Le Comité Social et Économique (CSE) dispose d’un véritable pouvoir contentieux. En vertu de l’article L2315-23 du Code du travail, le CSE bénéficie de la personnalité civile dans les entreprises de 50 salariés et plus. Ce statut lui donne qualité à agir en justice au même titre qu’une personne morale, pour faire respecter ses droits et garantir le bon fonctionnement du dialogue social. En tant qu’instance représentative du personnel, il peut initier des procédures judiciaires chaque fois que ses attributions légales ou consultatives sont mises à mal. En revanche, dans les entreprises de moins de 50 salariés, ce droit n’existe pas pour l’instance elle-même. Ce sont alors les membres individuellement, en tant que représentants du personnel, qui peuvent agir à titre personnel.
Jusqu’où peut aller cette capacité d’action en justice du CSE ? Quel est le cadre légal, les conditions de recevabilité et les démarches à suivre pour exercer une action en justice au nom du CSE ? Cet article revient en détail sur les points à connaître avant toute action en justice.
1) Dans quel cadre le CSE peut-il lancer une action en justice ?
Pour être recevable, l’action en justice du CSE doit défendre ses propres intérêts :
- Atteinte à ses prérogatives ;
- Atteinte à son fonctionnement ;
- Atteinte à son patrimoine ;
- Atteinte à ses droits procéduraux.
Par exemple, le CSE peut :
- Saisir le juge si l’employeur commet un délit d’entrave portant atteinte directe à ses droits (Cour de cassation 4 janvier 1979 n°77-93.761) ;
- Demander la communication de documents nécessaires à l’émission d’un avis ;
- Contester des élections ou une désignation syndicale irrégulière ;
- Obtenir l’exécution d’un droit à subvention ou à expertise.
Par contre, le CSE ne peut pas :
- Agir au nom des salariés pour contester des décisions individuelles (Cour de cassation 23 octobre 1985 n°84-14.272 / Cour de cassation 4 mars 1988 n°88-83.468) ;
- Remettre en cause la validité d’un accord collectif négocié entre l’employeur et les syndicats dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (Cour de cassation 1er juin 1994 n°92-18.896) ;
- Se constituer partie civile pour des infractions dont il ne subit pas personnellement le préjudice (Cour de cassation 14 mars 2007 n°06-41.647). Par exemple en cas d’allégation d’un abus de pouvoir imputé à l’employeur, lorsque l’infraction ne porte atteinte qu’à la société elle-même, sans démontrer d’atteinte aux prérogatives du CSE.
Les représentations du CSE peuvent également agir en justice :
- Le CSE central (Art. L2316-13 du Code du travail) ;
- Le CSE d’établissement dans les établissements d’au moins 50 salariés (Art. L2316-25 du Code du travail) ;
- Le comité d’entreprise européen (Art. L2343‑7 du Code du travail) ;
- Le comité de groupe (Cour de cassation 23 janvier 1990 n° 86‑14.947).
2) Quelles sont les types d’actions judiciaires envisageables ?
JURIDICTIONS | ACTIONS ENVISAGEABLES |
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Juridictions civiles et prud’hommales | • Problématiques portant sur les attributions économiques et le budget de fonctionnement du CSE ; • Problématiques portant sur les attributions sociales et culturelles et le budget ASC du CSE (pour fixer le taux de contribution de l’employeur aux activités sociales et culturelles Cour de cassation 17 septembre 2003 n° 01‑11.532) ; • Obtenir la suspension ou la nullité d’une décision prise sans consultation obligatoire ; • Réclamer l’exécution d’obligations légales (versement de la subvention, communication de documents…) ; • S’opposer à des atteintes à son bon fonctionnement ; • Contester des élections ou leur organisation (composition des listes, régularité des opérations électorales, désignation des représentants syndicaux au CSE…) ; • Obliger l’employeur à mettre en place des mesures correctives en cas de non-respect des conditions de santé et de sécurité, avec un risque grave pour les salariés (manquements en matière de prévention des risques, de sécurité des installations ou de respect des normes sanitaires). |
Juridictions pénales | • Porter plainte pour délit d’entrave (absence de réunion, refus de versement des moyens légaux… Cour de cassation 30 juin 1998 n° 97‑80398) : • Abus de confiance (Cour de cassation 19 février 2019 n° 18‑85.131). |
Juridictions administratives | • Contester une validation administrative d’un PSE (CAA Versailles 16 septembre 2014 n°14VE01826) ; • Demander l’annulation d’un permis de construire affectant les conditions de travail (CE, 5 déc. 1984) ; • Demander l’annulation de certains actes administratifs comme le licenciement d’un salarié protégé sans consultation du CSE. |
3) Quelle procédure le CSE doit-il suivre ?
Pour éviter l’irrecevabilité, certaines conditions de forme sont impératives :
- Inscription à l’ordre du jour, sans quoi la décision est nulle (Cour de cassation 5 septembre 2006) ;
- Délibération en réunion plénière du CSE (le Président ne prend pas part au vote) ;
- Mandat exprès donné à un membre du CSE, précisant l’objet, la juridiction, les motifs.
Si le mandataire quitte le CSE (non-réélection, démission…), un nouveau mandat est indispensable (Cour de cassation 9 septembre 2020).
- En matière civile seulement, le mandat peut être produit en cours d’instance, mais il doit être daté d’une délibération valide.
Si la procédure n’est pas correctement suivie, la délibération, et ce même si elle est votée à l’unanimité, est irrégulière (Cour de cassation 5 septembre 2006 nº 05-85.895). De fait, l’action en justice pourra être rejetée.
4) Sous quel délai le CSE doit-il agir en justice ?
Le délai de prescription applicable est de cinq ans, comme pour toute action personnelle ou mobilière (article 2224 du Code civil).
Ce délai ne commence à courir qu’à partir du moment où l’employeur a effectivement transmis au CSE les données utiles (Cour de cassation 31 mai 2016 n°14-25.042). Il importe peu que le comité n’ait pas expressément réclamé ces éléments préalablement (Cour de cassation 1er février 2011 n°10-30.160).
Attention, l’obligation de mise à disposition d’une Base de Données Économiques, Sociales et Environnementale (BDESE) pourrait, dans certaines situations, influencer l’appréciation du point de départ du délai de prescription, en fonction des informations effectivement rendues accessibles au comité (article L. 2312-18 du Code du travail).
L’action en justice constitue donc pour le CSE un dernier outil de protection de ses droits et de défense de ses missions. Toutefois, ce levier ne peut être activé que dans des conditions juridiques précises : l’action doit viser les intérêts propres du comité, respecter une procédure rigoureuse (ordre du jour, délibération, mandat exprès), et intervenir dans les délais légaux.
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