Une restructuration d’entreprise est un processus qui peut prendre différentes formes : fusion ou rapprochement avec une autre société, cession d’un site ou d’une branche d’activité, recentrage sur un cœur de métier, mais aussi réduction des effectifs.
Ces opérations entraînent souvent des conséquences pour les salariés, telles que des licenciements économiques, le transfert de contrats de travail ou encore une réorganisation des conditions de travail. La fermeture d’un établissement constitue l’un des scénarios les plus sensibles. Au-delà de l’arrêt d’activité, elle implique une réorganisation sociale et peut conduire à des suppressions d’emplois massives.
Depuis la loi du 29 mars 2014, loi dite « Florange » renforcée par l’ordonnance Macron de 2017, le Code du travail impose à l’employeur une obligation de recherche de repreneur (art. L.1233-57-9 et suivants du Code du travail) lorsqu’il prévoit une fermeture entraînant des licenciements économiques dans les entreprises d’au moins 1 000 salariés.
Cette recherche peut aboutir soit à une cession de site à un tiers, soit parfois à une reprise par les salariés.
Le CSE joue un rôle clé dans ce processus : il dispose de prérogatives étendues pour peser sur le processus et défendre l’avenir des emplois.
1) Quelles sont les obligations de l’employeur en cas de fermeture de site ?
Les articles L.1233-57-9 et suivants du Code du travail prévoit qu’en cas de projet de fermeture d’un établissement :
- L’employeur doit informer et consulter le CSE au plus tôt dans le cadre du projet de licenciement collectif. En effet, toute décision de l’employeur ayant une incidence sur l’organisation, la gestion ou le fonctionnement général de l’entreprise doit faire l’objet d’une consultation préalable du CSE. Autrement dit, l’employeur ne peut arrêter définitivement sa décision qu’après avoir sollicité l’avis de l’instance représentative du personnel (Cour de cassation, 30/03/2016, n°15-80.117) ;
- Il doit informer le préfet, le maire de la commune, ainsi que la DREETS ;
- Il a l’obligation de réaliser un dossier de présentation du site, comprenant notamment les caractéristiques économiques, financières, sociales et environnementales de l’établissement ;
- Il doit diffuser ce dossier aux repreneurs potentiels et examiner toute offre reçue avec diligence ;
- Il doit remettre un rapport final au CSE et à l’administration exposant les recherches effectuées et justifiant les raisons d’un éventuel échec.
Toutes les informations transmises aux représentants du personnel doivent être communiquées en parallèle à la DREETS ;
- L’employeur adresse également à l’administration le procès-verbal de la réunion du CSE consacrée à ce sujet, accompagné des éléments relatifs à la convocation, à l’ordre du jour, au déroulement de la réunion ainsi qu’à la décision du CSE de recourir ou non à un expert.
2) Quelle est la définition juridique d’une fermeture de site entraînant l’obligation de recherche de repreneur ?
L’article R.1233-15 du Code du travail apporte des précisions utiles sur la notion d’établissement et sur la définition de la fermeture entraînant une obligation de recherche de repreneur.
L’établissement y est défini comme une entité économique soumise à l’obligation de mettre en place un comité social et économique (CSE) d’établissement. Par conséquent, cette obligation ne s’applique pas lorsqu’aucun CSE d’établissement n’a à être constitué (CAA Paris, 03/05/2024, n°24PA00549). La cour administrative d’appel de Versailles a toutefois jugé que cette règle s’impose même lorsque l’entreprise ne comprend qu’un seul établissement, dès lors que celui-ci emploie au moins 50 salariés (CAA Versailles, 06/12/2022, n°22VE02215).
La fermeture d’un établissement correspond donc à la cessation totale de son activité lorsqu’elle conduit à la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) impliquant un licenciement collectif, que ce soit au niveau de l’établissement ou de l’entreprise.
Sont également assimilés à une fermeture :
- La fusion de plusieurs établissements en dehors de leur zone d’emploi initiale ;
- Ou le transfert d’un établissement vers une autre zone d’emploi, lorsque ces opérations entraînent elles aussi l’adoption d’un PSE comportant un projet de licenciement collectif (art. R.1233-15).
3) Que prévoit l’obligation de recherche de repreneur ?
Dès lors que le CSE est informé d’un projet de fermeture d’établissement entraînant un licenciement collectif, l’employeur est tenu de rechercher un repreneur.
Cette obligation s’applique aux structures qui doivent proposer un congé de reclassement à leurs salariés, à savoir :
- Les entreprises ou établissements employant au moins 1 000 salariés ;
- Les entreprises ou groupes d’entreprises atteignant ce seuil d’effectif.
À ce titre, l’employeur doit donc :
- Signaler son intention de céder le site à des repreneurs potentiels, par tout moyen approprié ;
- Elaborer rapidement un dossier de présentation destiné aux candidats à la reprise ;
- Si nécessaire, faire établir un bilan environnemental au sens de l’article L.623-1 du Code de commerce, incluant un diagnostic précis des pollutions liées à l’activité, les pistes de dépollution envisageables et leur coût ;
- Mettre à disposition des repreneurs toutes les informations utiles à l’étude du dossier, à l’exception de celles dont la divulgation risquerait de nuire aux intérêts de l’entreprise ou de compromettre la continuité de son activité. Les candidats à la reprise sont, en contrepartie, soumis à une stricte obligation de confidentialité ;
- Examiner l’ensemble des offres reçues et apporter à chacune une réponse motivée, dans le délai dont dispose le CSE pour rendre ses avis sur le projet de licenciement collectif, soit une période de deux à quatre mois selon l’article L.1233-30 du Code du travail.
4) Quelles sont les sanctions pour l’employeur en cas de manquement à ces obligations ?
Si l’employeur ne respecte pas ses obligations :
- Le PSE peut être refusé par l’administration pour insuffisance de recherche de repreneur (CE, 15/11/2017, n°406006, Fnac-Darty) ;
- Il peut être tenu de rembourser les aides publiques perçues dans les deux années précédentes (art. L.1233-57-19) ;
- Le CSE peut saisir le juge administratif pour contester l’homologation ou la validation du PSE.
5) Quelles sont les prérogatives du CSE dans la recherche de repreneur ?
L’employeur est tenu de transmettre au CSE toute offre de reprise formalisée dans un délai maximum de 8 jours suivant sa réception.
Dans ce cadre (art. L.1233-57-15), le CSE dispose de plusieurs prérogatives :
- Rendre un avis motivé dans les délais fixés par la procédure de consultation sur les licenciements économiques (art. L.1233-30) ;
- S’impliquer dans la recherche d’un repreneur ;
- Formuler des propositions concrètes.
S’il choisit de participer activement à cette recherche, le CSE peut demander à accéder :
- Aux informations communiquées aux candidats repreneurs ;
- Aux offres de reprise déposées ;
- Aux réponses motivées données par l’employeur à chacune de ces offres (art. L.1233-57-14, 4° à 6° et suivants).
Le CSE a également la possibilité de se faire assister par un expert-comptable financé par l’entreprise. L’employeur doit en informer sans délai la DREETS.
La mission de l’expert-comptable consiste à :
- Analyser la méthodologie et le périmètre de la recherche de repreneur ;
- Evaluer la qualité et la pertinence des informations transmises aux candidats ;
- Examiner les différentes offres de reprise ;
- Contribuer à l’élaboration d’éventuels projets de reprise présentés par le CSE.
L’expert doit remettre son rapport dans les mêmes délais que ceux prévus pour la consultation sur les licenciements économiques (art. L.1233-30).
Thème | Prérogatives du CSE | Références et exemples |
---|---|---|
Information et consultation | - Être informé de toute offre de reprise reçue, dans un délai de 8 jours
- Émettre un avis sur la procédure et les offres présentées |
Art. L.1233-57-13 |
Accès à l’information et transparence | - Demander communication de l’ensemble des informations transmises aux repreneurs potentiels
- S’assurer que tous les candidats repreneurs disposent des mêmes données que celles fournies par l’employeur |
Principes de transparence
Contrôle du CSE |
Recours à l’expertise | - Désigner un expert-comptable financé par l’entreprise pour analyser les recherches et les offres
- Vérifier la sincérité et l’ampleur du processus |
Art. L.1233-57-16
CAA Nantes, 12/06/2018, n°17NT01835 : la recherche a été jugée sérieuse lorsque plus de 250 entreprises avaient été contactées et qu’un suivi précis des réponses avait été fourni |
6) Quel est le rôle du CSE en cas d’offre de reprise ou en l’absence d’offre retenue ?
Lorsque l’employeur envisage de retenir une offre de reprise, il doit en informer le CSE et motiver son choix, notamment en ce qui concerne la capacité du repreneur à assurer la continuité de l’activité et à préserver les emplois du site concerné (art. L.1233-57-19).
Le CSE dispose alors d’un délai pour rendre son avis :
- Ce délai est soit fixé par un accord collectif majoritaire ou, en l’absence de délégué syndical, par un accord entre l’employeur et le CSE (art. L.2312-16 et L.2312-55) ;
- A défaut d’accord, le délai est prévu par l’article R.2312-6 du Code du travail, soit un mois, ou deux mois si un expert est mandaté, et jusqu’à trois mois lorsqu’un CSE central et des CSE d’établissement sont concernés.
Si aucune offre de reprise n’a été reçue, ou si l’employeur décide de ne donner suite à aucune proposition, il doit convoquer le CSE pour lui présenter un rapport, avant la clôture de la procédure d’information-consultation prévue à l’article L.1233-30 du Code du travail. Ce rapport est également transmis à la DREETS et doit préciser :
- Les démarches entreprises pour rechercher un repreneur ;
- Les offres reçues et leurs caractéristiques principales ;
- Le cas échéant, les motifs qui ont conduit l’employeur à refuser une cession de l’établissement.
- Quelle différence entre la fermeture de site et la cession de site ?
À la différence de la fermeture, la cession de site consiste à transférer l’activité à un repreneur. Dans ce cas, le principe de l’article L.1224-1 du Code du travail s’applique :
- Les contrats de travail en cours sont automatiquement transférés au repreneur ;
- Les salariés conservent leurs droits (ancienneté, rémunération, clauses contractuelles, etc…).
Le CSE doit être informé et consulté sur le projet de cession (art. L.2312-8).
Il peut recourir à un expert-comptable pour analyser le projet de reprise, ses conséquences sociales et sa solidité financière.
- Que se passe-t-il en cas de transmission de l’entreprise aux salariés ?
Depuis la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, les entreprises de moins de 250 salariés doivent informer leurs salariés en cas de projet de cession.
Cette obligation se décline en deux temps :
- Une information générale et périodique (art. 18 de la loi) :
- Les sociétés de moins de 250 salariés doivent organiser, au minimum tous les trois ans, une information collective des salariés ;
- Cette présentation porte sur :
- Les conditions juridiques d’une reprise par les salariés ;
- Les avantages et difficultés de ce type d’opération ;
- Les dispositifs d’accompagnement existants (aides financières, organismes de conseil, formations) ;
- Les critères généraux de valorisation de l’entreprise et la structure de son capital ;
- Depuis la loi du 6 août 2015, les orientations capitalistiques de l’entreprise (contexte, conditions d’une éventuelle cession, évolution du capital).
- Une information spécifique en cas de cession (art. 19 et 20 de la loi) :
- Lorsqu’un employeur envisage de céder son fonds de commerce ou une majorité de parts sociales ou d’actions, il doit prévenir ses salariés au plus tard 2 mois avant la vente afin de leur permettre de présenter une offre ;
- Cette obligation s’applique :
- Aux entreprises de moins de 50 salariés ;
- Aux entreprises de 50 à 249 salariés, y compris lorsqu’elles disposent d’un CSE.
L’information peut être transmise par tout moyen permettant de dater avec certitude sa réception (réunion, affichage, courriel, lettre recommandée avec AR, remise en mains propres contre décharge, etc…).
Les salariés sont soumis à une obligation de confidentialité similaire à celle applicable aux membres du CSE. Toutefois, ils peuvent se faire assister par un représentant consulaire (CCI, chambre des métiers, chambre d’agriculture) ou par une personne désignée.
L’information n’est pas requise en cas de transmission familiale (conjoint, ascendant, descendant), ni lorsque l’entreprise est engagée dans une procédure collective (conciliation, sauvegarde, redressement ou liquidation).
Le délai de 2 mois peut être écourté si l’ensemble des salariés confirme par écrit qu’ils ne présenteront pas d’offre. La vente doit intervenir dans les deux ans suivant l’information. Passé ce délai, une nouvelle information doit être réalisée.
En cas de manquement (absence ou retard d’information), la vente peut donner lieu à une amende civile pouvant atteindre 2 % du prix de cession (art. L.141-23 et suivants du Code du commerce).
Situation | Obligations de l’employeur | Droits du CSE | Sanctions |
---|---|---|---|
Fermeture de site (≥ 1000 salariés) | - Informer et consulter le CSE
- Informer Dreets, maire, préfet - Constituer un dossier de présentation - Rechercher activement un repreneur - Remettre un rapport final |
- Être consulté et émettre un avis
- Recevoir les offres de reprise - Recourir à un expert-comptable payé par l’entreprise - Demander des informations supplémentaires |
- Refus ou invalidation du PSE
- Remboursement des aides publiques - Contentieux devant le juge administratif |
Cession de site (transfert d’activité) | - Informer et consulter le CSE
- Appliquer l’art. L.1224-1 (transfert automatique des contrats) - Garantir les droits des salariés |
- Être consulté sur le projet
- Recourir à un expert-comptable - Vérifier les conséquences sociales |
- Nullité de la procédure en cas de manquement à la consultation
- Contentieux prud’homal ou administratif |
Transmission de l’entreprise aux salariés | - Informer périodiquement les salariés (PME < 250)
- Informer en cas de projet de cession (fonds, parts, actions) - Laisser un délai suffisant pour présentation d’offre |
- Accéder à l’information
- Participer à l’élaboration d’une offre collective - Être consulté sur les impacts sociaux |
- Amende civile jusqu’à 2% du prix de cession en cas de manquement
- Contentieux judiciaire à l’initiative des salariés |
En définitive, qu’il s’agisse d’une fermeture, d’une cession ou d’un projet de transmission aux salariés, l’employeur doit composer avec un formalisme et des délais contraints. Le CSE a lui un rôle élargi et stratégique car en cas de fermeture de site notamment, il est un acteur central de la recherche d’un repreneur : il dispose de moyens d’information, d’expertise et de contrôle.
Face à la complexité de ces procédures, CE Expertises, cabinet d’expertise comptable spécialisé dans l’accompagnement des CSE, peut vous aider à chaque étape, afin de vous aider à anticiper les risques et analyser les propositions.