10 questions à savoir sur le congé de reclassement dans les PSE

10 mai 2024

En cas de licenciement pour motif économique dans une entreprise d’au moins 1 000 salariés, un congé de reclassement doit obligatoirement être proposé à chaque salarié concerné. Le congé de reclassement est un dispositif visant à permettre aux salariés licenciés de bénéficier de mesures de retour à l’emploi, financées par l’employeur.

Cet article fait le point sur toutes les caractéristiques de ce congé pour les salariés impactés susceptibles d’entrer dans ce dispositif et se termine par un récapitulatif des points qui doivent faire l’objet des négociations par les organisations syndicales représentatives lors de l’annonce d’un PSE.

1) Quelles entreprises sont concernées ?

En cas de licenciement pour motif économique, le congé de reclassement est obligatoire dans :

  • les entreprises ou groupes d’entreprises d’au moins 1 000 salariés
  • les unités économiques et sociales (UES) dont l’ensemble des entreprises comptent au moins 1 000 salariés.

Le congé de reclassement ne s’applique pas si l’entreprise est en redressement ou liquidation judiciaire.

Dans les procédures liées aux PSE, les organisations syndicales représentatives doivent négocier les éléments clés du congé de reclassement (Cf. question 10 ci-dessous)
A la fin de la procédure, le CSE doit être informé et consulté sur les conditions de mise en œuvre du congé de reclassement.

2) Qu’est-ce que le congé de reclassement ?

Le congé de reclassement permet aux salariés licenciés de bénéficier de mesures d’évaluation et d’actions de formation, financées par l’employeur.
Il a pour objectif d’accompagner les salariés dans leurs démarches de recherche d’emploi, de reconversion professionnelle ou de formation, par le biais d’une cellule d’accompagnement au reclassement.
Cette cellule peut être composée de salariés désignés par l’entreprise, mais dans la majorité des cas, l’employeur fait appel à un prestataire extérieur. Il est essentiel que les organisations syndicales et les élus du CSE soient associés au choix du prestataire et à l’élaboration de son cahier des charges. Il n’existe pas de statistiques disponibles sur les résultats réels de ces cabinets en termes de reclassement.

3) Quelle est la procédure de mise en œuvre d’un congé de reclassement ?

Information préalable : tous les salariés concernés par le licenciement économique doivent recevoir l’information des conditions de mises en œuvre sur le congé de reclassement après validation du PSE par la DREETS. Cette information se fait par LRAR ou courrier remis en main propre contre décharge

Proposition du congé : l’employeur doit proposer le congé de reclassement au salarié dans la lettre de licenciement. Le salarié a 8 jours calendaires 8 jours calendaires à compter de la notification pour répondre au moyen d’un formulaire de réponse annexé à la lettre de licenciement. L’absence de réponse vaut refus.
Si le salarié accepte le congé de reclassement, ce dernier démarre dès la fin du délai de réponse. Le salarié n’effectue alors pas de préavis de licenciement.

4) Comment se déroule le congé de reclassement ?

Si le salarié accepte le congé de reclassement, il bénéficie de l’aide d’une cellule d’accompagnement qui procède à un entretien d’évaluation et d’orientation, puis a un suivi individualisé des actions définies avec la cellule.

L’entretien d'évaluation et d'orientation
Cet entretien est effectué par la cellule d’accompagnement et vise à déterminer le projet professionnel de reclassement du salarié.

    • Délai de réalisation de l’entretien : deux mois au plus tard à compter de l’entrée dans le congé de reclassement.
    • Objectif de l’entretien : déterminer le projet professionnel de reclassement et les mesures nécessaires à sa réalisation.

= Après l’entretien : L’espace Emploi remettra à la commission de suivi et au salarié un document précisant le contenu et la durée des mesures nécessaires à la réalisation du projet professionnel

= Échec de l’entretien : si l’entretien ne permet pas de déterminer un projet professionnel, le salarié sera informé par l’Espace emploi qu’il aura la possibilité de bénéficier d’un bilan de compétence

Le suivi individualisé
Si le salarié accepte le congé de reclassement, il bénéficie de l'aide de la cellule d'accompagnement dans ses démarches de recherche d'emploi et d'actions de formation visant à favoriser son reclassement professionnel.
C’est l'employeur qui finance l'ensemble des actions, comme par exemple une VAE, un bilan de compétences, ou toute action de formation.

5) De quel statut bénéficie le salarié pendant le congé de reclassement ?

Pendant toute la durée de la procédure, période de préavis incluse, le salarié garde son statut de salarié.
Il conserve ses droits à la protection sociale : cotisations retraite, assurance maladie, invalidité, maternité et accidents du travail.

La rupture du contrat de travail intervient :

  • à la fin du préavis, si le congé de reclassement est d’une durée inférieure au préavis (ce qui est très rare) ;
  • à l’issue du congé de reclassement si la durée du préavis est inférieure.

6) Quelle rémunération du salarié pendant le congé de reclassement ?

Pendant la période du congé de reclassement qui correspond à la durée du préavis de licenciement, le salarié perçoit sa rémunération habituelle, soumise aux cotisations sociales et de retraite, et à l’impôt sur le revenu.

Si la durée du congé de reclassement dépasse celle du préavis (ce qui est toujours le cas), le salarié touche alors une allocation mensuelle versée par l’employeur.

Cette allocation mensuelle est au moins égale à 65 % de la rémunération brute moyenne des 12 mois précédant la notification de licenciement et ne peut être inférieure à 85 % du SMIC soit 1 501,88 € depuis le 1er janvier 2024.

Il s’agit là d’un minimum, tout l’enjeu des négociations lors d’un PSE est d’augmenter ces variables pour coller au mieux avec les besoins des salariés impactés.

Cette rémunération réduite a la nature d’une prestation d’assurance chômage. A ce titre, elle est exclue de l’assiette des cotisations sociales, mais soumise à la CSG au taux réduit de 6, 2 % et à la CRDS de 0, 5 % applicables aux revenus de remplacement (article L. 131-2 du Code de la sécurité sociale   / circulaire Acoss 9 octobre 2003) et à l’impôt sur le revenu.

Attention, l'allocation est non soumise aux cotisations sociales dans la limite de la durée maximale légale du congé de reclassement (soit 12 mois ou 24 mois en cas de formation de reconversion, préavis compris). L'allocation est soumise aux cotisations sociales au delà de ces durées. Par ailleurs, les salariés continuent de payer  les frais de prévoyance, les frais de santé, de retraite complémentaire (sous réserve de la signature d'u accord d'entreprise) et la contribution salariale au Plan Epargne Retraite d'Entreprise (PERE s'il en existe). Tous ces points peuvent faire l'objet d'une négociation avec les organisations syndicales. Par exemple il est possible de négocier que les salariés conservent le bénéfice des garanties mutuelle et prévoyance, dont les cotisations sont intégralement prises en charge par la société.
Pour la retraite complémentaire, des cotisations AGIRC/ARRCO peuvent être versées durant la période de congé de reclassement (hors préavis) si l’accord avec les organisations syndicales le prévoit (car sinon il n'y a pas de cotisations obligatoires sur l'allocation).

Sans charges sociales, avec une allocation équivalente à 80% de sa rémunération brute moyenne, le salarié peut très bien percevoir le même montant net que précédemment. Des simulations peuvent être faîtes pour le vérifier.

Pendant la période du congé de reclassement excédant le préavis, le salarié conserve la qualité d'assuré et bénéficie du maintien des droits aux prestations en nature et en espèces du régime obligatoire d'assurance maladie-maternité-invalidité-décès dont il relevait antérieurement. Il conserve aussi le bénéfice d'une couverture sociale en cas d'accident du travail survenu dans le cadre des actions du congé de reclassement. La période des congés de reclassement est assimilée à une période de travail pour la détermination des droits à pension de retraite de l'assurance vieillesse. 50 jours de congé de reclassement permettent de valider un trimestre de retraite.

Temps partiel pour congés spécifiques :
Si au cours des 12 derniers mois, le salarié a travaillé à temps partiel dans le cadre d’un congé parental d’éducation, congé proche aidant ou congé de présence parentale, sa rémunération est calculée sur la base du temps complet.

Intéressement et participation :
Pour l’intéressement, la période du congé de reclassement peut être prise en compte si le montant de l’intéressement est calculé sur tout ou partie de la rémunération (point à vérifier dans l’accord d’intéressement).
Si la répartition de l’intéressement entre les bénéficiaires est proportionnelle à la durée de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice de référence, le salarié en congé de reclassement n’en bénéficiera pas, la période de congé n’étant pas assimilée à une période de travail effectif.

Pour la participation, l’employeur ne peut pas exclure le salarié en congé de reclassement puisque ce dernier reste dans les effectifs de l’entreprise.

7) Quelle est la durée du congé de reclassement ?

Il est vivement recommandé d’établir un diagnostic socio-professionnel des salariés appartenant aux catégories professionnelles concernées par le plan de suppressions d’emplois pour permettre d’identifier les freins éventuels à un retour rapide à l’emploi.

La durée du congé de reclassement est au minimum de 4 mois, mais il s’agit là du minimum prévu par le code du travail. Dans les faits, les durées doivent être négociées et calibrées pour permettre aux salariés un retour à l’emploi.

A titre d’exemple, dans un bassin d’emploi difficile (taux de chômage élevé) et avec des salariés impactés « âgés » avec beaucoup d’ancienneté, les durées suivantes ont été négociées :

- 12 mois pour les salariés de moins de 45 ans au 31 décembre 2024
- 18 mois pour les salariés entre 45 ans inclus et 50 ans inclus au 31 décembre 2024
- 20 mois pour les salariés entre 51 ans et 56 ans inclus au 31 décembre 2024
- 30 mois pour les salariés entre 57 ans inclus et plus au 31 décembre 2024 et pour tous les salariés reconnus travailleurs handicapés quel que soit leur âge.

Si le salarié suit une formation pour reconversion professionnelle ou s’engage dans une VAE, le congé de reclassement peut être porté à 24 mois au lieu de 12.

Le salarié en congé de reclassement peut travailler pour un autre employeur, dans le cadre d’un CDD renouvelable une fois, ou d’un contrat de travail temporaire. Pendant cette période, le congé est suspendu.

On peut aussi prévoir un report du terme prévu du congé, dans la limite de la durée totale des périodes de travail effectuées pendant le congé.

Le congé de reclassement est également suspendu en cas de congé maternité, et bénéficie d’un report de la période concernée.

8) Comment mettre fin de manière anticipée au congé de reclassement ?

Le congé de reclassement peut être rompu par anticipation, dans 2 situations :

  • le salarié retrouve un emploi pérenne
  • le salarié ne respecte pas une des obligations prévues.

Si le salarié retrouve un emploi pendant son congé, il doit en informer son employeur avant son embauche. La date de présentation de la lettre recommandée met fin de droit au congé de reclassement.
Pendant la durée du congé de reclassement, le salarié doit suivre les actions définies dans le document qu'il a signé. Dans le cas contraire, l'employeur le met en demeure de respecter ses engagements sous peine de mettre fin au congé de reclassement.

A la fin du congé de reclassement, le salarié perçoit l’indemnité de rupture due dans le cadre du licenciement économique ainsi que l’indemnité compensatrice de congés payés.
Il percevra ensuite les allocations chômages, dans les conditions de droit commun, s’il n’a pas retrouvé d’emploi.

9) Quels sont les avantages et inconvénients du congé de reclassement ?

Les principaux avantages du congé de reclassement sont :

  • La négociation avec les organisations syndicales représentatives : dans le cadre du congé de reclassement, les organisations peuvent négocier la plupart des points clefs du congé (Cf. question 10) pour l’adapter aux salariés impactés.
  • L’accompagnement personnalisé : les salariés sont accompagnés individuellement dans leur recherche d’un nouveau projet professionnel.
  • Le financement de la formation : les actions dans le cadre du congé sont intégralement financées par l’employeur.
  • Le report des allocations chômage : si au terme du congé de reclassement, le salarié n’a pas trouvé d’emploi ou n’a pas abouti dans son nouveau projet, il bénéficiera des allocations chômages selon les conditions de droit commun.
  • Le maintien des droits sociaux : pendant le congé de reclassement, les droits du salarié sont maintenus (assurance maladie, invalidité, maternité, retraite).

 Les principaux inconvénients du congé de reclassement sont :

  • Une rémunération potentiellement réduite si la négociation n’a pas fait évoluer à la hausse le minimum légal : pendant la durée du congé, le salarié bénéficie a minima de 65 % de son salaire brut des 12 derniers mois, ce qui est faible.
  • Une reprise d’activité conditionnée à l’accord de l’employeur si la négociation n’a pas conduit à muscler la commission de suivi : le salarié en congé de reclassement ne peut pas exercer d’activité rémunérée sans l’accord de son employeur.

10)  Quel est le rôle des organisations syndicales (et du CSE) dans la négociation du congé de reclassement lors d’un PSE ?

La plupart des modalités du congé de reclassement peuvent être négociées par les organisations syndicales représentatives et/ou par le CSE pour défendre les intérêts des salariés et améliorer les conditions de ce congé.

Voici une liste non exhaustive des points devant faire l’objet d’une négociation par les organisations syndicales représentatives et/ou le CSE :

Points de la négociation

Axes de négociation pour les organisations syndicales représentatives et le CSE

Cabinet de reclassement Les organisations syndicales et le CSE peuvent demander à participer au choix du cabinet retenu qui va animer l’Espace Mobilité Emploi. Ils peuvent auditionner les cabinets et travailler sur les critères qui leur semblent les plus pertinents (connaissance du cabinet des métiers impactés, de la zone d’emploi, nombre et profils des consultants qui seront mobilisés, etc.). Ils peuvent demander à avoir accès au cahier des charges donné au cabinet.
Durée du congé de reclassement Les organisations syndicales peuvent négocier une extension de la durée légale du congé. Par exemple, elle est automatique pour les salariés les plus âgés (plus de 55 ans) et pour tous les salariés ayant obtenu la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) délivrée par la CDAPH. quel que soit leur âge.
Il est fréquent pour les salariés inscrits dans une formation de reconversion professionnelle (après avis de la commission de suivi) qu’une prorogation du congé soit possible pour une durée globale maximum de 24 mois (préavis inclus).
Montant de l’allocation versée aux salariés Les organisations syndicales peuvent négocier un taux plus élevé que celui prévu de 65 % du salaire antérieur, pour compenser au maximum la perte de salaire. Elles peuvent négocier aussi que les cotisations des garanties mutuelle et prévoyance soient intégralement prises en charge par la société, le maintien des cotisations Agirc/Arcco, etc.
Nombre d’Offre Valable d’Emploi (OVE) Les organisations syndicales peuvent négocier les caractéristiques et le nombre d’OVE proposés aux salariés actifs dans la démarche de reclassement externe (rémunération proposée conforme au dernier salaire de base, localisation géographique ne dépassant pas un certain kilométrage du domicile, etc.).
Cas de suspension ou de report du congé En cas de travail par le salarié pour le compte d’un autre employeur pendant la durée du congé, le CSE peut prévoir un report du terme prévu du congé, dans la limite de la durée totale des périodes de travail effectuées pendant le congé. En cas d’embauche en CDI du salarié en congé de reclassement, il peut négocier la suspension du congé le temps de la confirmation de la période d’essai du salarié.
Prime de reclassement rapide En cas de reclassement rapide, les organisations syndicales et le CSE peuvent négocier le versement d’une prime au salarié correspondant à tout ou partie de la période du congé de reclassement non effectuée.
Modalités de formation Le choix des organismes de formation ou le type de formations offertes peuvent être négociées.

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Pour aller plus loin :