L’article L2312-17 du Code du travail prévoit que les entreprises de 50 salariés et plus doivent obligatoirement élaborer un Programme Annuel de Prévention des Risques Professionnels et d’Amélioration des Conditions de Travail (PAPRIPACT).
Formalisé par la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 relative à la prévention en santé au travail, le PAPRIPACT est devenu un document central dans la prévention des risques professionnels au sein des entreprises. Il constitue un des piliers de la démarche de santé et sécurité au travail.
Le PAPRICAT est un prolongement pratique et opérationnel du Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP).
L'article L. 2312-27 du Code du travail précise que le CSE doit être consulté chaque année sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi dans l’entreprise, cette thématique incluant le PAPRIPACT. La loi du 2 août 2021 ne fait donc pas que réaffirmer l’importance du DUERP et enrichir le PAPRIPACT, elle légitime la place des élus en matière de prévention.
Cet article retrace autour de 4 questions clés, le cadre juridique et les objectifs du PAPRIPACT, puis revient sur l’obligation de prévention de l’employeur, tout en redéfinissant le rôle du CSE et les difficultés rencontrées dans le cadre du PAPRIPACT.
1. Quel est le cadre originel du PAPRIPACT et l’apport de la loi du 2 août 2021 ?
Le PAPRIPACT, Programme Annuel de Prévention des Risques Professionnels et d’Amélioration des Conditions de Travail, trouve ses racines dans les évolutions législatives visant à renforcer la sécurité et la santé au travail en France.
Textes réglementaires |
Apport juridique |
Loi n° 91-1414 du 31/12/1991 transposant la directive 89/391/CEE | Obligation pour l'employeur d'assurer la sécurité des travailleurs et de prévenir les risques |
Décret n° 2001-1016 du 05/11/2001 | Instauration du DUERP comme document obligatoire recensant les risques professionnels dans l’entreprise |
Loi Rebsamen du 17/08/2015 | Renforcement du rôle du CHSCT et consultation obligatoire sur le DUERP et les actions de prévention |
Ordonnances Macron du 22/09/2017 | Création du CSE, instance unique chargée de la santé, sécurité et amélioration des conditions de travail, consultée sur le DUERP et les actions de prévention |
Loi n° 2021-1018 du 02/08/2021 relative à la santé au travail | Renforcement du PAPRIPACT en tant que programme annuel, mise en place obligatoire de la traçabilité des expositions, et introduction de la négociation obligatoire sur la santé au travail. Cette loi, qui transcrit l'Accord National Interprofessionnel (ANI) du 09/12/2020, renforce la place du PAPRIPACT dans la politique de prévention des risques des entreprises. |
Bien que le PAPRIPACT découle historiquement de l'obligation de prévention des risques et du DUERP institué par le décret du 5 novembre 2001, c'est véritablement avec la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 relative à la gestion de la santé au travail qu'il a été explicitement reconnu et renforcé comme un programme annuel obligatoire, devant formaliser les actions de prévention et d'amélioration des conditions de travail en entreprise.
Cette loi précise que les actions prévues par le DUERP doivent être traduites en actions concrètes et planifiées annuellement via le PAPRIPACT.
La loi du 2 août 2021 impose également avec l’article L4121-3-1 du Code du travail que le DUERP soit conservé de manière dématérialisée et accessible pendant 40 ans pour garantir une traçabilité des expositions aux risques sur le long terme.
Elle introduit l’obligation de négociation annuelle sur la santé au travail pour certaines entreprises, notamment via le CSE.
Ainsi, le PAPRIPACT est désormais inscrit au cœur des obligations de concertation et de dialogue social en matière de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail.
Le PAPRIPACT doit être mis à jour régulièrement pour tenir compte des évolutions dans l’entreprise. Pourtant, malgré plus de 20 années d’existence, c’est un outil qui n’est pas encore parfaitement intégré dans la pratique des entreprises. D’après un rapport d’avril 2021 de Monsieur Pimbert, directeur INRS, sur la proposition de loi pour la prévention en santé au travail, à peine 50 % des entreprises le complèteraient une fois par an.
2. Quels sont les objectifs du PAPRIPACT ?
Le PAPRIPACT est un document élaboré par l’employeur, qui définit les actions de prévention nécessaires pour assurer la santé, la sécurité et les conditions de travail des salariés, et ainsi prévenir les risques professionnels identifiés dans l’entreprise.
Il est établi après réalisation du document unique (DU, DUER, ou DUERP) qui liste les risques professionnels et psychosociaux auxquels sont exposés les salariés de l’entreprise. L’ANDRH, communauté de professionnels des ressources humaines, en propose un modèle avec des exemples de risques identifiés. L’Assurance Maladie Risques professionnels et l’INRS proposent également l’accès gratuit à l'outil en ligne d’évaluation des risques pour permettre à l’employeur de faire un diagnostic des risques liés à son activité, afin de remplir et éditer son document unique. Il bénéficie alors d’un plan d’actions de prévention des risques, spécifique à son entreprise.
Le PAPRIPACT est une extension du DUERP. Il doit apporter des propositions de réponses concrètes aux problématiques posées par le DUERP, avec :
- Les risques constatés ;
- Les actions et mesures de prévention envisagées ;
- Le planning de mise en œuvre ;
- Les référents de chaque action ;
- Le budget chiffré.
Il n’y a pas de modèle officiel à suivre. Le PAPRIPACT peut par exemple être effectué sur Excel sous forme de tableau.
Le PAPRIPACT est ensuite soumis pour avis au CSE, ce qui donne un rôle décisif aux élus sur les mesures préventives prévues dans l’entreprise.
En effet, à travers ses différentes missions, et notamment l’analyse des risques professionnels, les propositions d’amélioration des conditions de travail et les enquêtes menées en cas d’accident du travail, le CSE joue un rôle important dans la préparation du PAPRIPACT.
Il peut définir un ordre de priorité des actions, ou proposer des mesures correctives ou supplémentaires à celles présentées, sur des thématiques comme :
- L’égalité salariale ;
- Le harcèlement moral ou physique ;
- L’emploi ou le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ;
- Les conditions de travail, aménagement des postes et des locaux ;
- La sécurité.
Cette liste n’est pas exhaustive.
Lors de la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, le PAPRIPACT doit donc être soumis au CSE avec le rapport annuel.
Le CSE devra s’assurer de la bonne mise en œuvre des actions prévues. L’employeur devra justifier par écrit les motifs de non-exécution.
A titre d’exemple sur l’importance donnée à ce document et à l’avis du CSE, le Code du travail prévoit que le PV de réunion du CSE sur l’examen du PAPRIPACT soit transmis en cas de demande d’obtention des marchés publics, de participations publiques, de subventions, de primes ou d’avantages sociaux ou fiscaux.
3. En quoi consiste l’obligation d’évaluation de l’employeur ?
L’obligation d’évaluation des risques professionnels par l’employeur repose sur l’article L4121-1 du Code du travail, qui impose à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Cette évaluation, qui se formalise à travers le DUERP et le PAPRIPACT, est organisée en 3 niveaux : primaire, secondaire et tertiaire, chacun correspondant à une étape différente de gestion des risques.
Niveau de prévention |
Etape de gestion des risques |
Prévention primaire |
La prévention primaire vise à éliminer ou réduire les risques à la source, avant qu’ils n’affectent les travailleurs. Elle consiste à mettre en place des actions de conception ou de réorganisation du travail qui permettent de limiter les dangers.
Par exemple, cela inclut l'aménagement des locaux, l’achat d'équipements de protection, ou encore la modification des méthodes de travail. C'est la forme de prévention la plus efficace, car elle agit avant que le risque ne se matérialise. |
Prévention secondaire |
La prévention secondaire a pour objectif de réagir aux risques avant qu'ils ne provoquent des dommages. Elle concerne principalement l'identification précoce des signes de danger ou de fatigue et l'anticipation des effets négatifs des risques déjà présents.
Les actions peuvent inclure des formations sur les gestes et postures, la sensibilisation aux risques psychosociaux, des contrôles réguliers des installations, ou encore des dépistages de santé pour les travailleurs exposés. |
Prévention tertiaire |
La prévention tertiaire s'adresse aux travailleurs ayant déjà subi les conséquences de l’exposition à des risques professionnels, comme un accident du travail ou une maladie professionnelle, ou une situation de harcèlement ou tout autre danger avéré.
Elle consiste à prendre des mesures pour limiter l'aggravation des problèmes de santé, à favoriser le retour au travail et la réinsertion professionnelle. Cela peut passer par des aménagements de poste, des dispositifs de soutien psychologique ou encore des mesures de réadaptation. |
4. Quelles sont les difficultés rencontrées par les CSE dans le cadre du PAPRIPACT ?
Les CSE jouent un rôle clé dans la mise en œuvre du Programme Annuel de Prévention des Risques Professionnels et d’Amélioration des Conditions de Travail, en collaborant avec l’employeur pour élaborer, suivre, et ajuster les actions de prévention des risques. Cependant, plusieurs difficultés sont fréquemment rencontrées par les CSE dans l'accomplissement de leur mission vis-à-vis du PAPRIPACT.
4.1 Le manque de formation et de compétences techniques
L’une des principales difficultés réside dans le manque de formation des membres du CSE sur les questions de santé, de sécurité au travail et sur les aspects techniques de l’évaluation des risques. Le PAPRIPACT nécessite une bonne compréhension des méthodes d'analyse des risques et des mesures à mettre en œuvre. Or, les élus du CSE ne sont pas toujours bien formés sur ces sujets, ce qui peut limiter leur capacité à évaluer correctement les propositions de l'employeur et à participer efficacement à l'élaboration du programme. Il est cependant possible de se former pour agir avec plus d’efficacité pour les salariés.
4.2 Un accès limité à l’information et l’absence de lien identifié avec le DUERP
Le manque d'accès aux informations nécessaires est une autre difficulté majeure. Pour évaluer les risques et proposer des actions pertinentes, le CSE doit pouvoir consulter toutes les données relatives aux conditions de travail, aux accidents du travail, et aux maladies professionnelles. Or, certaines entreprises peuvent ne pas vouloir transmettre ces informations de manière exhaustive ou transparente, rendant la mission du CSE plus difficile.
Le PAPRIPACT, document établi dans la continuité du DUERP, ne fait pas non plus toujours référence à ce dernier. Parfois, rien n’indique dans le PAPRIPACT les critères sur lesquels les actions issues des risques identifiés du DUERP ont été sélectionnés. L’absence de lien direct entre les documents multiplie les supports au lieu de simplifier le suivi des risques et actions à mener.
4.3 Des difficultés de communication avec l'employeur et les différents acteurs
Le PAPRIPACT demande une concertation entre l’employeur et le CSE, mais des divergences peuvent survenir sur la nature des risques identifiés, sur l'ampleur des moyens à engager ou sur les priorités des actions à mener, ce qui ralentit ou complique la mise en œuvre des actions de prévention.
4.4 Le manque de moyens financiers et humains
Le manque de moyens financiers et humains pour la mise en œuvre des actions prévues dans le PAPRIPACT est une difficulté récurrente. Si l’employeur n’alloue pas suffisamment de ressources pour la réalisation des mesures de prévention, cela limite l’efficacité du programme et complique le travail de suivi du CSE. Par ailleurs, les membres du CSE, souvent élus parmi les salariés, ont peu de temps à consacrer à leurs missions, notamment dans les petites entreprises, ce qui rend le suivi des actions préventives plus complexe.
4.5 Une faible prise en compte des risques primaires et des risques psychosociaux (RPS)
Les actions envisagées sont souvent de niveau secondaire ou tertiaire, alors qu’une mise à plat de l’organisation interne peut permettre de réduire le risque de niveau primaire.
De même, les risques psychosociaux (RPS), tels que le stress, le harcèlement ou le burn-out, sont parfois sous-évalués ou mal pris en compte dans le PAPRIPACT. Le CSE peut rencontrer des difficultés pour convaincre l’employeur d'agir sur ces questions, car les RPS sont plus difficiles à quantifier et à aborder que les risques physiques ou mécaniques. Le manque de sensibilisation sur ces risques et la difficulté à mettre en place des actions concrètes compliquent leur intégration dans le programme de prévention.
4.6 Un manque d’identification des catégories de personnels concernés
Les documents ne sont pas toujours assez précis sur les catégories de personnels concernés par les risques identifiés.
Des unités de travail trop larges ne permettent pas de prendre des mesures de prévention spécifiques et donc pleinement adaptées, notamment pour limiter au maximum les risques primaires.
4.7 Le suivi et l’évaluation des actions du PAPRIPACT
Enfin, une difficulté réside dans le suivi et l’évaluation des actions mises en œuvre. Le CSE doit non seulement participer à l’élaboration du PAPRIPACT, mais aussi veiller à ce que les mesures prises soient suivies dans le temps et évaluées pour leur efficacité. Ce processus demande un suivi continu et des outils d'évaluation qui ne sont pas toujours disponibles ou maîtrisés.
De plus, le PAPRIPACT n’est pas un document statique. Il doit évoluer a minima chaque année, en fonction des risques et de l’évolution des mesures de prévention, ce qui n’est pas fréquemment le cas dans les entreprises.
CE Expertises, cabinet d’expertise comptable spécialiste du CSE, peut vous accompagner dans le cadre de la préparation de votre consultation annuelle sur la politique sociale, et plus spécifiquement sur le thème de la prévention des risques professionnels et du PAPRIPACT. Contactez-nous pour en discuter.
Pour aller plus loin :
- La consultation annuelle sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi
- Les 10 questions à savoir sur la politique sociale
- Quel est le rôle du CSE par rapport aux accidents du travail et à la prévention des risques professionnels ?
- Le droit d’alerte du CSE : quand et comment l’utiliser ?