Le Comité Social et Économique (CSE) joue un rôle clé dans le dialogue social en entreprise. À l’occasion de certaines décisions importantes, l’employeur a l’obligation de consulter le CSE, lequel doit alors rendre un avis.
Depuis la mise en place des délais préfix par les ordonnances Macron du 22 septembre 2017, les règles relatives à la consultation du CSE ont été précisées et renforcées. Le comité dispose en général d’un mois, parfois de deux mois lorsqu'une expertise est mise en œuvre, pour formuler son avis motivé. Passé ce délai, l'absence de réponse est considérée comme un avis négatif implicite.
Quant à la forme de l’avis, si aucun formalisme rigide n’est imposé, certaines exigences doivent être respectées. Le CSE peut exprimer un avis nuancé, émettre des vœux ou formuler des propositions.
La manière dont le CSE formalise et construit son avis est donc déterminante : au-delà d'une simple obligation légale, c'est un véritable levier d'influence pour protéger les intérêts des salariés et participer activement à la vie de l’entreprise.
Mais comment cet avis doit-il être formalisé ? Quels délais s’imposent au CSE pour se prononcer ? L’avis doit-il consister à être favorable ou défavorable ? Les élus du CSE doivent-ils voter ? Cet article revient sur les principales règles en la matière.
1) Quel est le délai pour le CSE pour rendre son avis ?
Depuis l’instauration des délais préfix, le CSE doit rendre son avis dans un temps déterminé : en général 1 à 3 mois, sauf en cas de Plan de Sauvegarde de l’Emploi.
- Le CSE a en principe un mois pour remettre son avis motivé (un accord d’entreprise peut allonger ou raccourcir les délais en matière de consultation) ;
- Le CSE a deux mois pour remettre son avis motivé s’il a désigné un expert pour l’aider à comprendre les effets potentiels d’un projet ou dans le cadre d’une consultation annuelle.
S’il estime manquer d’informations, il peut saisir le tribunal judiciaire en procédure accélérée pour obtenir un complément. Le juge a huit jours pour prendre sa décision. Cette action ne prolonge pas le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Mais le juge peut décider la prolongation du délai (Cour de cassation, 26/02/2020, n°18-22.759).
À défaut d'action avant l’expiration du délai, l'absence d'avis est assimilée à un avis négatif, selon l’article L2312-15 al.5 du Code du travail.
Le CSE peut aussi choisir de rendre son avis avant le terme du délai, dès lors qu’il se considère suffisamment informé.
Enfin, le CSE peut demander une suspension de séance, à la majorité des membres présents, ou selon les modalités fixées dans le règlement intérieur du CSE, afin de se concerter sans la présence de la direction.
Cette suspension permet au CSE d'affiner sa position, de rédiger un projet d'avis, puis à la reprise de la séance, de présenter officiellement sa position par l'intermédiaire d’un membre élu.
Pour donner du poids à l'avis rendu, il est possible de le soumettre à un vote à la majorité des membres présents.
2) Quelle doit être la forme de l’avis rendu par le CSE ?
Lorsqu'une consultation est imposée par le Code du travail, l'employeur doit solliciter l'avis du CSE. Toutefois, le Code du travail n’impose pas de forme particulière pour l’avis.
Il n’est pas obligatoire de procéder à un vote formel, même si c’est conseillé par prudence et collégialité. L’avis doit a minima résulter d’une délibération collective des membres élus du comité et non simplement d’échanges informels pendant la réunion (Cour de cassation, 10/01/2012, n°10-23.206).
Dans certains cas seulement (licenciement d’un salarié protégé par exemple), un vote à bulletin secret est obligatoire.
L’avis doit venir des élus uniquement :
- Le président du CSE (employeur) n’y participe pas ;
- Les représentants syndicaux peuvent s’exprimer mais ne votent pas.
Aucun quorum n’est requis pour rendre un avis valide. La présence d'un seul élu suffit pour que le comité puisse légalement rendre un avis (Cour de cassation, 30/09/2009, n°07-20.525).
L’avis du CSE doit obligatoirement être consigné dans le procès-verbal de la réunion (art. D2315-26 al.3 du Code du travail).
Il a valeur de preuve et doit être adopté dans un délai de 15 jours, sauf accord contraire.
3) Le CSE doit-il obligatoirement émettre un avis favorable ou défavorable ?
L’article L2312-15 al1er du Code du travail dispose que « le comité social et économique émet des avis et des vœux dans l’exercice de ses attributions consultatives ». Le Code du travail n’exige pas que l’avis soit nécessairement favorable ou défavorable.
L’absence d’avis dans le délai préfix équivaut à un avis négatif implicite.
Le CSE peut donc rendre un avis :
- Favorable / défavorable ;
- Conditionné / avec réserves ;
- Accompagné de vœux, propositions ou critiques constructives.
Exemple : être défavorable à un projet global de licenciement économique mais approuver les mesures d’accompagnement proposées.
L’avis rendu ne lie pas l’employeur. Même si cet avis est négatif, l’employeur conserve la liberté de poursuivre son projet, sous réserve de motiver sa décision.
Dans quelques hypothèses précises seulement, l’employeur ne peut pas agir sans un avis favorable du CSE :
- Mise en place d'horaires individualisés ;
- Remplacement du paiement d’heures supplémentaires par un repos compensateur (en l'absence de syndicats) ;
- Refus d'autorisation d'absence pour congé de formation économique, sociale et syndicale ;
- Nomination ou changement de secteur d'un médecin du travail ;
- Choix du service de santé au travail (interne ou interentreprises) ;
- Sortie d’un service médical interentreprises ;
Dans ces cas, un avis défavorable bloque la décision, sauf possibilité de recours devant l’inspection du travail.
Dans tous les cas, le CSE a intérêt à :
- Rédiger des avis argumentés, pas de simples opinions ;
- Émettre des vœux ou propositions pour améliorer les projets et contraindre l’employeur à y répondre publiquement ;
- Organiser un suivi de la mise en œuvre du projet après consultation, éventuellement via une commission de suivi.
Ainsi, l'avis ne marque pas la fin du rôle du CSE : il devient un levier d'influence durable.
Le Code du travail, en son article L2315-34, prévoit en effet que « l’employeur fait connaître, lors de la réunion du CSE suivant la communication du procès-verbal, sa décision motivée sur les propositions qui lui sont soumises ».
Le CSE a donc tout intérêt à formuler des vœux, notamment pour proposer des améliorations au projet soumis à consultation. Cette démarche permet soit d’obtenir des ajustements de la part de l’employeur, soit de l’obliger à justifier les raisons de son refus, même après la clôture de la consultation.
4) A qui peuvent être communiqués les avis rendus par le CSE ?
Dans certaines circonstances, l’avis du CSE peut être communiqué à l’organe de direction ou de surveillance de l’entreprise. Il est donc essentiel que le CSE construise avec soin le message qu’il souhaite transmettre au moment de rédiger son avis.
Le CSE doit penser à tous les destinataires potentiels de son avis :
- Employeur : pour peser sur la mise en œuvre d’un projet ;
- Organe de direction ou actionnaires : pour influencer les décisions stratégiques (exemple : orientations stratégiques, bilans sociaux) ;
- Inspection du travail / DREETS : pour peser en cas de restructuration, plan social ou licenciement d’un salarié protégé ;
- Tiers : en cas d'OPA, l’avis est publié dans les documents officiels ;
- Salariés : pour justifier l’action du CSE et mobiliser les équipes (via les PV ou des communications internes rapides).
Lorsque l'information transmise est insuffisante, le CSE peut estimer être dans l'impossibilité de rendre un avis éclairé. Il doit alors saisir le tribunal judiciaire avant la fin du délai de consultation pour obtenir des compléments d’information.
La formalisation de l'avis du CSE est un exercice juridique mais aussi politique. Le respect du cadre légal, l'utilisation stratégique des outils (avis circonstancié, suspension de séance, PV argumenté) permettent au CSE de peser plus efficacement sur les projets de l'entreprise et de garantir la protection des droits collectifs des salariés.
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