Le CSE et l’inspection du travail en 5 questions

13 août 2025

Sous autorité des DREETS (Directions Régionales de l’Économie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités), l’inspection du travail contrôle l’application du Code du travail, conseille les acteurs, peut concilier en cas de litige, dresser des procès‑verbaux, et ordonner des mises en demeure ou des arrêts de travaux en cas de danger grave.

De son côté, le CSE a pour missions principales la promotion de la santé, sécurité et conditions de travail (SSCT), l’expression collective des salariés, et la présentation de réclamations individuelles ou collectives. Dans ce cadre, il dispose notamment du droit à l’information et consultation, d’un droit d’alerte, d’un droit d’inspection régulier, et peut mener des enquêtes en cas d’accident ou de maladie professionnelle.

Cet article reprend les points clés des relations entre le CSE et l’inspection du travail.

1) Quelles sont les similitudes entre les prérogatives du CSE et les pouvoirs de l’inspection du travail ?

Attributions du CSE en SSCT

Le CSE dispose de plusieurs attributions en matière de santé, sécurité et conditions de travail (SSCT) :

  • Il réalise des inspections régulières des lieux de travail et conduit des enquêtes en cas d’accident ou de maladie professionnelle ;
  • Il peut également exprimer des réclamations individuelles ou collectives et formuler des avis ou recommandations à destination de l’employeur ;
  • Il doit être consulté sur les projets d'aménagement et d'introduction de nouvelles technologies ;
  • Il formule des avis et des recommandations sur les mesures de prévention à mettre en œuvre dans l’entreprise ;
  • Il bénéficie d’un droit d’alerte en cas de risque grave ou de violation des droits des salariés, notamment en matière de harcèlement ou de discrimination. Ce droit lui permet, le cas échéant, de saisir directement l’inspection du travail afin d’obtenir son intervention.

Pouvoirs de l’inspection du travail

L’inspection du travail détient des pouvoirs étendus :

  • Elle a le droit d’entrer sur le site de l’entreprise sans avertissement préalable, d’accéder à tous les documents utiles et de rencontrer librement le personnel ;
  • Elle peut également procéder à des vérifications, notamment en prélevant des objets ou des substances pour analyse, ou demander des justificatifs d’identités des travailleurs par ex ;
  • Elle doit donner une autorisation préalable à l’employeur dans certains cas, comme l’embauche d’un mineur ou le licenciement de personnes exerçant la fonction de représentant du personnel ;
  • Elle a la capacité de dresser des procès-verbaux en cas d’infractions constatées, d’imposer des mises en demeure à l’employeur, d’ordonner l’arrêt de travaux dangereux ou, dans les situations les plus graves, de saisir le procureur de la République.

L’employeur ne peut pas refuser un contrôle de l’inspection du travail imposé par la DREETS. Il commettrait alors un délit d’obstacle passible d’un an d’emprisonnement et de 37.500 euros d’amende.

2) Dans quelles situations le CSE et l’inspection du travail sont-ils amenés à collaborer ?

En tant qu’instance représentative du personnel, le CSE joue un rôle essentiel dans la défense des droits et la protection des intérêts des salariés au sein de l’entreprise. Afin de veiller au respect des règles en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (SSCT), le CSE peut entretenir une collaboration étroite avec la DREETS (Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités).

Cette coopération prend plusieurs formes.

Saisine de l’Inspection du travail

Le CSE, via son droit d’alerte, peut saisir l’inspection du travail lors de signalement de manquements ou risques avérés. Cette saisine peut être écrite ou orale et doit être circonstanciée.

Une saisine peut prendre plusieurs formes :

  • Des observations ou un simple signalement de situation ;
  • La transmission d’un compte-rendu ;
  • L’opinion du CSE sur un incident en cours ;
  • Un questionnement de l’employeur resté sans réponse ;
  • Une plainte ou une demande d’intervention administrative, de contrôle ou d'enquête.

Les élus du CSE peuvent, par exemple, solliciter directement la DREETS pour obtenir des conseils ou un accompagnement sur des problématiques spécifiques. Ils peuvent également transmettre à cette administration des informations recueillies sur le terrain, telles que des constats relatifs aux risques professionnels, aux difficultés rencontrées par les salariés ou aux conditions de travail.

Par ailleurs, le CSE dispose de la possibilité de signaler à la DREETS toute situation caractérisant un manquement au droit du travail. En cas d’accident, de maladie professionnelle, de plainte pour harcèlement ou discrimination, ou encore face à un risque grave pour la santé et la sécurité, le comité peut procéder à une saisine.

Cette saisine peut prendre différentes formes selon la gravité des faits : simple signalement informatif, rapport circonstancié ou encore demande formelle d’intervention ou d’enquête de l’inspection du travail. Dans ces situations, le CSE convoque souvent des réunions extraordinaires afin de traiter rapidement ces problématiques et de mettre en œuvre les mesures nécessaires.

Accompagnement lors des contrôles

Lorsqu’un inspecteur intervient en entreprise, l’employeur doit en informer le CSE, sous peine de délit d’entrave.

Un représentant du CSE peut accompagner l’inspection et fournir des observations ou documents (PV, BDSE, registres, etc.) afin d’éclairer les contrôles.

Cette présence permet aux élus d’apporter un éclairage concret sur les conditions de travail et d’attirer l’attention de l’inspecteur sur d’éventuelles infractions ou manquements en matière de santé, de sécurité ou de respect des droits des salariés.

Suivi des suites et réparations

Lorsque l’inspection du travail identifie des non-conformités, elle peut imposer diverses mesures, allant d’une simple mise en demeure à un arrêt temporaire des activités en cas de danger grave et imminent.

Le CSE est informé des décisions prises et veille à leur bonne exécution par l’employeur. Si ce dernier ne se conforme pas aux prescriptions de l’inspection, le comité peut intervenir auprès de l’inspection du travail et demander le renforcement des sanctions ou de nouvelles actions de contrôle.

Echanges documentaires

Le CSE peut transmettre les procès-verbaux de ses réunions, les rapports d’expertise ou encore les conclusions d’enquêtes menées à la suite d’accidents du travail.

En retour, l’inspection du travail peut fournir aux élus des éléments d’information relatifs aux évolutions réglementaires, aux exigences légales ou aux bonnes pratiques en matière de prévention des risques professionnels.

Invitation aux réunions du CSE

L’inspecteur du travail peut être convié à certaines réunions du CSE, soit à la demande de l’employeur, soit à l’initiative de la majorité des élus. Sa présence est notamment prévue lorsque l’ordre du jour porte sur des thématiques relatives à la santé, à la sécurité ou aux conditions de travail. Il assiste également de droit aux réunions de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) dans les entreprises de plus de 300 salariés.

Par ailleurs, sa participation est requise lors des réunions du CSE organisées à la suite d’un accident du travail ayant entraîné un arrêt d’au moins huit jours, ou encore lorsqu’il s’agit d’examiner une maladie professionnelle ou à caractère professionnel.

3) Quelles sont les actions du CSE envers l’inspection du travail en cas de PSE ?

Lorsqu’une entreprise envisage un licenciement économique collectif de plus de 10 salariés sur 30 jours, elle doit mettre en place un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE). Dans ce cadre, le CSE et la DREETS sont deux acteurs incontournables, leurs rôles étant complémentaires.

Information et consultation obligatoire du CSE

  • L’employeur doit informer et consulter le CSE sur le projet de licenciement économique et sur le contenu du PSE ;
  • Le CSE émet deux avis distincts :
    • Un avis sur le projet économique (causes et justification du licenciement) ;
    • Un avis sur les mesures sociales du PSE (plan de reclassement, mesures d’accompagnement, formation, CSP, etc...) ;
  • Ces avis sont transmis à la DREETS par l’employeur.

Rôle de la DREETS : validation ou homologation du PSE

La DREETS intervient différemment selon le cadre juridique du PSE :

  • En cas d’accord collectif majoritaire, la DREETS valide l’accord ;
  • En l’absence d’accord, elle homologue un document unilatéral rédigé par l’employeur.

Dans les deux cas, la DREETS :

  • Vérifie la régularité de la procédure d’information-consultation du CSE (respect des délais, réunions, transmission des informations) ;
  • Contrôle la qualité et la proportionnalité des mesures du PSE au regard des moyens de l’entreprise et du groupe ;
  • S’assure que le CSE a pu recourir, le cas échéant, à un expert-comptable.

Spécificités du CSE vers la DREETS

  • Transmission des PV du CSE à la DREETS : les procès-verbaux d’avis du CSE doivent être communiqués par l’employeur ;
  • Signalement des irrégularités par le CSE : si le CSE estime que la procédure n’a pas été respectée (délais non tenus, informations insuffisantes…), il peut alerter directement la DREETS ;
  • Appui technique : le CSE peut solliciter la DREETS pour obtenir des éclaircissements sur le cadre légal ou les droits des salariés lors du PSE.

Pouvoir de contrôle et contentieux

  • La DREETS dispose d’un délai de 15 jours (validation) ou 21 jours (homologation) pour se prononcer ;
  • Elle peut refuser la validation ou l’homologation en cas d’irrégularité de procédure ou d’insuffisance du PSE ;
  • Le CSE ou les salariés peuvent saisir le juge administratif pour contester la décision de la DREETS.

4) Que dit le bilan d’activité de l’Inspection du travail ?

Le bilan d’activité des Services de l’Inspection du Travail (SIT) pour 2023 et le premier semestre 2024 met en évidence les interactions entre le CSE et l’inspection du travail.

Une présence renforcée des agents de contrôle sur le terrain

Les agents de l’Inspection du travail ont réalisé un nombre significatif d’interventions, avec une majorité effectuée directement sur site. Ces actions incluent des contrôles, des enquêtes, des réunions en entreprise et des examens de documents. Cette proximité permet un contact direct avec les représentants du personnel et favorise la remontée rapide des problématiques observées sur le terrain.

Les priorités de l’action du Service d’Inspection du Travail

Près de 50 % des suites d’intervention concernent la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP), suivie par la lutte contre les fraudes (12 %), la protection des travailleurs vulnérables (13 %) et la promotion du dialogue social (18 %). Ce dernier point illustre l’importance accordée au rôle des instances représentatives du personnel dans la construction d’un dialogue social de qualité au sein des entreprises.

Une sollicitation encore limitée par les IRP

Malgré leur rôle central, les institutions représentatives du personnel, dont les CSE, sollicitent encore relativement peu l’Inspection du travail pour des interventions ou des conseils. Cette situation interroge sur la nécessité de renforcer la formation des élus pour mieux utiliser cet appui administratif, notamment en matière de signalement de manquements ou de risques professionnels.

L’appui au dialogue social et au fonctionnement des CSE

Le SIT consacre également des actions spécifiques au bon fonctionnement des instances représentatives. En Bourgogne-Franche-Comté, par exemple, une campagne a été menée pour sensibiliser les employeurs, les salariés et les membres du CSE sur leurs droits et obligations. Elle a porté sur les réunions obligatoires, la formation des élus, leurs prérogatives en santé et sécurité et les affichages légaux. Cette démarche, alliant information, contrôle et évaluation, vise à améliorer la conformité réglementaire et la qualité du dialogue social dans les entreprises.

Ce bilan d’activité montre que l’Inspection du travail constitue un partenaire essentiel pour les CSE dans la défense des droits des salariés et la prévention des risques, malgré un recours encore faible des élus à cette administration.

5) Que dit la jurisprudence sur les liens entre le CSE et l’inspection du travail ?

La procédure de référé en cas de danger grave et imminent

Le Code du travail établit une procédure spécifique en cas de danger grave et imminent menaçant la santé ou la sécurité des salariés. Dans une telle situation, l’employeur et le CSE doivent collaborer pour identifier et mettre en œuvre les mesures nécessaires afin d’éliminer le risque.

Si un désaccord persiste entre les deux parties sur la nature du danger ou les actions à entreprendre, il appartient alors à l’employeur de saisir l’inspection du travail pour trancher.

Dans un arrêt récent du 12 février 2025, la Cour de cassation a précisé que, dans ce cadre particulier, seul l’inspecteur du travail est habilité à agir en référé, et non le CSE (Cour de cassation, 12 févr. 2025, n°24-70.010).

La consultation préalable avant le licenciement d’un salarié protégé

Un employeur qui ne respecte pas la procédure protectrice contre le licenciement des représentants du personnel, notamment en licenciant un salarié protégé en l’absence de toute autorisation administrative ou malgré un refus de l’inspection du travail, commet un délit d’entrave (Cour de cassation, 04 avril 1995, n° 93-80312).

La consultation du CHSCT

L’absence de consultation du CHSCT (aujourd’hui CSE) avant une décision importante modifiant les conditions de travail constitue un délit d’entrave. L’employeur a été condamné (Cour de cassation, 14 octobre 2003, n° 03‑81366). Ce cas illustre que l’inspecteur du travail peut alors intervenir pour constater cette omission et établir un procès-verbal.

Le CSE et l’inspection du travail occupent des rôles distincts mais étroitement liés dans la régulation des relations de travail et la prévention des risques professionnels. Leur coopération est importante pour garantir la santé, la sécurité et les droits des salariés au sein de l’entreprise.

Tandis que le CSE agit comme un relais interne des salariés, l’inspection du travail incarne le contrôle externe et est compétente pour imposer des mesures contraignantes à l’employeur. Leur collaboration, qu’il s’agisse de signalements, d’accompagnements lors de contrôles, de suivis de prescriptions ou de consultations en cas de PSE, renforce la protection des droits des salariés et la conformité de l’entreprise.

Dans un contexte où la prévention des risques professionnels et le respect du dialogue social sont de plus en plus scrutés, il est essentiel pour les élus du CSE de connaître les leviers offerts par l’inspection du travail.

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