;
  • Les niveaux d’indemnisation et d’allocation ;
  • Les formalités administratives ;
  • Et le contingent d’heures indemnisables.

APLD-R, Plans sociaux et Recrutements :

  • Un PSE est autorisé uniquement s’il exclut les salariés couverts par l’APLD-R ;
  • Aucun remboursement d’allocations ne sera exigé en cas de départs volontaires ou ruptures conventionnelles ;
  • Il est possible de recruter, sauf si cela revient à remplacer des salariés placés en APLD-R ;
  • Il est déconseillé de maintenir des intérimaires dans le périmètre couvert par l’accord ou DUE.

5) Focus sur le secteur de la métallurgie et leur recours au dispositif APLD Rebond

En effet, la métallurgie est un secteur en crise qui cherche à éviter les licenciements. Confrontée à une chute notable de sa production, notamment dans l’automobile (-13,9 %) et la mécanique (-7,2 %). Cette dégradation a entraîné la suppression de près de 12 000 emplois en 2024, avec un recours au travail temporaire historiquement bas. Dans ce contexte, l’APLD rebond est perçue comme une solution de sauvegarde de l’emploi et des compétences, essentielle pour accompagner la reprise à venir.

Ainsi, à peine quelques jours après la publication du décret du 14 avril 2025, l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) et cinq syndicats représentatifs ont négocié un accord de branche sur l’APLD-R, signé le 18 avril 2025 :

  • Signataires : CFDT et FO ;
  • La CGT réserve sa décision, en attente de la position de ses instances.
  • Opposants : CFTC et CFE-CGC.
  • La CFE-CGC a refusé de signer l’accord. Elle dénonce la suppression d’une clause de la convention collective qui garantissait le maintien intégral de la rémunération des salariés au forfait jours en cas d’activité partielle.

Selon elle, ces salariés, souvent cadres, ne voient pas leur charge de travail réellement diminuer, et toute baisse de rémunération devrait faire l’objet d’une négociation spécifique en entreprise. Elle regrette qu’en supprimant cette clause, l’UIMM permette aux employeurs de déroger à cette obligation sans discussion.

L’accord repose sur les règles générales de l’APLD-R, avec quelques spécificités :

Mise en œuvre par la négociation collective :

  • Dans les entreprises de plus de 250 salariés disposant de délégués syndicaux, une négociation obligatoire est exigée ;
  • Pour les plus petites structures, le recours à un document unilatéral est possible, mais toujours soumis à l’avis du CSE.

Réduction du temps de travail

  • Limite à 40 % de la durée légale du travail ;
  • Extension possible à 50 % dans des situations exceptionnelles, après validation administrative.

Indemnisation des salariés

  • 70 % de la rémunération brute horaire pour les heures chômées ;
  • 100 % de la rémunération nette si le salarié suit une formation pendant les périodes non travaillées.

L’accord met l’accent sur les actions de formation :

  • Ciblées sur les métiers en tension ou à forte mutation technologique ;
  • Finançables via différents dispositifs : plan de développement des compétences, CPF, Pro-A ou projet de transition professionnelle ;
  • Soutien possible via l’Opco 2i ou des fonds européens (FSE, fonds de transition juste, etc.).

6) Quel est le rôle du CSE dans le cadre de l’APLD-R ?

Dans un contexte économique incertain, l’activité partielle de longue durée rebond (APLD-R) s’affirme donc comme un levier stratégique de préservation de l’emploi.  Mais ce dispositif repose sur un équilibre exigeant : la réduction temporaire de l’activité doit s’accompagner d’engagements forts en matière de formation et de stabilité de l’emploi.

Le rôle du CSE est central : à la fois consulté en amont, informé tout au long du processus, et garant d’un suivi transparent, il devient un acteur incontournable du contrôle social dans le déploiement de l’APLD-R. Il contribue à la légitimité du dispositif, notamment dans le cadre des bilans à fournir à l’administration.

Consultation obligatoire avant mise en œuvre :

Avant toute transmission à l’administration, l’employeur doit consulter le CSE (si l’entreprise en est dotée), que l’APLD-R soit mise en place via un accord collectif ou un document unilatéral (fondé sur un accord de branche étendu).

  • Le projet d’accord ou le DUE doit lui être transmis avec un diagnostic économique, les engagements sur l’emploi et la formation, et le périmètre concerné ;
  • Le PV de consultation du CSE doit être joint à la demande de validation ou d’homologation auprès de la DREETS.
  • Cette consultation est obligatoire : en son absence, le dossier peut être rejeté.

Suivi régulier du dispositif :

Le CSE ne disparaît pas une fois le dispositif validé. Il doit être informé au moins tous les 3 mois des éléments suivants :

  • Nombre d’heures réellement chômées ;
  • Formations engagées :
  • Respect des engagements en matière de maintien dans l’emploi ;
  • Éventuels ajustements de périmètre ou de rythme.

Le CSE peut interroger l’employeur à tout moment et exiger des explications, notamment en cas de décalage entre les prévisions et la réalité.

Recours à une expertise :

Le CSE peut faire appel à un expert-comptable, notamment pour :

  • Évaluer la situation économique justifiant le recours à l’APLD-R ;
  • Contrôler la cohérence entre les engagements et leur exécution ;
  • Vérifier les données transmises par l’entreprise ;
  • Formuler des recommandations.

En fonction de la date de mise en œuvre de l’APL-D, cette expertise pourrait s’inscrire dans le cadre des consultations économiques récurrentes.

Droit d’alerte économique :

Le droit d’alerte économique (article L.2312-63 du Code du travail) peut être exercé par le CSE même en période d’APLD-R, si des faits préoccupants sont portés à sa connaissance, notamment :

  • Une dégradation de la situation financière plus importante que prévue ;
  • Le non-respect manifeste des engagements d’emploi ou de formation ;
  • Des décisions unilatérales prises sans respect des procédures (ex : élargissement du périmètre, modification des horaires...) ;

Dans ce cas :

  • Le CSE peut déclencher une procédure formelle,
  • L’employeur est tenu de répondre dans un délai précis,
  • Le CSE peut demander à se faire assister d’un expert.

Rôle à la fin du dispositif :

À la fin de la période d’autorisation (ou avant renouvellement), l’employeur doit transmettre un bilan à l’administration, accompagné :

  • Du PV de consultation du CSE, s’il existe ;
  • Et d’un état du respect des engagements pris.

Le CSE peut refuser de valider le bilan ou formuler des observations à l’attention de la DREETS.

La récente mobilisation de la branche métallurgie illustre la capacité de certains secteurs à s’emparer rapidement de cet outil, mais elle révèle aussi les points de tension possibles, notamment sur la rémunération des cadres ou la répartition des efforts au sein de l’entreprise.

En somme, l’APLD-R n’est ni un simple prolongement de l’activité partielle classique, ni un outil de flexibilisation à la discrétion de l’employeur. C’est un instrument temporaire qui engage l’entreprise dans une démarche prévisionnelle sociale.

Bien utilisé, il peut constituer une alternative crédible aux plans de suppression d’emplois et contribuer à renforcer la résilience collective des entreprises et des salariés.

CE Expertises, cabinet d’expertise comptable spécialisé dans l’accompagnement du CSE, peut vous aider à mieux comprendre ce dispositif et à analyser son applicabilité à votre entreprise.

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