Le délit d'entrave du CSE : quand et comment réagir ?

11 juillet 2024

Le CSE est une instance représentative du personnel qui a pour mission de défendre les intérêts des salariés. Le délit d'entrave au CSE se produit lorsque l'employeur empêche le fonctionnement normal du CSE, portant ainsi atteinte aux droits des salariés.
Cet article explore en détail ce qu'est le délit d'entrave au CSE, les obligations de l'employeur, les sanctions possibles, et donne quelques exemples jurisprudentiels à partir des arrêts de la Cour de Cassation.

1. Qu’est-ce que le délit d’entrave au CSE ?

Le délit d'entrave se caractérise par toute action ou omission de l'employeur visant à empêcher ou à limiter le fonctionnement régulier du CSE. Selon les articles L2317-1, L2335-1 et L2317-2 du Code du travail notamment, cela peut inclure :

  • Le non-respect des obligations de consultation et d'information,
  • L’entrave à la constitution du CSE et à la libre désignation de ses membres,
  • L'absence de mise à disposition de moyens nécessaires au fonctionnement du CSE,
  • La mise en œuvre de mesures discriminatoires à l'encontre des membres du CSE.

En complément de ces articles, en l’absence d’une définition claire de la notion de délit d’entrave, la jurisprudence a apporté les précisions nécessaires.
Ainsi, pour les juges, constitue une entrave « tout fait d’action ou d’omission qui a pour objet ou pour effet de porter une atteinte quelconque, aussi légère soit-elle, au fonctionnement normal du comité, au plein exercice de ses attributions ou aux prérogatives de ses membres ».

2. Quelles sont les obligations de l’employeur ?

Pour éviter le délit d'entrave, l'employeur doit respecter plusieurs obligations légales récapitulées dans le tableau ci-dessous des principaux cas de délits d’entrave :

Information – Consultation du CSE L’employeur doit consulter le CSE sur les orientations stratégiques de l’entreprise, la situation économique et financière, la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi des salariés, etc.
Moyens matériels et financiers du CSE L’entreprise doit fournir au CSE les moyens matériels (locaux, ordinateur, téléphone, etc…) et financiers (budget de fonctionnement) nécessaires à l’accomplissement de ses missions.
Liberté de fonctionnement du CSE L’employeur doit permettre au CSE de se réunir dans le respect du calendrier des réunions.

3. Qui est concerné par le délit d’entrave ?

Le délit d’entrave concerne toutes les instances représentatives du personnel représentées par le CSE : membres élus, délégués syndicaux, salariés qui exercent un mandant représentatif (ex : conseillers prud’hommaux).

Au sein de l’entreprise, il n’y a pas que l’employeur qui peut se rendre coupable du délit d’entrave.
Les salariés peuvent également être poursuivis s’ils commettent un délit d’entrave caractérisé.
L’administrateur d’une entreprise en difficulté (Cour de cassation, 20 octobre 1987) ou en redressement judiciaire (Cour de cassation, 30 janvier 1996) peut également être reconnu coupable de délit d’entrave.

Même si c’est le DRH ou un autre membre de la direction qui préside le CSE, c’est la responsabilité de l’employeur qui reste engagée, à moins qu’il ait reçu délégation de pouvoir (Cour de cassation, 16 septembre 2003).

4. Quelle est la procédure en cas de délit d’entrave ?

Pour que le délit d’entrave soit constitué, 2 éléments doivent être réunis :

  • Un élément matériel : un acte ou une omission,
  • Un élément intentionnel : le caractère volontaire de l’acte.

Lorsque le délit d’entrave est constitué, la procédure se déroule en 2 temps :

  • Un recours amiable par l’envoi d’une lettre recommandée demandant à l’employeur le respect de ses obligations, et la régularisation de la situation ; c’est au secrétaire du CSE de signaler à l’employeur le délit d’entrave,
  • La constatation du délit d’entrave par l’inspection du travail si le recours amiable n’a pas abouti : l’inspection du travail peut se rendre dans l’entreprise, auditionner des salariés et demander la présentation de documents. Il peut dresser un procès-verbal pour sanctionner le comportement illégal (art. L8113-7 du Code du travail). Une fois établi, le PV est transmis au procureur de la République, qui décidera de la suite à y donner.

Le délit d’entrave peut également faire l’objet d’une condamnation en justice.
Il se prescrit par 3 ans à compter du jour où l’infraction est commise.

5. Quelles sont les sanctions en cas de délit d'entrave ?

Les articles L2317-1, L2335-1 et L2317-2 du Code du travail prévoient plusieurs types de sanctions, selon la gravité des faits.

Délit d’entrave

Sanctions pénales et/ou financières encourues

Entrave à la mise en place du CSE

1 an d’emprisonnement + 7 500 € d’amende
(art. L2317-1 Code du travail)

Entrave au bon fonctionnement du CSE

7 500 € d’amende (art. L2335-1 Code du travail)

Absence de présentation du bilan social de l’entreprise au CSE

7 500 € d’amende (art. 2317-2 Code du travail)

Entrave à l’exercice du droit syndical

1 an d’emprisonnement + 3 750 € d’amende

En cas de récidive, les peines peuvent être doublées.
Si le délit d’entrave est commis par une personne morale, l’amende encourue est égale au quintuple de celle prévue ci-dessus pour une personne physique.

Des sanctions supplémentaires sont également prévues lorsque le délit d’entrave est commis par une personne morale :

  • Affichage de la décision
  • Dissolution de la personne morale
  • Fermeture pour 5 ans, ou définitive, de l’établissement qui a commis l’infraction
  • Interdiction d’exercer pendant 5 ans ou définitivement une ou plusieurs activités professionnelles
  • Placement sous surveillance judiciaire pendant 5 ans.

En complément, l’employeur peut aussi être condamné à réparer les préjudices subis par les membres du CSE sous forme de dommages-intérêts.

6. Quelques exemples de délit d’entrave traités par des arrêts de la Cour de Cassation

Se rend coupable de délit d’entrave, l’employeur qui :

Cette liste n’est pas exhaustive.

Le délit d'entrave au CSE représente une atteinte grave aux droits des salariés et au bon fonctionnement des instances représentatives du personnel. Il est essentiel pour les employeurs de respecter les obligations légales et de favoriser un dialogue social constructif pour éviter de telles infractions.

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