Participation versée aux salariés : comment le CSE peut-il l’améliorer 10 réponses à vos questions

13 juin 2024

Pour associer les salariés au résultat de leur entreprise, la participation est un dispositif de partage de valeur, obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés, qui permet de donner une quote-part des bénéfices de l’entreprise aux salariés.

Cependant, la formule légale de calcul suscite de nombreuses critiques. Les pratiques d'optimisation fiscale, telles que le changement des prix de transfert, peuvent réduire artificiellement les bénéfices et ainsi diminuer la réserve spéciale de participation (RSP).
La question de l'équité et de la transparence de cette participation reste un sujet de débat, nécessitant vigilance de la part des CSE et des experts-comptables.
En réponse à ce constat, le recours à des accords dérogatoires pour le calcul de la participation est une solution de plus en plus utilisée par les entreprises.
 
L’article revient notamment sur les modalités de calcul de la participation aux bénéfices, les critiques qui en sont faites, mais aussi sur les possibilités de mise en place d’un accord dérogatoire avec une autre formule de calcul de la participation.

1. Quelle est la formule légale de calcul de la participation des salariés aux bénéfices ?

Le calcul de la réserve spéciale de participation (RSP) est le résultat de la formule suivante :
RSP = ½ [B – 5 % C] x [S / VA]

  • B correspond au bénéfice net fiscal : Il s'agit du bénéfice fiscal d'origine française, imposable à l'impôt sur les sociétés (IS). Ce bénéfice est majoré des bénéfices exonérés en application de dispositions d’articles du Code des Impôts. Ce bénéfice est diminué de l'impôt correspondant. Pour les entreprises relevant de l'IS, il s'agit de l'impôt déterminé avant imputation des crédits d'impôt ;
  • C correspond aux capitaux propres, qui sont, en application de l'article D 3324-4 du Code du travail, la somme des éléments suivants (liste limitative) : capital (sous déduction de la fraction non appelée), primes liées au capital social, réserves, report à nouveau, provisions ayant supporté l'impôt et provisions réglementées constituées en franchise d'impôt, à l'exclusion de la réserve spéciale de participation elle-même et des capitaux propres correspondant aux établissements à l'étranger ;
  • S correspond à la somme totale des salaires versés par l’entreprise au personnel : les salaires retenus pour le calcul de la participation sont les revenus d'activité pris en compte pour la détermination de l'assiette des cotisations définie à l'article L 242-1 du Code la Sécurité Sociale (Code du travail article D 3324-1). Ils comprennent les indemnités de congés payés versées par les caisses de congés payés ;
  • VA correspond à la valeur ajoutée : la valeur ajoutée s'obtient, selon l'article D 3324-2 du Code du travail, en faisant le total des postes suivants du compte de résultat : charges de personnel, impôts, taxes et versements assimilés, à l'exclusion des taxes sur le chiffre d'affaires, charges financières, dotations de l'exercice aux amortissements, dotations de l'exercice aux provisions, à l'exclusion des dotations figurant dans les charges exceptionnelles, résultat courant avant impôts. Ce dernier correspond à la somme algébrique du résultat d'exploitation et du résultat financier, à l'exclusion du résultat exceptionnel (ce qui exclut la participation des salariés de la masse représentant la valeur ajoutée).

2. Quels sont les problèmes connus posés par la formule de calcul de la participation des salariés aux bénéfices ?

De nombreux rapports ont pointé les limites de la formule de calcul de la participation des salariés au bénéfice : mission d’évaluation commune à l’Inspection Générale des Finances et à l’Inspection Générale des affaires sociales en 2013, rapport du Conseil d’Orientation de la Participation, de l’Intéressement, de l’Épargne Salariale (COPIESAS) de 2014, etc.

Le projet de rapport du COPIESAS de 2018 résume bien les limites de la formule de calcul de la participation des salariés au résultat de leur entreprise : « La formule de calcul de la réserve spéciale de la participation souffre depuis de nombreuses années d’un manque de lisibilité. Les employeurs sont difficilement en mesure d’en expliciter les différents termes aux salariés, lesquels ne perçoivent pas nécessairement le sens des primes versées au titre de la participation. Par ailleurs, la formule légale a été conçue, en 1967, dans le contexte de l’économie française industrielle, n’est plus tout à fait adaptée au tissu des entreprises dont les activités se sont largement tertiarisées depuis. En effet, la formule actuelle n’est plus adaptée aux mutations économiques de la France un demi-siècle après la création de la participation :
– le secteur industriel, où les capitaux propres sont conséquents, n’est plus aussi présent dans l’économie française que lorsque la participation a été mise en place en 1967 ;
– le recours à la sous-traitance est fréquent aujourd’hui alors qu’il n’existait pas il y a 50 ans remettant en cause la pertinence du ratio « salaires/valeur ajoutée ». »

3. Pourquoi la formule de calcul de la participation suscite encore plus de critiques pour les entités faisant partie d’un Groupe ?

Le résultat servant de base pour le calcul de la réserve spéciale de participation (RSP) est le bénéfice net fiscal retenu pour le calcul de l’impôt sur les sociétés.
Ce résultat doit être supérieur à 5% des capitaux propres pour pouvoir délivrer de la participation aux salariés.

Depuis des années, de nombreuses critiques sont formulées à l’encontre de la formule légale de la participation :

  • La principale étant que pour la prise en compte du bénéfice fiscal, des pratiques d’optimisation fiscale pourraient permettre de diminuer le montant de la RSP, sans que le bénéfice fiscal ne puisse être remis en cause ;
  • La seconde étant que l’article L3326-1 du Code du travail interdit la réévaluation du montant de la RSP dès lors que le bénéfice net a été certifié par le commissaire aux comptes ou l’inspecteur des impôts, y compris en cas de fraude avérée.

Concernant la prise en compte du bénéfice fiscal, l’optimisation fiscale a nécessairement un impact sur la participation. Par exemple, la politique des prix de transfert peut impacter le résultat fiscal de l’entreprise et donc la participation des salariés.
Les prix de transfert sont les prix des biens et services échangés entre les entreprises d’un même groupe, avec une société mère unique. Ils sont utilisés comme méthode de répartition des bénéfices entre les filiales. Il est possible de prévoir un accord dérogatoire (Cf. point 5) qui neutralise certaines opérations intra-groupe (royalties, brevets, etc.).

Or, une fois le montant des bénéfices attesté par un commissaire aux comptes ou l’inspecteur des impôts, le montant ne peut plus être remis en cause en cas de contentieux judiciaire relatif à la participation.
Toutefois, si les salariés ou le CSE estiment que le bénéfice fiscal de l’entreprise a pu être minoré, ils peuvent effectuer un signalement auprès de l’administration fiscale pour qu’elle procède à des vérifications.
En cas d’erreur sur le bénéfice fiscal de l’entreprise, l’administration fiscale pourra procéder à un redressement et donc à une modification du résultat.

4. Quelles sont les conséquences d’un redressement fiscal sur la RSP ?

Lorsque l’Administration fiscale ou le juge des impôts procède à une rectification des résultats d’un exercice, la rectification du bénéfice donnera lieu, par ricochet, à une attestation rectificative du bénéfice et ainsi à un recalcul de la participation, désormais prévu par l’article L3326-1-1 du Code du travail depuis la Loi du 29 novembre 2023 sur le partage de la valeur.

Le CSE doit donc être très vigilant dans le suivi des litiges avec l’administration fiscale, notamment dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière.

5. Comment mettre en place un accord dérogatoire avec une autre formule de calcul de la participation des salariés ?

L’article L3324-2 du Code du travail prévoit la possibilité pour les entreprises de choisir une formule dérogatoire de calcul de la Réserve Spéciale de Participation lors de la conclusion de l'accord de participation.

Cette formule dérogatoire de participation doit remplir plusieurs conditions :

  • Respecter les principes fondamentaux de la participation : caractère aléatoire, détermination pour chaque exercice selon les données spécifiques à l’exercice ;
  • Assurer aux salariés des avantages au moins équivalents à ceux obtenus par le calcul de la formule légale ;
  • Respecter le plafonnement de la RSP, qui ne doit pas excéder :
  • la moitié du bénéfice net comptable
  • la moitié du bénéfice net fiscal
  • le bénéfice net comptable moins 5% des capitaux propres
  • le bénéfice net fiscal moins 5% des capitaux propres.

Par exemple, la formule dérogatoire peut choisir :

  • D’utiliser comme base de calcul pour la RSP, à la place du bénéfice net de l’entreprise, le résultat courant avant impôts ou le résultat intermédiaire : RSP = ½ B × S / VA 
  • De réduire le pourcentage des capitaux propres qui sont prévus à 5% dans la formule légale : RSP = ½ [B – 4,5 % C] x S / VA
  • De créer leur propre formule basée sur le bénéfice net consolidé (BNC) du groupe, avant l’impact de la participation et de l’intéressement : si BNC ≤ 500 millions d’euros, RSP = 0 ; si BNC ≥ 500 millions d’euros, RSP = BNC x 2%.

Il est également possible de proposer un package intéressement/participation qui englobe les deux, pour éviter les difficultés à simuler le montant prévisionnel de la participation. L’accord définit le montant du package sur la base d’indicateurs lisibles et compréhensibles par tous. La ventilation des sommes versées sous forme d’intéressement et de participation, ne se fait qu’une fois connu le montant exact de la participation à la clôture de l’exercice.

6. Comment obtenir un supplément de participation des salariés aux bénéfices ?

Après la clôture de chaque exercice, les entreprises qui ont mis en place un accord de participation peuvent accorder un supplément de participation au titre de ce même exercice.
Ce supplément de participation est prévu par l’article L3324-9 du Code du travail et est décidé par le conseil d’administration ou le directoire, ou par l’employeur si l’entreprise en est dépourvue.

Les critères de répartition du supplément doivent être identiques à ceux de l’accord initial. Dans le cas contraire, un accord spécifique doit être conclu.

Le supplément de participation bénéficie du même régime d’exonération fiscal et social que la participation. Pour ce faire, un accord spécifique devra être conclu.

Le supplément de participation est donc un levier supplémentaire que les CSE peuvent mettre en avant dans leurs NAO.

7. Pourquoi faut-il aborder la question de l'abondement possible de l’employeur s’il existe un plan d’épargne collectif ?

En cas de plan d’épargne collectif (PEE, PERCO, PEREC, PEI), le règlement du plan peut prévoir un abondement de l’entreprise pour compléter la contribution des participants. L’abondement est une aide financière facultative de l’entreprise, avec un cadre fiscal favorable pour encourager les versements des salariés sur leur plan.

Pour l’entreprise, l’abondement est exonéré de charges sociales patronales. Il s’agit d’une charge déductible qui vient réduire le bénéfice imposable.
Depuis le 1er janvier 2019, l’abondement dans les entreprises de moins de 50 salariés n’est plus soumis au forfait social (0% pour les entreprises de 1 à 49 salariés ; 16% ou 20% selon les cas pour les entreprises de 50 salariés ou plus).
Pour les bénéficiaires, l’abondement est exonéré de charges sociales (hors CSG/CRDS de 9,7%) ainsi que d’impôts sur le revenu.

L’entreprise peut abonder tout ou partie des versements de ses salariés, issus de la participation, de l’intéressement ou de versements volontaires, jusqu’à 300% dans la limite du plafond légal applicable chaque année :

  • Maximum 8% du Plafond Annuel de Sécurité Sociale pour le PEE-I (8% de 46 368 € en 2024, soit 3 709, 44 €)
  • Maximum 16% du PASS pour le PERCO-I (16% de 46 368 € en 2024, soit 7418,88 €).

Contrat d’épargne collectif

PEE-I

PERCO-I

Règle

Abondement de l’employeur jusqu’à 300% par an, dans la limite de 8% du PASS (8% de 46 368 € en 2024, soit 3 709,44 €). Abondement de l’employeur jusqu’à 300% par an, dans la limite de 16% du PASS (16% de 46 368 € en 2024, soit 7 418,88 €).

Exemple

Un salarié qui verse 600 € au PEE en 2024 peut bénéficier d’un abondement de son entreprise pouvant aller jusqu’à 1 800 € (3 x 600 €). Un salarié qui verse 1 000 € au PEE en 2024 peut bénéficier d’un abondement de son entreprise pouvant aller jusqu’à 3 000 € (3 x 1 000 €).

Le règlement du plan peut définir librement les modalités d’attribution de l’abondement, dans le respect des plafonds ci-dessus.
Toutefois, l’article L3332-12 du Code du travail (applicable aux PEE mais aussi par renvoi aux PEI, PERCO et PEREC) dispose qu’une modulation du versement de l’employeur ne peut résulter que de règles à caractère général qui ne doivent pas rendre le rapport entre le versement de l’entreprise et celui du salarié croissant avec la rémunération de ce dernier.

Dans le cas contraire, si le règlement du plan d’abondement de l’employeur prévoit un système favorisant les salaires les plus élevés, ou ne respectant pas le caractère collectif du dispositif, l’abondement ne bénéficiera pas des exonérations sociales, comme le rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 1er février 2024.

8. L’évolution des normes comptables peut-elle avoir un impact sur le montant de la participation des salariés ?

L’évolution des normes comptables peut affecter le montant de la participation des salariés. Par exemple, à compter du 1er janvier 2025, des changements de méthode comptable issues du Règlement n° 2022-06 vont modifier la définition du résultat exceptionnel et la suppression de la technique du transfert des charges.

Pour la modification de la définition du résultat exceptionnel, les entreprises soumises au Plan Comptable Général (PCG) vont devoir appliquer la définition issue du Règlement n° 2022-06, ce qui consistera à comptabiliser les produits et les charges liés à un évènement majeur et inhabituel, en résultat exceptionnel.

Pour la suppression de la technique du transfert des charges, le PCG prévoit qu’à partir de 2025, tous les remboursement reçus directement en compte 64 pour la compensation de charges de personnel seront enregistrés au crédit du compte 649 « remboursements de charges de personnel ».
Ainsi, une entreprise qui enregistre actuellement ces remboursements via un compte de transferts de charges verra le montant de la participation affecté car ces charges au crédit seront prises en compte dans le calcul de la valeur ajoutée.

9. Quelles sont les principales différences entre participation et intéressement ?

Modalités

Participation

Intéressement

 

Dispositif obligatoire ou facultatif

 

Dispositif obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés avec un bénéfice fiscal net supérieur à 5% des capitaux propres, si le seuil de 50 salariés est atteint 5 ans de suite.

Dispositif facultatif.

Modalités de mise en place

Mise en place par accord collectif ou accord avec les représentations syndicaux ou avec le CSE ou référendum à la majorité des 2/3 des salariés.

Entreprise de moins de 50 salariés : décision unilatérale possible sous certaines conditions

Mise en place par accord collectif ou accord avec les représentations syndicaux ou avec le CSE ou référendum à la majorité des 2/3 des salariés.

Entreprise de moins de 11 salariés : décision unilatérale possible sous certaines conditions

Modalités de calcul

Formule de calcul prévue par le Code du travail.

L’accord de participation peut prévoir une formule dérogatoire, plus avantageuse.

Modalités de calcul définies dans l’accord d’intéressement.

Régime social

Part salariale : CSG/CRDS 9,7 %

Part patronale : Forfait social au taux de 20 %, sauf dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Part salariale : CSG/CRDS 9,7 %

Part patronale : Forfait social au taux de 20 %, sauf dans les entreprises de moins de 250 salariés.

Régime fiscal

Non soumis à l’impôt sur le revenu en cas d’affectation sur un plan d’épargne salariale. Non soumis à l’impôt sur le revenu des bénéficiaires en cas d’affectation sur un plan d’épargne salariale.

10. Quel est le rôle du CSE et de l’expert-comptable dans l’examen de l’accord de participation ?

Le CSE a un rôle essentiel dans la négociation de l’accord de participation et la proposition éventuelle de recours à une formule dérogatoire plus avantageuse pour les salariés.

Le CSE a aussi une vigilance particulière à avoir sur le montant du bénéfice fiscal et les mécanismes d’optimisation fiscale notamment.

Dans ce cadre, le contrôle et l’analyse par un expert-comptable pour le compte du CSE du montant de la participation des salariés aux résultats de l’entreprise peut être nécessaire.
Le recours à un expert-comptable sera pris en charge à 100% par l’employeur. C’est un arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 2023 qui a tranché la question et qui a mis fin aux incertitudes de l’Ordonnance Macron du 22 septembre 20217 sur le financement de l’expertise sur le calcul et la répartition de la RSP.

CE Expertises peut vous accompagner dans le calcul, l’analyse et la négociation (ou renégociation) de l’accord de participation des salariés aux bénéfices de votre entreprise. N’hésitez pas à nous contacter.

Pour aller plus loin :