Quelle est la différence entre une rupture conventionnelle individuelle et un licenciement économique ?

4 novembre 2022

On nous pose fréquemment la question des différences entre les ruptures conventionnelles individuelles (RCI) et les licenciements pour motif économique ainsi que des « avantages » pour les salariés. De fait certains employeurs tentent dans un premier temps d’encourager les départs de salariés via des ruptures conventionnelles individuelles pour ne pas avoir à mettre en œuvre de procédures de licenciements pour motif économique qui sont souvent plus lourdes si elles concernent plusieurs salariés. Pour bien comprendre les enjeux, il est nécessaire de revenir sur plusieurs questions clés.

Quelle est la différence entre une rupture conventionnelle individuelle et une rupture à l’amiable ?

Avant l’instauration de la rupture conventionnelle individuelle (RCI), la jurisprudence admettait la possibilité de rupture à l’amiable du CDI. Désormais, sauf dispositions légales contraires, la rupture par commun accord des parties ne peut intervenir que dans le cadre de la rupture conventionnelle individuelle. La rupture d’un commun accord hors du cadre de la rupture conventionnelle individuelle reste possible pour :

  • La rupture anticipée du CDD ;
  • La rupture du contrat d’apprentissage, y compris lorsque ce contrat a été conclu en CDI ;
  • Les départs volontaires intervenant dans le cadre d’un accord de GPEC ou de congé de mobilité, d’un PSE ou d’un plan de départs volontaires autonome (PDV), ou d’une rupture conventionnelle collective (RCC) (article L. 1237-16) ;
  • Les mutations au sein d’un Groupe : Lorsqu’un salarié est muté à l’intérieur d’un groupe, une convention tripartite est fréquemment conclue entre le salarié et ses deux employeurs successifs, prévoyant notamment la rupture d’un commun accord du contrat initial liant le salarié et son premier employeur.

La RCI suppose que l’employeur et le salarié soient d’accord pour se séparer. Cet acte est soumis aux conditions de validité des conventions de droit civil, à savoir, notamment, la capacité à contracter et un consentement non « vicié ». Il faut donc s’assurer que le consentement de chacun a été donné de manière libre et éclairé, qu’il est exempt d’erreur, dol ou violence. Il faut tout particulièrement veiller à ce que le salarié ne se soit pas engagé « sous la pression d’une contrainte »

Peut-on proposer des ruptures conventionnelles individuelles si la société a des difficultés économiques ?

Une rupture conventionnelle individuelle peut intervenir alors même que l’entreprise rencontre des difficultés économiques qui l’amènent à se séparer de certains de ses salariés (Instruction DGT n°02 du 23 mars 2010). Une telle rupture peut d’ailleurs n’avoir aucun lien avec les difficultés rencontrées par l’entreprise et procéder d’une cause totalement étrangère à ces licenciements. En revanche, la rupture conventionnelle individuelle ne peut pas être utilisée pour éviter d’appliquer les règles de licenciement économique collectif et priver les salariés des garanties qui y sont attachées.

Afin d’empêcher toute tentative de contournement de la législation applicable aux grands licenciements économiques, la Cour de cassation impose à l’employeur de prendre en compte les ruptures conventionnelles individuelles qui s’inscrivent dans un processus de réduction des effectifs pour déterminer la procédure à suivre en matière d’information et de consultation des représentants du personnel ainsi que les obligations liées à l’élaboration d’un PSE.

L’employeur doit livrer une information complète au salarié sur la situation résultant de la rupture conventionnelle individuelle. Cela permet au salarié de signer la rupture en toute connaissance de cause et à l’employeur de se prémunir contre un éventuel contentieux. L’employeur se doit d’informer le salarié sur les éléments suivants : régime social et fiscal de l’indemnité de rupture, droits aux allocations d’assurance chômage, droits à la prévoyance. En cas de difficultés économiques, l’employeur doit informer le salarié des avantages dont il bénéficierait si la rupture de son contrat intervenait dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou d’un plan de départs volontaires. En l’absence d’information ou en cas d’informations erronées, le salarié peut demander la nullité de la convention de rupture mais à condition de démontrer que, de ce fait, son consentement a été « vicié ».

Des exemples existent où des jugements de nullité ont été prononcés lorsque l’employeur avait dissimulé au salarié l’existence d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) prévoyant la suppression de son poste, en cours d’élaboration à la date de signature de la convention de rupture et ne l’avait a fortiori pas informé sur les possibilités qu’il offrait, notamment en termes d’accompagnement et de conseils personnalisés. En revanche, si le salarié est informé de l’existence du PSE durant le délai de rétractation et n’exerce pas ce droit, il n’apporte pas la preuve d’un vice du consentement.

Quels sont les motifs possibles pour un licenciement économique ?

L’article L. 1233-3 du Code du travail prévoit notamment quatre motifs économiques pouvant être mobilisés à l’appui d’une procédure de licenciement pour motif économique en ces termes :

« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1- À des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2- À des mutations technologiques ;

3- À une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4- À la cessation d’activité de l’entreprise.

Quelles sont les étapes de la procédure de licenciement pour motif économique ?

La procédure de licenciement individuel pour motif économique présente beaucoup de similitudes avec la procédure de licenciement pour motif personnel. En effet, après avoir déterminé le salarié concerné par le licenciement par application de l'ordre des licenciements, l'employeur ne pourra le licencier qu'après avoir respecté les étapes suivantes : convocation, entretien préalable, lettre recommandée de licenciement motivée.

Des formalités supplémentaires peuvent être imposées par les conventions collectives applicables à l’entreprise. Il faut donc les intégrer.

De plus, si le salarié en remplit les conditions, l'employeur devra lui proposer le bénéfice :

  • D'un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) si le salarié est dans une entreprise occupant moins de 1 000 salariés (sauf si elle appartient à un groupe français ou de dimension communautaire occupant au moins 1 000 salariés) ;
  • D'un congé de reclassement si le salarié est dans une entreprise ou un établissement occupant au moins 1 000 salariés ou dans une entreprise appartenant à un groupe français ou de dimension communautaire occupant au moins 1 000 salariés.

Il peut donc être plus avantageux pour un salarié d’être licencié pour motif économique que de conclure une rupture conventionnelle individuelle, par exemple s’il remplit les conditions pour bénéficier d’un contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Il est donc impératif d’informer préalablement le salarié de ses droits afin qu’il puisse faire un choix en toute connaissance de cause et que la rupture ne risque pas d’être frappée de nullité pour vice du consentement.

N’hésitez pas à solliciter nos conseils sur toutes ces questions.