Les experts du CSE : quand et comment les mobiliser ?

4 février 2025

Le CSE peut recourir à divers experts, comme des experts-comptables, des experts habilités ou tout autre expert spécifique. Ces expertises permettent d’éclairer les membres du CSE sur des sujets complexes ou stratégiques, allant de l’analyse économique et financière aux questions de santé et sécurité au travail.
Encadrée par le Code du travail, la désignation d’experts par le CSE obéit à des règles précises, aussi bien en termes de financement que de modalités de mise en œuvre. L’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 est venue apporter des précisions.

Quels sont les cas dans lesquels le CSE peut recourir à une expertise ? Quelles sont les obligations des parties et les limites imposées ? Cet article propose une analyse détaillée des situations dans lesquelles le recours à des expertises est possible, des types d’experts mobilisables, ainsi que des conditions à respecter pour garantir leur efficacité et leur conformité juridique.

1) Quels sont les cas de recours aux expertises ?

Le recours par le CSE aux experts distingue deux grandes catégories : les consultations récurrentes et les consultations ponctuelles.

a) Consultations récurrentes

Les consultations récurrentes portent sur trois thématiques principales :

Conformément à l’Article L.2315-92 du Code du travail, un expert-comptable peut être désigné pour assister le CSE dans l’analyse de ces sujets.

Ces consultations, généralement annuelles, peuvent être espacées jusqu’à trois ans selon un accord d’entreprise. Nous avons détaillé dans un article nos conseils concernant le séquencement de ces différentes consultations.

Conformément à l’Article L.2315-76 du Code du travail, pour certains CSE dépassant un seuil d'effectifs, de ressources et de bilan, s’applique une obligation d'établir des comptes annuels et de désigner un expert-comptable qu'ils rémunèrent sur leur subvention de fonctionnement.

b) Consultations ponctuelles

Le recours à l’expertise par le CSE dans des cas ponctuels ou spécifiques est encadré par le Code du travail. Il ressort de l’Article L.2315-81 du Code du travail, que le CSE peut valablement faire appel à tout type d’expertise rémunérée par ses soins, pour la préparation de ses travaux.

■ L’expert-comptable

Le CSE peut désigner un expert-comptable dans les situations suivantes :

L'article 21 de l'ordonnance de 1945 dispose que l'expert-comptable est soumis à un secret professionnel absolu vis-à-vis des tiers concernant l'ensemble des informations dont il a connaissance à l'occasion de sa mission. Toutefois, le devoir de secret ne concerne que les tiers et non les membres du CSE. L'expert ayant pour mission d'éclairer les représentants du personnel sur la gestion de l'entreprise doit au contraire rendre compte du résultat de ses investigations. La divulgation aux élus par l'expert d'informations recueillies auprès de l'employeur doit même être considérée comme un acte de bon accomplissement de la mission.

■ Les experts habilités

Les experts habilités, remplaçant les anciens experts techniques et agréés, peuvent intervenir :

  • En cas de risque grave constaté (accident, maladie professionnelle, etc.) ;
  • Lors de l’introduction de nouvelles technologies ;
  • Pour des projets importants modifiant les conditions de santé, sécurité ou de travail ;
  • Pour préparer les négociations sur l’égalité professionnelle dans les entreprises de 300 salariés ou plus.

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2) Quel est le rôle des commissions du CSE ?

Le CSE peut aussi faire appel à des experts sur proposition de ses commissions internes :

  • La commission économique : Elle dispose des mêmes droits d’expertise que le CSE et peut s’appuyer sur des experts dans des domaines tels que les opérations économiques ou les alertes financières (Art. L.2315-48 du Code du travail) ;
  • La commission CSSCT : Elle n’est obligatoire que dans les établissements de plus de 300 salariés. Bien qu’elle reprenne une partie des fonctions du précédent CHSCT, elle reste limitée, ce n’est pas elle qui peut décider de recourir à des experts légaux (Art. L.2315-38 du Code du travail).
  • Les commissions supplémentaires : Un accord d'entreprise peut prévoir la création de commissions spécifiques pour traiter des sujets particuliers. Ces commissions peuvent intégrer des experts internes à l’entreprise pour des avis consultatifs.
  • Le CSE central et d’établissement : Les consultations récurrentes et ponctuelles se répartissent entre le niveau central et les établissements, selon la nature des projets et leur impact.

Les consultations relatives aux orientations stratégiques et à la situation économique et financière de l’entreprise sont généralement conduites au niveau global de l’entreprise, sauf décision contraire de l’employeur (Art. L.2312-22 du Code du travail). Si un accord de groupe est en place, ces consultations peuvent être élargies à l’ensemble du groupe, tout en conservant l’obligation de consulter chaque CSE du groupe sur les impacts des orientations stratégiques (Art. L.2312-20 du Code du travail).
Concernant la politique sociale, ces consultations doivent se dérouler à la fois au niveau central et au niveau des établissements lorsque des mesures spécifiques à ces derniers sont envisagées.
Pour les consultations ponctuelles, le CSE central est seul compétent dans trois cas principaux :

  • Les projets au niveau de l’entreprise sans mesures d’adaptation spécifiques pour un ou plusieurs établissements ;
  • Les projets ou consultations récurrentes dont les modalités de mise en œuvre, nécessitant des consultations ultérieures, ne sont pas encore définies ;
  • Les mesures communes à plusieurs établissements concernant les aménagements majeurs, les conditions de travail, ou l’introduction de nouvelles technologies (Art. L.2316-1 du Code du travail).

Le CSE central peut désigner des experts pour des projets stratégiques d’envergure, tandis qu’un comité d’établissement ne peut solliciter une expertise que pour des projets propres à son périmètre.

3) Comment sont financées les expertises ?

Le recours à un expert CSE à la charge de l’employeur ou cofinancé est réservé aux entreprises de plus de 50 salariés.

Attention, le moment de la désignation détermine le « payeur » des honoraires de l'expert. Même si peu de personnes connaissent cette jurisprudence, selon la Cour de cassation, le moment de la désignation est déterminant pour savoir qui doit, de l'employeur ou du CSE, supporter le coût de l'expertise. En l'absence de précision du code du travail, la Cour de Cassation a jugé que la désignation d'un expert par un CSE pour l'accompagner dans sa consultation sur les comptes annuels de l'entreprise avant la transmission de ces comptes, devait rester à la charge du comité d'entreprise. La Cour considère que le droit pour le comité de procéder à l'examen annuel des comptes de l'entreprise et de se faire assister d'un expert-comptable dont la rémunération est à la charge de l'employeur s'exerce au moment où les comptes lui sont transmis (Cour de Cassation, 28/03/2018, n016-12.707).

Lorsque le CSE décide de recourir à une expertise, les frais sont répartis comme suit, selon les cas (Art. L.2315-80 du Code du travail) :

  • Prise en charge intégrale par l’employeur :
    • Pour les consultations relatives à la situation économique et financière de l’entreprise ;
    • Pour les consultations sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi ;
    • Pour les Plans de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) ;
    • Pour les « risques graves, identifiés et actuels » constatés dans l’établissement.
    • Pour l'examen du rapport annuel relatif à l'accord de participation : La Cour de cassation dans un arrêt du 5 avril 2023 a confirmé sa jurisprudence antérieure (Cour de Cassation, 28 janv. 2009) mettant à la charge de l'employeur l'entière rémunération de l'expert-comptable. Selon la Cour, l'examen du rapport relatif à l'accord de participation devant être présenté par l'employeur dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, participe de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l'entreprise prévue à l'article L. 2315-88 du code du travail prévoyant le recours à une expertise rémunérée à 100 % par l'employeur. L'expertise relative à l'accord de participation ne relève donc pas de l'article L. 2315-81 concernant les « expertises libres » à la charge du budget de fonctionnement des CSE.
  • Cofinancement entre l’employeur et le CSE :
    • Le comité finance 20 % des coûts à partir de son budget de fonctionnement (sans limite), tandis que l’employeur couvre les 80 % restants ;
    • Cette règle s’applique aux consultations sur les orientations stratégiques de l’entreprise ainsi qu’à 4 consultations ponctuelles prévues par les articles L.2315-92 à L.2315-96 du Code du travail, à savoir :
    • Les offres publiques d’acquisition (OPA) ;
    • Les opérations de concentration ;
    • Les projets d’introduction de nouvelles technologies ;
    • Les projets majeurs modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de travail.
    • Les expertises relatives au droit d’alerte ou à la négociation d’accords (performance collective, égalité professionnelle) ne relèvent pas des consultations prévues à l’article L.2315-80 du Code du travail., mais de fait leur co-financement est le même.
  • Prise en charge intégrale par l’employeur en cas d’insuffisance budgétaire :
    • Si le budget de fonctionnement du CSE ne peut couvrir les 20 % nécessaires et qu’aucun transfert d’excédent vers les activités sociales et culturelles (ASC) n’a été effectué au cours des trois années précédentes, l’employeur supporte l’intégralité des frais. Dans ce cas, le CSE ne pourra pas transférer d’excédents vers les ASC pendant les trois années suivantes (Art. L.2315-61 du Code du travail).
  • Prise en charge intégrale par le CSE :

Le CSE peut également faire appel à tout type d’expertise nécessaire à la préparation de ses travaux. Dans ce cas, les frais sont entièrement à sa charge (Art. L.2315-81 du Code du travail, modifié par l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017).

L’expert a pour client le CSE avec lequel il conclut un contrat, alors même qu'il est rémunéré en totalité ou en grande partie par l'employeur, lequel n'est pas son client et ne l'a pas choisi. Cela ne signifie pas que l'expert n'entretienne pas de relations avec la direction de l'entreprise. Bien au contraire, car l'expert est amené dans l'accomplissement de sa mission à interroger la direction et à recueillir auprès d'elle de nombreuses informations relatives à la vie économique et sociale de l'entreprise. Mais, c'est à son client le comité que l'expert doit rendre un rapport et rendre compte de sa mission.

4) L’employeur peut-il contester le recours à l’expertise ?

L’employeur peut contester le recours à l’expertise, son coût ou encore la désignation de l’expert. Il dispose de 10 jours pour saisir le tribunal compétent. La décision judiciaire suspend temporairement le recours à l’expertise et les délais de consultation.

a) Notifications préalables à l'employeur

L’envoi d’une lettre de mission par l’expert directement à l’employeur a longtemps soulevé des questions quant à la transparence et à l’indépendance de l’expert vis-à-vis du comité d’entreprise. L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 est venue encadrer cette pratique en instaurant une obligation d’information préalable plus détaillée.

  • Dès la désignation de l’expert par le CSE, les membres du comité peuvent rédiger et transmettre à l’employeur un cahier des charges ;
  • Cependant, malgré une proposition faite lors des débats sur la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le comité n’a toujours pas l’obligation de solliciter plusieurs devis ni de les soumettre à l’employeur pour organiser une mise en concurrence entre les prestataires.

L’expert, de son côté, est tenu d’informer l’employeur, dans un délai de dix jours à compter de sa désignation, en précisant le coût prévisionnel, l’étendue et la durée de l’expertise (Art. L.2315-81-1 et R.2315-46 du Code du travail).
Le respect de ces formalités est d’autant plus important qu’il déclenche le délai dont dispose l’employeur pour contester les modalités de l’expertise.

b) Délai de contestation

L’employeur dispose d’un délai de 10 jours pour saisir le président du tribunal judiciaire, à partir de :

  1. La délibération du CSE décidant de recourir à l’expertise, si l’employeur conteste sa nécessité ;
  2. La désignation de l’expert, s’il conteste ce choix ;
  3. La notification à l’employeur du cahier des charges, ainsi que du coût prévisionnel, de l’étendue et de la durée de l’expertise, s’il conteste ces éléments ;
  4. La notification à l’employeur du coût final de l’expertise, s’il souhaite contester ce coût.

Le juge statue en référé, en premier et dernier ressort, dans les 10 jours suivant la saisine. Cette procédure suspend l’exécution de la décision du comité ainsi que les délais de consultation jusqu’à la notification du jugement.
La décision n’est pas susceptible d’appel. Un pourvoi en cassation peut être formé dans un délai de 10 jours à compter de la notification du jugement (Art. R.2315-50 du Code du travail).
En cas d’annulation définitive de la délibération du comité, l’expert doit rembourser à l’employeur les sommes perçues. Toutefois, le comité peut, à tout moment, décider de prendre ces frais à sa charge (Art. L.2315-86 du Code du travail).

5) Quelles sont les prérogatives des experts ?

Les experts disposent d’un accès libre aux locaux de l’entreprise et aux informations nécessaires à leur mission, dans le respect de la confidentialité.

a) L’accès aux locaux

Les experts désignés par la loi (et non les experts indépendants) bénéficient d’un accès libre aux locaux de l’entreprise dans le cadre de leur mission (Art. L.2315-82 du Code du travail).

b) L’accès aux informations

L’employeur est tenu de transmettre à l’expert les informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission (Art. L.2315-83 du Code du travail). Cette obligation s’applique également aux consultations ponctuelles prévues à l’Art. L.2315-93 du Code du travail.

  • L’expert-comptable peut examiner tous les éléments économiques, financiers ou sociaux qui permettent de comprendre les comptes et d’évaluer la situation de l’entreprise (Art. L.2315-89 du Code du travail). ;
  • De plus, pour effectuer ses vérifications, l’expert-comptable dispose des mêmes droits d’accès aux documents que le commissaire aux comptes.

Dans des cas plus spécifiques :

  • Lors d’une opération de concentration ou de recherche de repreneurs, l’expert-comptable peut accéder aux documents de toutes les sociétés concernées par l’opération ;
  • Lorsqu’il intervient dans le cadre d’une offre publique d’acquisition, il dispose d’un droit d’accès aux documents nécessaires pour établir son rapport sur les politiques, les stratégies et leurs impacts sur l’emploi.

c) L’obligation de discrétion

L’expert est soumis au secret professionnel, notamment en ce qui concerne les procédés de fabrication, ainsi qu’à une obligation de discrétion. Cette dernière couvre les informations confidentielles, à condition qu’elles soient expressément présentées comme telles par l’employeur (Art. L.2315-84 du Code du travail).

Par exemple :

  • Les experts-comptables peuvent examiner les comptes, les prévisions financières et d’autres documents stratégiques ;
  • Les experts habilités interviennent dans les domaines de la santé, sécurité et conditions de travail ;
  • Un expert peut également collaborer avec d’autres spécialistes pour produire un rapport unique en cas d’expertise multidisciplinaire.

6) Quels sont les délais de réalisation des expertises ?

La présence d’un expert légal est désormais la seule raison pouvant prolonger le délai maximal de consultation du CSE. Pour les consultations sans délai spécifique fixé par la loi et en l’absence d’accord avec un délégué syndical ou le CSE, ce dernier est réputé avoir rendu un avis négatif à l’expiration des délais suivants (Art. L.2312-16 et R. 2312-6 du Code du travail) :

  • 1 mois : délai standard sans intervention d’expert ;
  • 2 mois : lorsque l’expert intervient ;
  • 3 mois : en cas d’expertises multiples dans le cadre de consultations impliquant à la fois le CSE central et un ou plusieurs CSE d’établissement (les avis des CSE d’établissement doivent être transmis au CSE central au plus tard sept jours avant la fin du délai).

L’expert doit demander à l’employeur, dans les 3 jours suivant sa désignation, les informations nécessaires à sa mission. L’employeur dispose de 5 jours pour répondre (Art. R.2315-45 du Code du travail).
Si l’expert estime que les informations transmises sont insuffisantes, le CSE peut saisir le président du tribunal judiciaire en référé pour exiger la communication des éléments manquants. Le juge statue dans un délai de 8 jours. Cette procédure n’interrompt pas le délai dont dispose le comité pour rendre son avis, sauf si le juge décide de prolonger ce délai en cas de difficultés spécifiques d’accès aux informations (Art. L.2312-15 du Code du travail).

Un décret fixe les délais maximaux pour la remise des rapports, en l’absence d’accord entre l’employeur et le CSE. Ces délais varient selon le type d’expertise et les modalités spécifiques à chaque mission (Art. L.2315-85 du Code du travail) :

  • Délai butoir : L’expert doit remettre son rapport au plus tard 15 jours avant la fin du délai « couperet » de consultation du CSE, de 2 ou 3 mois selon le cas ;
  • Cas particuliers :
    • Pour une expertise en opérations de concentration, le rapport doit être remis dans les huit jours suivant la notification de la décision de l’Autorité de la concurrence ou de la Commission européenne ;
    • Lorsqu’il s’agit d’une expertise non liée à une consultation obligatoire (et sans délai fixé par la loi), le rapport doit être remis dans les deux mois suivant la désignation de l’expert. Ce délai peut être prolongé de deux mois supplémentaires par accord entre l’employeur et le CSE (Art. R.2315-47 du Code du travail).

Dans le cas d’expertises couvrant plusieurs champs, un rapport unique est établi. L’expert peut collaborer avec d’autres experts disposant des compétences ou habilitations nécessaires, notamment en matière de santé et sécurité (Art. R.1233-3-2 et Art. R.2315-48 du Code du travail).

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