Dans un précédent article, nous avons fait le point sur les moyens d’améliorer le contenu de la BDESE. Nous indiquions qu’elle est censée être utile aux membres du CSE, mais que ceux-ci utilisent souvent peu la Base de Données Économiques Sociales et Environnementales (BDESE), soit parce que les données présentes sont difficilement compréhensibles et exploitables ou tout simplement ne correspondent pas à leurs attentes. Cet article explique les causes du problème et les moyens d’y remédier en demandant des évolutions précises de la BDESE.
Depuis l’apparition d’une obligation pour toutes les entreprises d’au moins 50 salariés dotées d’un CSE d’en mettre en place (article L. 2312-18 du Code du travail), le marché des éditeurs de solutions de BDESE a explosé (en effet pour les entreprises de plus de 300 salariés, la BDESE doit être sur support informatique). Globalement on y trouve à la fois :
- De grands acteurs de l’externalisation de la paie, comme ADP (« ADP decidium »),…,
- Des éditeurs juridiques comme les Éditions Législatives, les Éditions Tissot,…
- Des acteurs de la dématérialisation de documents comme la filiale de La Poste, Voxaly,….
- Les Chambres de Commerce et d’Industrie (qui donnent une idée des prix pratiqués),…
- Mais aussi une myriade d’acteurs spécialisés dans les Systèmes d’Information RH (SIRH) qui ont détecté le potentiel de ce marché : Altays, Sigma RH, … ou issus de la communication RH comme WinchApps,…
Problème, pour ces éditeurs, le « client » est souvent le service RH et non pas les membres du CSE.
Le problème est que tous ces acteurs sont partis des contraintes imposées aux employeurs pour élaborer des solutions « compétitives » en considérant que les « utilisateurs » étaient avant tout les services RH et non pas les représentants du personnel. Il en découle que la plupart des solutions visent à automatiser au maximum les process pour répondre aux contraintes juridiques, de coûts et de standardisation des données, mais pas à se placer du point de vue des utilisateurs finaux qui sont les membres du CSE (qui n’ont d’ailleurs jamais été interrogés).
Schématiquement, le processus est toujours le même : le « client » (= le service RH pour ces éditeurs) avec ces solutions proposées par les éditeurs, va déclencher chaque mois, trimestre ou année, l’alimentation pré́-automatisée d’un certain nombre d’indicateurs de la BDESE avec des données brutes provenant :
- Soit de fichiers internes ou d'extractions effectuées depuis un Système d’Information RH (SIRH), Progiciel de Gestion Intégrée (PGI), logiciel de Paie/Rh quelconque ou encore depuis les Déclarations Sociales Nominatives (DSN) édités par les sociétés comme ADP, BERGER LEVRAULT, CEGID, CIEL, EBP, HR ACCESS, INEXTENSO, NIBELIS, PAYFIT, PLEIADES, SAGE, SAP, SILAE, TALENTIA...) ;
- Soit d'une base de données relationnelles quelconque (Mysql, Sql Server, Oracle...).
Le but de l’import automatisé est de retraiter les données brutes de ces fichiers puis de les transférer dans les indicateurs des différentes rubriques de la BDESE fixées dans le code du travail.
La solution de facilité consiste ensuite à exporter ces données en tant que documents (au format PDF) dans la BDESE. Les membres de CSE n’ont alors accès qu’à des documents au format PDF classés au mieux par thèmes, rubriques ou dates. Ce que les éditeurs de solutions appellent une Gestion Électronique des Données (GED), c’est-à-dire en fait sorte de base documentaire digitalisée, où les documents PDF créés sont classés dans certains onglets de la BDESE.
Si cela peut se comprendre pour certains documents (accords signés, PV de réunions,…), pour lesquels l’exploitation est de toute façon limitée (recherche de mots clés, recherche d’une réponse à une question,….), la perte en termes d’exploitation par les membres des CSE est énorme pour toutes les données chiffrées. Les fichiers en PDF sont très difficilement transformables en fichiers Excel (surtout avec les outils destinés au grand public), les données issues de ces fichiers sont peu articulables les unes avec les autres ou cumulables et au pire certains services RH ne laissent aux membres des CSE qu’un accès en lecture seule (les documents ne sont pas téléchargeables).
La plupart des éditeurs de solutions considèrent que la BDESE ne peut pas contenir de tableurs (Excel/GoogleSheets/Sharepoint...) parce qu'il leur est avant tout impossible de gérer des droits d'accès distincts, la confidentialité, la traçabilité et bien d'autres aspects encore avec de tels outils.
Pourtant une BDESE uniquement construite comme une base documentaire digitalisée est fortement déconseillé pour plusieurs raisons :
- Les élus du personnel peuvent considérer à raison que ce format ne permet ni de faciliter "l'exploitation des données et leur appropriation" ni de "faciliter l'obtention d'une vision d'ensemble"... deux points exigés par la Loi (Cf. la Circulaire du 18/03/2014 sur la BDESE mais aussi le site du Ministère du Travail) ;
- Le mode documentaire ne permet pas d'exploiter pleinement les possibilités offertes par un stockage de données couplé à des fonctionnalités telles que : l'import automatisé de données externes (ex. progiciels paie/RH/DSN...), des boutons de calculs sur les indicateurs (ex. moyennes, totaux, %, variations, prévisions...), l'affichage de graphiques interactifs avec des formats variés, des outils de reporting, la génération de rapports dynamiques à partir des indicateurs... ce qui est le comble pour les éditeurs spécialisés dans la paie ou les SIRH qui proposent justement des solutions pour les directions qui permettent d’avoir toutes ces possibilités de travail sur les données….mais donc pas pour les membres de CSE ;
- La justice condamne la mise en place d'une BDESE structurée sous forme d'une simple compilation de documents (par exemple a été jugé au TGI de Bobigny le 01/09/2016 qu’"Il appartient à l'employeur, dans une mise à disposition informatique, de permettre un accès direct à l’information sous l’item considéré, un simple renvoi non circonscrit à un rapport, ou bilan ou tout autre document ayant une vocation globale, ne permettant pas de satisfaire à son obligation légale") ;
- La réglementation évolue clairement vers une substitution des rapports et bilans transmis de façon récurrente aux CSE à des éléments d'information insérés dynamiquement dans la BDESE (par exemple un tableau de données commentées)
Il est tout à fait aussi possible de faire évoluer le contenu de la BDESE
Par accord collectif, il est possible d’adapter les informations contenues dans la BDESE fixées aux articles R. 2312-8 et R. 2312-9 du code du travail. La négociation peut être l’occasion d’ajouter des indicateurs à la BDESE en fonction de l’activité de l’entreprise (Cf. article précédent), mais aussi de mieux définir le format des données mises à disposition.
Nous recommandons donc aux membres des CSE de demander explicitement à leur direction de faire évoluer l’outil vers une solution mixte :
- de Base de Données alpha-numériques, donc avec des tableaux dynamiques : les fichiers disponibles sur la BDESE doivent permettent alors de choisir les échantillons, procéder à des traitements, accéder à des graphiques interactifs,… pour mieux faire ressortir les informations recherchées ;
- et de Base Documentaire (GED) pour les documents à base essentiellement de textes (accords signés, PV de réunions,…).
Comme nous l’avons précédemment expliqué, pour la plupart des éditeurs de solutions cela ne pose aucun problème de mener cette évolution pour les membres des CSE, ils le font déjà pour produire des tableaux de bord pour les services RH.N’hésitez pas à solliciter nos conseils sur toutes ces questions liées à l’amélioration de votre BDESE.