Missions d’expertise du CSE : Qui paie ? Combien ? Selon quels critères ?

2 mai 2025

 

Le recours à un expert, notamment un expert-comptable, est un levier stratégique pour les comités sociaux et économiques (CSE), notamment dans le cadre des consultations annuelles obligatoires prévues par le Code du travail.

Mais derrière ce droit reconnu par le Code du travail, se cachent des règles strictes en matière de prise en charge financière, de calendrier de désignation, de formalisme et de calcul des honoraires. Ces conditions sont déterminantes : une expertise peut être invalidée ou non financée si elle ne respecte pas les délais, le cadre légal ou les exigences imposées à l’expert et au CSE.

Si le principe de l’expertise est bien admis, le financement des honoraires fait souvent l'objet d’erreurs dans la désignation, mais aussi de négociations serrées, voire de contestations.

Qui paie ? Selon quelles modalités ? Cet article fait le point en 4 questions essentielles.

 

1) Un principe clair : la prise en charge par l’employeur dans des cas bien définis

L’article L2315-80 du Code du travail énonce que les honoraires de l’expert-comptable sont pris en charge à 100 % par l’employeur dans 5 cas :

En revanche, depuis les Ordonnances Macron de 2017, certaines expertises dites libres ou ponctuelles peuvent faire l’objet d’un co-financement à hauteur de 20 % par le CSE.

Il s’agit d’expertises pour lesquelles la loi n’impose pas à l’employeur de prendre en charge 100 % du coût. Dans ces situations, le CSE peut recourir à un expert-comptable, dès lors que la mission entre dans ses attributions. C’est le cas par exemple pour la consultation annuelle sur les orientations stratégiques, ou pour la préparation des négociations annuelles (NAO).

Le financement est alors réparti comme suit :

  • 80 % du coût de l’expertise est à la charge de l’employeur ;
  • 20 % du coût est à la charge du budget de fonctionnement du CSE.

Cependant, cette règle connaît une exception, si le CSE ne dispose pas de ressources suffisantes. Dans ce cas, l'employeur doit prendre en charge la totalité des frais, sous réserve que le CSE n’ait procédé à aucun transfert d'excédent annuel de son budget de fonctionnement vers la subvention des activités sociales et culturelles au cours des trois années précédentes.

Cette mesure vise à ne pas pénaliser le CSE dans sa mission d’analyse et de contrôle, notamment en période de difficulté économique majeure.

Cas particulier du rapport annuel de participation :

  • Avant les Ordonnances Macron de 2017, l’expertise sur ce rapport était entièrement financée par l’employeur ;
  • Après ces ordonnances, un vide juridique est apparu.
  • La Cour de cassation a tranché le 05 avril 2023 : cette expertise relève de la consultation sur la situation économique et financière, ce qui permet une prise en charge intégrale par l’employeur.

2) La vigilance sur le moment de la désignation

La désignation de l’expert par le CSE doit impérativement respecter un formalisme strict, tant sur le fond que sur le calendrier.

En effet, la jurisprudence rappelle avec constance qu’une désignation tardive ou imprécise de l’expert peut compromettre à la fois :

  • La validité juridique de la mission confiée à l’expert ;
  • La prise en charge financière de l’expertise par l’employeur.

Autrement dit, l’expert-comptable ou technique doit être désigné dans les délais légaux impartis pour la consultation concernée. Ces délais commencent à courir à compter de la remise des informations nécessaires par l’employeur ou, à défaut, à partir de la date prévue de consultation.

La date à laquelle le CSE désigne son expert détermine donc qui doit payer la mission :

    • Si l’expert est désigné avant la transmission officielle des documents de la consultation (ex : comptes annuels), le coût de l’expertise est à la charge du CSE ;
    • Si l’expert est désigné après la transmission des documents, l’expertise est considérée comme légale et donc prise en charge à 100 % par l’employeur.

Dans l’arrêt de la Cour de cassation du 28 mars 2018 n°16-12.707, le comité avait désigné l’expert 13 jours avant la présentation officielle des comptes. La Cour avait considéré que l’expertise devenait « libre », relevant de l’article L2315-81 du Code du travail, et devait donc être financée par le CSE.

En effet, en cas de dépassement des délais, l’employeur est en droit de refuser la prise en charge de l’expertise, considérant que le recours a été fait en dehors du cadre légal.

C’est pourquoi la résolution du CSE décidant du recours à un expert doit répondre à plusieurs critères formels et indispensables :

  • Elle doit être adoptée par un vote en réunion plénière du CSE, dûment datée et inscrite à l’ordre du jour ;
  • Elle doit mentionner explicitement le fondement légal de la mission, en faisant référence à l’article du Code du travail justifiant l’expertise (ex : L2315-88, L2315-91, L2315-87, etc…) ;
  • Elle doit également désigner nommément l’expert choisi, ou indiquer les modalités de sa désignation ultérieure.

Sans cette rigueur, le risque est réel que l’expert ne puisse mener sa mission dans des conditions opposables à l’employeur, ou que celui-ci conteste tout simplement sa rémunération.

EXPERT-COMPTABLE - Consultations récurrentes

Objet Fondement juridique Prise en charge
Orientations stratégiques L. 2315-87 80 % employeur / 20 % CSE
Situation économique et financière L. 2315-88 et s. 100 % employeur
Politique sociale, travail et emploi L. 2315-91 100 % employeur
Examen participation D. 3323-14 100 % employeur

EXPERT-COMPTABLE - Consultations ponctuelles

Objet Fondement juridique Prise en charge
Opérations de concentration L. 2315-92, I 80 % employeur / 20 % CSE
Droit d'alerte économique 80 % employeur / 20 % CSE
Licenciements éco. collectifs 100 % employeur
Offre publique d'acquisition 80 % employeur / 20 % CSE

EXPERT HABILITE - Consultations ponctuelles

Objet Fondement juridique Prise en charge
Nouvelles technologies L. 2315-94 80 % employeur / 20 % CSE
Projet modifiant les conditions de travail 80 % employeur / 20 % CSE
Préparation NAO 80 % employeur / 20 % CSE
Risque grave 100 % employeur

3) Quels critères pour fixer les honoraires ?

La rémunération de l’expert mandaté par le CSE, qu’il s’agisse d’un expert-comptable, d’un expert habilité en santé, sécurité et conditions de travail, ou d’un expert technique dans un domaine spécifique, n’est pas encadrée par un tarif réglementé. Elle est librement négociée entre l’expert et le comité, puis formalisée dans une convention d’intervention, que le CSE doit voter en réunion plénière.

Conformément à l’article 24 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, les honoraires doivent être :

  • Equitables, en lien avec le travail et le service rendu,
  • Librement négociés entre l’expert et le CSE ;
  • Ne doivent jamais être calculés en fonction des résultats financiers obtenus par le client.

L’expert est seulement tenu de notifier dans sa lettre de mission :

  • Le coût prévisionnel ;
  • L’étendue de son intervention ;
  • La durée estimée de l’expertise.

Selon l’Ordre des Experts-Comptables, les éléments à prendre en considération sont :

  • La prise de contact avec l'entreprise et les réunions préliminaires ;
  • La collecte des documents ;
  • Les investigations conduites sur le secteur économique dans lequel se déploie l'entreprise ;
  • L’analyse et la synthèse des informations ;
  • Les échanges de vues destinées à préciser les informations rassemblées ;
  • La rédaction du rapport ;
  • La participation à la réunion préparatoire avec le comité ;
  • La participation à la réunion plénière du comité ;
  • Etc…

À ces honoraires peuvent s’ajouter des frais complémentaires, définis dans la convention :

  • Frais de déplacement (billets, hébergement, repas…) ;
  • Sous-traitance spécifique (analyse juridique externe, modélisation économique, traduction) ;
  • Achats ponctuels de données ou logiciels nécessaires à l’expertise.

Pour éviter toute contestation, il est recommandé que ces frais soient clairement listés, chiffrés, et encadrés dès la lettre de mission initiale.

4) Des taux journaliers encadrés par la jurisprudence

Les taux journaliers pratiqués par les experts-comptables varient selon les cas :

  • 1 350 € HT/jour pour une entreprise de taille moyenne ;
  • 1 500 € HT/jour dans le cadre d’une restructuration ;
  • Jusqu'à 1 800 €/jour pour une mission urgente ou risque grave ou transformation majeure des conditions de travail.

Dans le cas de contestations, pour apprécier si les honoraires sont proportionnés, les juges se réfèrent à l’ensemble des éléments du dossier. En cas de contestation, la charge de la preuve repose sur le CSE et l’expert.

 

Exemples validés par les juges du fond :

  • 1 350 € : CA Paris, Pôle 06 ch. 01, 13 oct. 2017, n° 16/20261
  • 1 450 € : TGI Paris, 28 janv. 2016, n° 16/50167
  • 1 500 € : TJ Paris, 24 sept. 2020, n° 20/55921 ; TGI Rouen, 24 déc. 2019, n° 19/00562 ; CA Toulouse, 12 janv. 2017, n° 16/04453
  • 1 600 € : CA Versailles, 15 janv. 2014, n° 13/02904
  • 1 750 € : TGI Paris, 18 mars 2014, n° 14/50473
  • 1800 € : TJ Pontoise, 5 juillet 2024, n°24/00478

5) Une contestation par l’employeur possible mais encadrée

L'expert doit notifier à l'employeur le coût prévisionnel, l'étendue et la durée d'expertise, dans un délai de dix jours à compter de sa désignation.

L’employeur peut contester :

  • La nécessité même de l’expertise ;
  • La prise en charge (ex : mission hors délai, absence de base légale) ;
  • Les modalités (honoraires jugés excessifs).

Faire appel à un expert-comptable ou à un expert technique dans le cadre des missions du CSE n’est pas une simple formalité : c’est un droit stratégique pour les représentants du personnel, qui doit être manié avec rigueur. Si le financement repose en grande partie sur l’employeur, encore faut-il que la mission soit valablement votée, dans les délais, et que les honoraires soient justifiés. Une préparation sérieuse permet d’éviter les contestations et de tirer tout le bénéfice de l’expertise au service du dialogue social.

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