Depuis les ordonnances Macron du 22 septembre 2017, le paysage de la représentation du personnel, notamment avec l’instauration du Comité Social et Économique (CSE) qui a remplacé les anciennes instances représentatives du personnel telles que les délégués du personnel, le Comité d'Entreprise (CE) et le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT).
Dans les entreprises comprenant plusieurs établissements distincts, la loi prévoit la mise en place non seulement d’un CSE d’établissement, mais également d’un CSE central (CSEC). Ces deux instances cohabitent et se partagent les compétences relatives à la gestion des intérêts des salariés, en fonction de leur périmètre de compétences. Cette articulation entre le CSE central et le CSE d’établissement est régie par des règles juridiques précises, permettant de déterminer les domaines dans lesquels chaque instance intervient.
Cet article revient en détail sur les attributions de chacune de ces 2 instances.
Quelles sont les différences entre CSE d’établissement et CSE central ?
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CSE central (CSEC) |
CSE d’établissement |
Code du travail |
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Seuil de mise en place |
Lorsque l'entreprise compte au moins 50 salariés et comporte au moins deux établissements distincts. |
Mêmes attributions qu’un CSE d’une entreprise d’au moins 50 salariés, mais uniquement dans la limite des pouvoirs confiés au chef d’établissement. La détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts relève de la négociation d'un accord d'entreprise majoritaire. |
Composition |
Le CSE central est composé de représentants des CSE d’établissement, élus parmi eux, ainsi que de l’employeur ou de son représentant. |
Le CSE d’établissement se compose de représentants élus par les salariés de l’établissement concerné, ainsi que de l’employeur ou de son représentant. |
Compétences |
Le CSE central est compétent pour les décisions d’ordre économique et financier qui concernent l’entreprise dans son ensemble, la bonne marche générale de l’entreprise, et excédant les limites des pouvoirs des chefs d’établissements. Le CSE central est informé et consulté sur des sujets tels que : Le CSE central peut déclencher le droit d’alerte économique. |
L’établissement distinct est défini comme une unité autonome pour laquelle un chef d’établissement dispose du pouvoir de direction. Le CSE d’établissement se concentre sur les sujets spécifiques à son périmètre : Le CSE d’établissement a un rôle clé dans l’application des mesures de prévention des risques professionnels et peut proposer des améliorations pour les conditions de travail des salariés de l’établissement. |
Subvention de fonctionnement |
Le CSE central supportant des frais de fonctionnement portant aussi sur le CSE d’établissement, il est fondé à demander au CSE d’établissement une rétrocession d’une partie de sa subvention de fonctionnement, dont le montant doit être déterminé par accord local. À défaut d'accord entre le CSE central et les CSE d'établissement, et à défaut de stipulations dans la convention collective de branche, le tribunal judiciaire fixe le montant de la subvention que doit rétrocéder chaque CSE d'établissement au CSE central (Articles L.2315-62 et R.2315-32 du Code du travail). |
Comme pour CSE d’entreprise, la subvention est versée sur la base de la masse salariale propre à l'établissement dans lequel il a été constitué. |
Budget des activités sociales et culturelles |
Les CSE d’établissement peuvent décider de confier une ou plusieurs activités sociales et culturelles au CSE central, portées au rang d'activités communes. Une convention doit alors être conclue avec : |
Le CSE d’établissement a la charge des activités sociales et culturelles de l’établissement. Un accord entre l'employeur et un ou plusieurs syndicats représentatifs dans l'entreprise peut définir les compétences respectives du CSE d'établissement et du CSE central, sans toutefois priver le CSE d'établissement de la gestion des activités sociales et culturelles qui lui sont propres. Le montant global de la contribution, calculé au niveau de l'entreprise, est réparti entre les instances locales au prorata de la masse salariale des établissements où elles ont été constituées. |
L’article L.2316-20 du Code du travail précise que le CSE central (CSEC) et les CSE d’établissement doivent coordonner leur action, afin d’assurer une bonne articulation entre les deux niveaux de représentation.
En pratique, cette articulation repose souvent sur la circulation des informations entre les CSE d’établissement et le CSE central. Les décisions prises au niveau du CSE central peuvent avoir des conséquences sur les établissements, et vice-versa.
Quel accès à la BDESE pour le CSE central et les CSE d’établissement ?
La Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales (BDESE) est constituée au niveau de l’entreprise, sauf accord collectif contraire.
Les membres du CSE central (CSEC) et des CSE d’établissement doivent y accéder de manière à pouvoir exercer leurs compétences respectives.
Par exemple, le CSE d’établissement doit pouvoir accéder au bilan social de son établissement, ou à sa comptabilité propre.
Quels sont les projets sur lesquels le CSE central ou le CSE d’établissement doit être informé ou consulté ?
Questions / Projets |
Information ou consultation du CSE central ou CSE d’établissement |
Consultation sur les orientations stratégiques et sur la situation économique et financière de l’entreprise |
Consultation du CSE central uniquement, sauf accord d’entreprise ou décision contraire de l’employeur.
Le CSE central peut décider de recourir à un expert-comptable. |
Consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi de l’entreprise |
Consultation du CSE central et des CSE d’établissements si des mesures d’adaptation spécifique sont prévues pour ces établissements. Un accord d’entreprise peut prévoir que la consultation se fait seulement au niveau des CSE d’établissements.Le CSE central peut recourir à un expert. Le CSE d’établissement peut lui aussi faire appel à un expert pour les questions relevant de sa compétence. Il peut donc y avoir double expertise en cas de mesures spécifiques à l’établissement et relevant de la compétence du chef d’établissement. |
Projet d’entreprise sans mesure spécifique à un établissement |
Consultation du CSE central. Information postérieure des CSE d’établissement. |
Projet d’entreprise dont les mesures ne sont pas encore définies pour les établissements |
Consultation du CSE central. Consultation postérieure du CSE des établissements concernés par les mesures d’adaptation spécifiques. |
Projet d’entreprise avec mesures définies pour un établissement |
Consultation du CSE d’établissement puis du CSE central. Ou l’inverse si un accord collectif le prévoit. |
Quelques exemples jurisprudentiels de points d’articulation entre CSE central et CSE d’établissement
- Arrêt Société X (Cour de cassation, 09/12/2020, n° 19-12.457) : Dans cette décision, la Cour de cassation a précisé que les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) doivent être traités au niveau du CSE central lorsqu’ils concernent plusieurs établissements, même si leurs conséquences immédiates se font sentir dans un ou plusieurs établissements spécifiques. En revanche, si un PSE ne concerne qu’un seul établissement, la compétence revient au CSE de l’établissement concerné.
- Arrêt Société Akka Technologies (Cour de cassation, 10/07/2019, n° 18-18.453) : L’affaire portait sur la réorganisation d’une entreprise avec plusieurs établissements, touchant à la fois les aspects économiques et organisationnels.
La Cour a jugé que lorsque la réorganisation a un impact direct sur plusieurs établissements, le CSE central est compétent pour donner son avis.
Les CSE d’établissement sont uniquement consultés sur les mesures spécifiques concernant leur propre périmètre, telles que les conditions de travail ou les conséquences sur l’organisation du travail dans l’établissement.
- Arrêt Fnac Darty (Cour de cassation, 26/09/2018, n° 17-19.170) : Dans cette affaire, la question portait sur la compétence pour la consultation concernant un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) impactant plusieurs établissements d’une même entreprise.
La direction de l’entreprise avait initié une procédure de consultation auprès des CSE d’établissement sans passer par le CSE central (CSEC).
La Cour de cassation a rappelé que le CSE central est compétent pour les plans sociaux lorsqu’ils concernent plusieurs établissements de manière simultanée.
En l’espèce, le PSE impliquait des suppressions de postes dans plusieurs établissements, rendant la consultation du CSE central (CSEC) obligatoire. La consultation des CSE d’établissement ne pouvait intervenir qu'après celle du CSE central pour les aspects spécifiques aux établissements.
- Arrêt SNCF (Cour de cassation, 18/03/2020, n° 19-11.338) : Un accord de performance collective avait été négocié au niveau de l’entreprise avec le CSEC, mais les CSE d’établissement refusaient de l’appliquer, considérant qu’ils devaient être consultés au préalable.
La Cour de cassation a tranché en faveur de la direction, estimant que les accords d’entreprise portant sur des sujets d’ordre économique, tels que les accords de performance collective, relèvent de la compétence exclusive du CSE central. Les CSE d’établissement ne sont compétents que pour adapter cet accord à leurs spécificités locales.
Cet arrêt réaffirme la prédominance du CSEC sur les questions touchant à la politique économique et sociale globale de l’entreprise, les CSE d’établissement n’ayant qu’un rôle consultatif sur les mesures spécifiques locales.
- Arrêt UES NextiraOne (Cour de cassation, 15/11/2017, n° 16-24.231) : L'entreprise concernée avait décidé de fusionner plusieurs établissements dans le cadre d’une réorganisation. Les CSE d’établissement avaient été consultés individuellement sur cette réorganisation, mais le CSEC avait été tenu à l'écart de la procédure.
La Cour de cassation a jugé que toute décision stratégique, même si elle concerne plusieurs établissements de manière distincte, doit faire l’objet d’une consultation préalable du CSE central (CSEC), avant les consultations des CSE d’établissement. Le CSEC est compétent pour les décisions stratégiques impactant l’ensemble de l’entreprise, tandis que les CSE d’établissement sont consultés uniquement sur les mesures ayant des conséquences directes sur les conditions de travail dans chaque établissement.
- Arrêt Hutchinson (Cour de cassation, 03/10/2018, n° 17-15.231) : L’employeur avait consulté uniquement les CSE d’établissement sur la politique de formation, sans passer par le CSE central.
La Cour de cassation a jugé que la politique générale de formation relève de la compétence du CSE central, puisque la formation constitue un sujet d’ordre global pour l’entreprise. Les CSE d’établissement peuvent être consultés pour les modalités spécifiques d’application des formations dans chaque site, mais la stratégie globale doit être discutée avec le CSE central (CSEC).
CE Expertises, cabinet d’expertise comptable spécialiste du CSE, peut vous accompagner en tant que CSE central pour les consultations récurrentes, mais également en tant que CSE d’établissement pour les questions relevant de votre compétence en matière de politique sociale, des conditions de travail et de l’emploi dans l’entreprise et votre établissement. Contactez-nous pour en discuter !
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