Le rôle de l’expert-comptable auprès du comité social et économique (CSE) et celui du commissaire aux comptes (CAC) sont souvent confondus. Pourtant, leurs missions n’ont ni la même finalité ni les mêmes destinataires.
L’expert-comptable du CSE est avant tout un appui et un conseil au service des élus. Sa mission se concentre sur l’analyse, la vulgarisation des données financières, économiques, sociales, stratégiques et à développer le dialogue social. Il aide les représentants du personnel à comprendre la situation financière de l’entreprise, la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, à mesurer les impacts des choix stratégiques et à formuler des propositions. Il n’est ni certificateur, ni auditeur légal : son rôle est d’éclairer et d’accompagner.
Le commissaire aux comptes, au contraire, exerce une mission de contrôle et de certification légale. Il intervient pour donner une assurance raisonnable sur la sincérité, la régularité et l’image fidèle des comptes annuels. Son travail répond avant tout aux besoins des associés, actionnaires, investisseurs et autorités de contrôle, en garantissant la fiabilité de l’information financière publiée par l’entreprise.
Si les deux professions partagent des principes communs — indépendance, secret professionnel et déontologie stricte — leurs responsabilités, leurs interlocuteurs et leurs modalités d’intervention diffèrent profondément.
C’est précisément cette distinction qui justifie que le CSE puisse légitimement recourir à un expert-comptable, en complément du commissaire aux comptes, pour exercer pleinement ses prérogatives et défendre les intérêts des salariés.
1) Tableau comparatif des prérogatives et des missions des Commissaires aux Comptes et Experts-Comptables du CSE
Thématiques | Commissaire aux comptes (CAC) | Expert-comptable |
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Cadre légal | Article L823-1 et suivants du Code de commerce | Ordonnance du 19/09/1945 sur l’expertise comptable Missions définies par le Code du travail livre III, Titre Ier, Chapitre V du Code du travail (articles L2315-80 à L2315-89) |
Nomination | Le CAC est nommé par la société elle-même, par l’assemblée des actionnaires Obligatoire pour certaines sociétés (en fonction de seuils ou décision des associés) : -SA (Société Anonyme), SCA (Société en Commandite par Actions) et Sociétés faisant appel public à l’épargne : toujours obligatoire -SARL, SAS, SNC, SCS, sociétés civiles à activité économique : un CAC doit être nommé si 2 des 3 seuils suivants sont dépassés à la clôture d’un exercice : Total bilan ≥ 4 000 000 € Chiffre d’affaires HT ≥ 8 000 000 € Nombre de salariés ≥ 50 Les associés/actionnaires peuvent décider de nommer un CAC même en l’absence d’obligation légale |
Le mandat de l’expert-comptable vient exclusivement du CSE, qui choisit librement son expert, lors d’un vote à la majorité des élus |
Prise en charge financière | Prise en charge par l’entreprise Honoraires fixés mais souvent réglementés ou encadrés par la profession |
Prise en charge à 100% ou 80/20% CSE/employeur selon la mission Détails donnés dans la lettre de mission définie avec le CSE |
Rôle principal | Certifier les comptes annuels et consolidés de l’entreprise pour garantir la fiabilité de l’information financière auprès des tiers (associés, investisseurs, administration, partenaires sociaux, etc…) | L’objectif principal est d’outiller les élus pour exercer pleinement leurs prérogatives : -Assistance à l’examen annuel des orientations stratégiques (L. 2315-87) -Analyse de la situation économique et financière (L. 2315-88) -Étude de la politique sociale, de l’emploi et des conditions de travail (L. 2315-91) -Interventions ponctuelles (licenciements économiques, opérations de concentration, droit d’alerte économique, etc…) |
Missions principales | -Certification des comptes -Vérification de la conformité aux lois et règlements -Contrôle des procédures internes -Rapport d’audit destiné aux actionnaires, associés, régulateurs -Détection et prévention des fraudes |
Assister le CSE dans le cadre des consultations annuelles, dans le cadre des projets de licenciements économiques, etc. Aider les CSE à élaborer des propositions réalistes et à rendre des avis éclairés. Pour les CSE, des missions plus classiques existent aussi liées à la comptabilité du CSE : Tenue et surveillance des comptes, Déclarations fiscales (TVA, IS, BIC, BNC, etc.), etc. |
Périmètre d’intervention | Accès à tous documents comptables, contractuels, annexes, nécessaires à la vérification de l’exhaustivité, réalité, régularité des comptes | Accès à tous documents utiles à la mission, même au-delà de la BDESE, dans la limite de l’objet de la mission fixée par le Code du travail |
Responsabilité | Indépendance absolue vis-à-vis de tous les organes de l’entreprise Responsabilité civile, pénale et disciplinaire liée à la certification et la non-détection de fraudes |
Indépendance vis-à-vis du CSE et de la direction : mission d’assistance et non de contrôle Responsabilité déontologique de l’analyse, du secret professionnel, de l’objectivité et pédagogie |
Public bénéficiaire | Actionnaires, associés, organes de gouvernance, investisseurs, tiers, autorités de régulation | CSE |
Rapport | Rapport d’audit communiqué aux actionnaires ou déposés au greffe Réunions limitées avec la gouvernance |
Rapport présenté au CSE Réunion préparatoire et plénière Restitution orale et écrite Action pédagogique essentielle |
Indépendance | Ne peut fournir ni conseil, ni prestations sortant de sa mission | Peut conseiller activement, accompagner le CSE dans le cadre de l’évolution de l’organisation, des problèmes qui se posent aux différentes étapes de la vie d’une organisation, etc. |
Finalité | Garantir la fiabilité et la transparence de l’information financière vis-à-vis des tiers | Aider à la compréhension des tenants et aboutissants, à élaborer des propositions du CSE, assister le CSE dans ses prérogatives |
2) Une complémentarité des missions mais pas du tout un doublon
Il arrive que les directions d’entreprise prétendent que la présence d’un Commissaire aux Comptes rend inutile le recours à un expert-comptable du CSE.
Au regard des éléments décrits dans le tableau ci-dessus, cet argument ne peut toutefois être retenu dans la mesure où :
- Les missions du CAC et de l’expert du CSE ne visent pas le même public :
-
- CAC : investisseurs, actionnaires, autorités ;
- Expert du CSE : représentants du personnel, salariés.
- Les missions du CAC et de l’expert du CSE n’ont pas la même finalité :
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- CAC : certification des comptes ;
- Expert du CSE : compréhension et analyse des choix économiques, impact social.
- Le financement est prévu par la loi :
-
- Les consultations annuelles (orientations stratégiques, situation économique et financière, politique sociale) sont financées par l’employeur (art. L2315-80 du Code du travail) ;
- Le CSE n’a donc pas à en supporter le coût, sauf pour certaines missions spécifiques.
Le recours à un expert par le CSE est un droit autonome. L’existence d’un CAC ne limite pas ce droit car leurs missions sont différentes par nature, par objet et par bénéficiaires. Empêcher un CSE de recourir à son expert reviendrait à le priver de l’un de ses droits fondamentaux, expressément reconnu par le Code du travail.
Ainsi, plutôt qu’un doublon, c’est une complémentarité car le CAC sécurise les comptes et l’expert du CSE les met en perspective sociale, stratégique et économique. Sans expert du CSE, les élus reçoivent une information brute, souvent incompréhensible. Avec l’expert, ils peuvent disposer d’une réelle valeur ajoutée face au discours de la direction.
3) Quelle est la valeur ajoutée du recours à l’expert-comptable pour le CSE ?
L’expert-comptable du CSE et le commissaire aux comptes de l’entreprise exercent des missions différentes, bien qu’ils aient accès à des sources d’information similaires. Cette distinction est essentielle pour comprendre la valeur ajoutée spécifique de l’expert-comptable dans le cadre des consultations économiques et financières.
L’expert-comptable du CSE a pour objectif d’éclairer les élus afin qu’ils puissent exercer efficacement leurs prérogatives.
Sa mission se caractérise par trois dimensions complémentaires :
- Une dimension pédagogique, puisqu’il traduit en langage simple des données souvent complexes et forme les élus à leur interprétation ;
- Une dimension analytique, car il met en perspective les chiffres, observe leur évolution dans le temps et évalue les marges de manœuvre de l’entreprise ;
- Une dimension prospective, puisqu’il analyse les tendances, les signaux faibles et les conséquences sociales des décisions stratégiques.
Le commissaire aux comptes, quant à lui, a une mission d’audit légal. Son rôle consiste à :
- Vérifier la régularité et la conformité des comptes ;
- Certifier leur sincérité et leur image fidèle ;
- Fournir une assurance raisonnable aux associés, actionnaires et autorités de contrôle.
Les deux professionnels disposent de pouvoirs d’investigation étendus. L’expert-comptable du CSE bénéficie, en vertu de l’article L.2315-90 du Code du travail, d’un accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes. Il peut, en outre, investiguer sur l’ensemble du groupe et ses filiales, et demander tout document utile à sa mission. Mais là encore, la finalité diffère : le commissaire aux comptes certifie, tandis que l’expert-comptable explique et met en perspective.
Apports de l’expert-comptable du CSE | Description |
---|---|
Analyse critique et indépendante | L’expert-comptable du CSE ne se limite pas à vérifier les chiffres : il les met en perspective, les compare avec les données sectorielles, les choix de gestion, la stratégie, l’impact social. Il aide les élus à comprendre le “pourquoi” derrière les chiffres. |
Pédagogie et vulgarisation | Les rapports sont conçus pour être compris par tous les élus, avec un langage clair et des supports visuels. L’expert peut animer des réunions préparatoires ou plénières, et accompagner les élus dans la formulation de leur avis motivé. |
Éclairage social et stratégique | Au-delà des finances, l’expert intègre les dimensions humaines, sociales et organisationnelles : évolution des effectifs, conditions de travail, recours à la sous-traitance, égalité professionnelle, formation, etc. Il éclaire les conséquences sociales des choix économiques. |
Assistance technique et juridique | Il soutient les élus dans l’analyse de documents complexes (BDESE, plans de sauvegarde, accords, rapports CAC, etc.), prépare des contre-propositions et aide à la rédaction de l’avis motivé du CSE. |
Dialogue social renforcé | Grâce à son expertise, le CSE peut instaurer un échange équilibré avec la direction, fondé sur des données objectivées et des arguments solides. L’expert facilite ainsi un dialogue social constructif. |
Prévention des risques économiques et sociaux | L’analyse de l’expert permet d’anticiper les difficultés économiques, d’évaluer la soutenabilité de certains choix stratégiques et d’alerter sur les conséquences possibles en matière d’emploi et de conditions de travail. |
L’expert-comptable apporte donc un appui opérationnel au CSE dans le dialogue social. Cette contribution renforce la légitimité des élus, équilibre le rapport d’information avec la direction et permet un dialogue social plus transparent et plus équilibré. Ainsi, là où le commissaire aux comptes certifie les comptes pour les tiers, l’expert-comptable les rend intelligibles pour les représentants du personnel. L’expert du CSE travaille de plus sur toutes les données sociales (emploi, conditions de travail, rémunérations, etc.) et stratégiques (plan d’affaires, scénarios, etc.).
La comparaison entre les missions du commissaire aux comptes et celles de l’expert-comptable du CSE met en évidence une distinction fondamentale : le 1er sécurise et certifie les comptes au bénéfice des tiers, tandis que le 2nd éclaire et accompagne les élus dans l’exercice de leurs prérogatives.
Par son rôle pédagogique, analytique et prospectif, l’expert-comptable permet au CSE de dépasser une simple lecture des chiffres pour en saisir les enjeux sociaux, économiques et stratégiques. Il contribue ainsi à rééquilibrer le dialogue entre la direction et les représentants du personnel, en donnant à ces derniers les moyens de poser les bonnes questions, de formuler des avis motivés et de défendre les intérêts des salariés de manière éclairée.
En conclusion, la certification des comptes par le commissaire aux comptes et leur mise en perspective par l’expert-comptable du CSE constituent 2 volets indispensables avec un même objectif : garantir la fiabilité de l’information vis-à-vis de l’entreprise, des tiers, mais aussi des salariés.
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