Orientations stratégiques : les 10 questions à savoir

30 juin 2023

Obligations de l’employeur, avantages et objectifs, timing, transmission des données, questions à poser, valeur ajoutée d’un expert-comptable, découvrez les questions les plus posées sur les orientations stratégiques.

1. Est-ce que l’employeur doit expliquer sa stratégie à 3 ans et tous ses impacts au CSE ?

Oui et c’est même une obligation au moins une fois par an. L’employeur doit mettre le point à l’ordre du jour d’une réunion et lors de cette réunion expliquer des choses très importantes.L'article clé du code du travail qui en parle, c'est le L2312-24 : "Le comité social et économique est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise, définies par l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages. Cette consultation porte, en outre, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, sur les orientations de la formation professionnelle et sur le plan de développement des compétences"

Aucune définition de ce qu'est précisément une orientation stratégique n'a été donnée par le législateur. Les juges ont eu l'occasion de préciser qu'il s'agissait d'une notion variable en fonction de chaque entreprise, ce que nous pouvons en effet constater dans le cadre de nos missions.

La consultation sur ces orientations doit permettre un véritable échange entre le CSE et la direction sur la stratégie de l'entreprise dans le but d'anticiper ses conséquences pour les salariés et de permettre au comité d'appréhender annuellement les objectifs et les axes de développement à court et moyen terme de l'entreprise ou ses actions défensives ou de consolidation en considération de son environnement concurrentiel.

C'est une obligation : il s'agit d'une consultation et non d'une simple information du comité. Le code du travail a prévu que le CSE ne doit pas rendre son avis le jour même où les informations lui sont exposées. La première réunion (« d’information ») sert avant tout à faire le point sur les orientations stratégiques et les élus peuvent poser toutes les questions qu’ils veulent à la direction.

A défaut d’accord, le CSE a un mois pour rendre son avis motivé. Généralement, le point sur le rendu de l’avis est mis à l’ordre du jour de la réunion ordinaire suivante du CSE. Mais pour le code du travail, si le CSE n’en rend pas, il est alors réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai d’un mois.

En cas d’intervention d’un expert, ce délai est porté à deux mois. Il est porté à trois mois en cas d’intervention d’une ou plusieurs expertises dans le cadre de consultation se déroulant à la fois au niveau du CSE central et d’un ou plusieurs CSE d’établissement.

2. Quels sont les objectifs de cette consultation ?

Vous permettre de rendre un avis motivé, c’est-à-dire de donner l’avis du CSE sur les orientations stratégiques retenues mais surtout sur ce que cela aura comme conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages.

Avec les données de la BDESE et l’aide éventuelle d’un expert-comptable, vous pouvez argumenter sur les points que vous voulez voir améliorer et/ou faire des contrepropositions : sur les choix d’investissements retenus (automatisation, robotisation, externalisation) avec par exemple des propositions d’investissements alternatifs, de meilleure prise en compte des charges de travail, la programmation d’un programme de formations pour tenir compte des impacts sur les métiers,….

3. Quels sont les avantages de cette consultation ?

C’est le moment idéal d’avoir accès aux plans de la direction pour les 3 ans à venir. Sur quelles hypothèses ces plans ont-ils été construits (de rentabilité financière ? de productivité ?) à part les objectifs financiers, quels autres objectifs ont-été pris en compte ? Ces plans tablent-ils sur une évolution des métiers et des compétences ? si oui à quel niveau ? quelles sont les compétences à acquérir ?

C’est une très bonne occasion de demander des explications sur des questions importantes : quels sont les leviers d’action identifiées par la direction pour résoudre les problèmes ? ses plans d’actions ? sur quoi s’est-elle engagée auprès des actionnaires ?

C’est aussi le moment de faire des propositions d’amélioration à votre direction : investissements à faire pour améliorer les conditions de travail et la sécurité des salariés, proposer des formations à intégrer dans les plans de formation, etc.

Ces propositions vont être transmises à l’organe de direction qui devra y répondre. L'article L. 2312-24 indique que l'avis des élus du CSE sera "transmis à l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, qui formule une réponse argumentée. Le comité en reçoit communication et peut y répondre".

Ce point montre que les directions de l'entreprise doivent tenir compte de l'avis des élus. Ils ne peuvent pas l'ignorer et doivent y répondre. Le Code du travail permet aux élus de rebondir sur la réponse du Conseil d'administration. Le CSE a la possibilité d'interpeller l'organe dirigeant de l'entreprise sur les évolutions futures de l'entreprise.

4. Qui met en place cette consultation sur les orientations stratégiques?

C’est à l’employeur de mettre le point à l’ordre du jour chaque année d’une réunion du CSE. Lors de cette réunion, l’employeur doit présenter les éléments de ses orientations stratégiques définies par l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise (c’est-à-dire le conseil d’administration, le conseil exécutif ou le comité de contrôle). Normalement, les données doivent être déjà mises à disposition des membres du CSE dans la BDESE (Cf. question 6 plus bas), mais pour cette réunion l’employeur doit aussi prévoir une présentation spécifique.

Dans la pratique, cette consultation n’est pas encore menée dans un grand nombre d’organisations. C’est donc le CSE qui doit demander à mettre à l’ordre du jour d’une réunion du CSE le point sur les orientations stratégiques. L’employeur ne peut pas refuser de faire cette consultation : elle est obligatoire et cadrée dans le code du travail.

5. Quand faut-il demander à avoir cette consultation sur les orientations stratégiques ?

En début d’année, il est important que le CSE se mette d’accord avec la direction sur le planning retenu pour les trois consultations annuelles obligatoires. Si la direction n’évoque pas le sujet, c’est au CSE d’en faire la demande. Il est possible de mettre à l’ordre du jour de la première réunion du CSE de l’année, le point suivant : « Planning des consultations annuelles. Dates de début des consultations, données communiquées ».

En pratique, à cause des données liées à chaque consultation, certaines contraintes objectives existent :

- Pour la consultation sur la situation économique et financière, tant que l’organe de contrôle n’a pas approuvé les comptes de l’organisation, il n’est pas possible d’avoir accès aux données. De fait, pour les sociétés qui clôturent leurs comptes au 31 décembre d’une année, après que le service comptable ait mis à jour les dernières écritures, les commissaires aux comptes doivent intervenir, ce qui met plusieurs semaines. Une fois les comptes certifiés, il faut encore qu’ils soient approuvés par l’organe de contrôle (conseil d’administration, etc.). Il est donc préférable de prévoir une consultation à partir du mois d’avril/mai ;

- Pour la consultation sur la politique sociale, les données sur les rémunérations sont très vite accessibles. Par contre, il faut du temps pour produire un bilan social, un rapport égalité professionnel, un index d’égalité professionnelle, etc. Il est donc préférable de prévoir une consultation à partir du mois de juin/juillet ;

- Pour la consultation sur les orientations stratégiques, les contraintes sont nettement moins fortes sur les données. Les budgets sont souvent construits et validés lors du dernier trimestre de l’année antérieure et les autres données nécessaires sont plutôt prospectives et prévisionnelles. Il est donc possible de la commencer très tôt dans l’année, à partir du mois de janvier.

Par contre, il est tout à fait anormal de faire commencer les consultations en fin d’année (au mois de novembre/décembre) pour faire le point sur l’année antérieure. Cela perd tout intérêt et prive le CSE de son rôle de proposition. Cette pratique existe pourtant dans certaines entreprises mais c’est au CSE de faire respecter ses droits en insistant auprès de la direction pour que les consultations soient étalées dans l’année et ne commencent pas au dernier trimestre d’une année en cours. Le CSE est aussi en droit de le signaler à l’inspection du travail et de lui demander d’intervenir pour faire respecter ses droits, voire de mandater un avocat spécialisé pour l’aider à pouvoir exercer ses prérogatives.

6. Quelles données doivent être transmises au CSE sur les orientations stratégiques ?

On ne leur répétera jamais assez, il faut déjà que la Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales (BDES) soit à jour ! C’est le préalable à toute consultation dont évidemment celle sur la politique sociale. Si elle n’existe pas ou n’est pas à jour, c’est au CSE de demander à la direction de la mettre en place et de l’alimenter. Il est en plus possible d’améliorer son contenu ou le format des informations communiquées.

La loi ne précise pas les informations à fournir au CSE pour cette consultation sur les orientations stratégiques. Il n’en demeure pas moins que l’employeur doit lui transmettre, ou mettre à sa disposition dans la BDESE, des informations précises et écrites pour lui permettre de rendre un avis consultatif motivé en pleine connaissance de cause, c’est le droit commun (article L. 2312-15). La direction ne peut pas se permettre :

- De renvoyer les élus à la BDESE, d’autant qu’elle ne contient pas d’informations sur la stratégie de l’entreprise en tant que telle. La direction doit élaborer un document spécifique qui sera communiqué avant la réunion pour permettre au comité de rendre son avis ;

- De rester vague, voire laconique en ce qui concerne les orientations stratégiques.

Le CSE doit aussi avoir les éléments sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, sur les orientations de la formation professionnelle et sur le plan de développement des compétences, qui font parties de cette consultation (article L2312-24). Nous avons déjà abordé ce point dans un autre article qui explique le rôle du CSE par rapport à la GPEC et à la GEPP. Il ne serait pas normal qu’une direction n’ait élaboré aucun dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ni qu’elle ait de plan de formation ou de développement des compétences.

Il est courant que la direction fasse en plus de ces informations une présentation synthétique de ces orientations stratégiques lors de la première réunion avec le CSE lorsque le point est abordé. Il n’y a pas de format imposé, mais il est quand même important que la présentation aborde au minimum les grandes orientations stratégiques, mais aussi toutes les conséquences prévisibles sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages.

7. Est-ce que les membres du CSE peuvent poser des questions sur les orientations stratégiques ?

Oui bien sûr et il n’y a évidemment pas de questions idiotes. C’est dans l’esprit même des réunions de CSE de permettre qu’il y ait des questions posées par les membres du CSE.

Il peut s’agir déjà de questions de compréhension :

· comment a été construit le plan d’affaires (business plan) ?
· quel est l’effectif cible à 3 ans par service ?
· quel est la place des intérimaires dans ce business plan ?
· quels sont les impacts des développements attendus sur les salariés ?
· quels sont les plans d’action prévus pour y faire face ? (…)

Mais les élus peuvent aussi demander à avoir des compléments par rapport aux informations communiquées. Si les données ne sont pas assez détaillées, le CSE peut par exemple demander à avoir des données sur le marché (taille, dynamique, actions et positionnement des concurrents,…), des détails plus précis sur le nombre d’emplois envisagés à 3 ans,…

Si la direction ne peut pas répondre à ces demandes lors de la réunion, le CSE peut toujours demander à ce que les réponses lui soient envoyées avant la remise de l’avis.

8. Comment rédiger un avis motivé sur les orientations stratégiques ?

Le CSE doit avoir en tête que les avis consultatifs sont lus par les salariés et l’employeur. Il faut absolument qu’ils soient clairs, précis et bien argumentés : cela met en valeur le travail des élus et montrent bien ce qu’ils ont demandé à la direction.

Donner un avis positif/favorable ou négatif/défavorable sans aucune explication, n'a aucun sens et ne sert pas à grand-chose. Motiver son avis, c’est expliquer la situation, les points de satisfaction et/ou d’insatisfaction et surtout les points à améliorer par l’employeur par ordre de priorité.

Le CSE doit aussi préciser le plus possible ses contre-propositions visant à par exemple à proposer d’autres orientations stratégiques, des investissements à faire pour améliorer les conditions de travail et la sécurité des salariés, proposer des formations à intégrer dans les plans de formation, etc.

Rappelons que ces propositions vont être transmises à l’organe de direction qui devra y répondre (L'article L. 2312-24).

9. Quelle est la valeur ajoutée d’un expert-comptable pour le CSE dans cette consultation ?

Il est prévu que le CSE puisse se faire assister d’un expert-comptable pour auditer orientations stratégiques. Mais le CSE doit le mandater lors de la première réunion, celle au cours de laquelle la direction commence l’information-consultation. Il est nécessaire de mettre le point à l’ordre du jour de cette réunion et de voter à la fois sur le principe du recours à un expert puis sur le nom du cabinet.

Notre mission va consister à vous aider à :

- Comprendre les enjeux clés de votre secteur (caractéristiques du marché, de la concurrence, évolutions prévisibles, évolutions règlementaires, tendances sociales,...). En effet, nous vous préparons une analyse des points éventuellement passés sous silence ou minorés dans les argumentations qui vous sont présentées. Nous vous donnons notre analyse de la situation réelle sur le marché à partir de notre expérience de votre secteur mais aussi de nos bases de données;

- Décrypter la stratégie poursuivie par votre direction (positionnement, choix de sous-traitance, diversification, alliances,.....) ainsi que ses plans à 3 ans. Nous décortiquons les hypothèses ayant servi à construire ces plans à trois ans, nous étudions la qualité des simulations utilisées à trois ans, et nous vous montrons ce que cela donne si on change certaines hypothèses;

- Décoder les conséquences de ces choix sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages. Souvent ces conséquences ne sont pas ou très peu abordées. Nous insistons alors sur les points manquants et les impacts prévisibles. Nous vérifions l'articulation des orientations stratégiques avec la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi qu'avec les orientations de la formation professionnelle ;

- Depuis la loi du 25 août 2021, il faut également examiner les conséquences environnementales de ces choix ;

- Enfin, nous vous accompagnons pour établir des orientations alternatives réalistes et argumentées que vous pourrez défendre lors de la remise de votre avis sur ces orientations stratégiques. Nous vous aidons également à faire des propositions pour mieux articuler les orientations stratégiques avec les orientations de la formation professionnelle et avec la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

10. Quelles sont les limites de cette consultation ?

L’employeur à l’obligation de demander l’avis du CSE sur les orientations stratégiques, mais pas de le suivre. C’est souvent frustrant pour les membres du CSE car ils ont l’impression que leur direction n’a pas tenu compte de leurs propositions.

Le fait d’avoir rédigé et motivé un avis sur les orientations stratégiques permet cependant à tous les membres du CSE de pouvoir expliquer aux salariés ce qu’ils ont fait et demandé à la direction. C’est un outil de communication efficace pour montrer que le CSE cherche à obtenir des avancées pour les salariés.

De plus, il est toujours beaucoup plus difficile pour un employeur de refuser toutes les propositions du CSE et de devoir se justifier sur chacun de ses refus.

N’hésitez pas à solliciter nos conseils sur toutes ces questions liées aux orientations stratégiques.