Le Comité Social et Economique (CSE) est une institution représentative du personnel créée pour défendre les intérêts des salariés au sein de l'entreprise. Parmi ses nombreuses attributions, le suivi des sanctions disciplinaires vise à garantir l'équité et la justice dans les décisions prises par l'employeur, pour éviter toute forme d'abus de pouvoir.
L'article L2312-5 du Code du travail stipule que le CSE doit être informé et consulté sur les décisions de l'employeur pouvant affecter les conditions de travail des salariés, y compris les sanctions disciplinaires. Bien que le CSE n'ait pas de pouvoir décisionnel sur les sanctions, il a un droit de regard et peut intervenir pour s'assurer que les procédures disciplinaires respectent le droit du travail et la convention collective applicable, et que les sanctions sont proportionnées.
Cet article s’intéresse plus spécifiquement au cadre légal entourant la mise à pied. Il insiste également sur le rôle clé du CSE dans l’appréciation des sanctions, ainsi que sur la protection particulière des représentants du personnel.
1. Qu'est-ce que la mise à pied dans le Code du travail ?
Les sanctions disciplinaires peuvent varier en fonction de la gravité des fautes commises par les salariés. Elles vont de l'avertissement à la mise à pied, en passant par la rétrogradation, la mutation disciplinaire, et jusqu'au licenciement pour faute grave ou lourde. Le rôle du CSE consiste à s'assurer qu'elles sont justifiées et proportionnées à la faute.
La mise à pied est une mesure temporaire prévue par le Code du travail, qui consiste à suspendre le contrat de travail d’un salarié en l’écartant provisoirement de l’entreprise.
Il existe deux types de mises à pied :
Mise à pied conservatoire |
Mise à pied disciplinaire |
Article L1233-3 du Code du travail | Elle n’est pas explicitement mentionnée dans le Code du travail mais elle est régie par les règles générales qui encadrent les sanctions disciplinaires. |
Mesure provisoire prise par l'employeur en attendant la décision finale sur une sanction disciplinaire plus grave, généralement le licenciement pour faute grave ou lourde. Elle suspend le contrat de travail du salarié, qui ne perçoit pas de salaire pendant cette période. Cependant, cette suspension ne doit pas s'éterniser : elle doit être suivie rapidement d'une procédure disciplinaire, généralement un entretien préalable à un éventuel licenciement. |
Mesure qui consiste à suspendre temporairement le contrat de travail du salarié, ce qui implique que ce dernier ne perçoit aucun salaire pendant la durée de la mise à pied. Elle est souvent considérée comme une sanction de gravité intermédiaire, située entre l'avertissement et le licenciement |
Pas une sanction en elle-même mais une mesure conservatoire visant à écarter immédiatement le salarié de l'entreprise en raison de la gravité des faits reprochés, le temps de l’enquête disciplinaire. | Sanction infligée à un salarié en réponse à un manquement aux obligations professionnelles. |
Si la faute grave ou lourde est confirmée, la mise à pied conservatoire peut être suivie d'un licenciement immédiat. Si, en revanche, la faute n'est pas établie ou est jugée insuffisante pour justifier un licenciement, l'employeur peut décider de transformer la mise à pied conservatoire en une autre sanction disciplinaire ou de l'annuler purement et simplement. En cas d'annulation, le salarié doit être réintégré et le salaire correspondant à la période de mise à pied doit lui être versé. |
Avant de prononcer une mise à pied disciplinaire, l'employeur doit respecter une procédure disciplinaire stricte. Selon l'article L.1332-2 du Code du travail, le salarié doit être convoqué à un entretien préalable où il peut s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés. À l'issue de cet entretien, l'employeur notifie la sanction par écrit, en précisant les motifs et la durée de la mise à pied. |
Dans les entreprises de plus de 50 salariés, ces 2 sanctions doivent être prévues par le règlement intérieur de l’entreprise pour être applicables, dont l'élaboration et les modifications font l'objet d'une consultation préalable du CSE.
2. Quel est le rôle du CSE en matière de sanctions disciplinaires, applicables dans le respect du règlement intérieur de l’entreprise ?
Le règlement intérieur est un document obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés, qui fixe les règles relatives à la discipline, y compris les sanctions applicables. Selon l’article L1321-4 du Code du travail, le règlement intérieur est élaboré par l’employeur et ne peut pas être introduit ou modifié sans que le CSE ne soit consulté. A défaut, le règlement intérieur ou les modifications qui y ont été apportées sont réputées inapplicables.
Une fois que le CSE a été consulté, l’employeur transmet le règlement intérieur à l’inspecteur du travail, avec l’avis émis par les élus. L’inspecteur du travail dispose alors d’un pouvoir de contrôle, qui lui permet d’exiger le retrait ou la modification de clauses illégales.
Le CSE a donc un rôle central dans l’élaboration de ce règlement, en donnant son avis sur les sanctions prévues, telles que la mise à pied. Cette consultation permet de s’assurer que les règles internes à l’entreprise respectent les droits des salariés.
A plus reprises, les juges ont rappelé que la mise à pied est illégale lorsqu’elle n’a pas été prévue dans le règlement intérieur de l'entreprise :
- Cour de cassation, chambre sociale, 26/10/2010, n° 0942740 ;
- Cour de cassation, chambre sociale, 23/01/2013, n° 1121792 ;
- Cour de cassation, chambre sociale, 13/09/2017, n° 1618309 ;
- Cour de cassation, chambre sociale, 16/05/2018, n° 1626773 ;
- Cour de cassation, chambre sociale, 12/12/2007, n° 0643384.
De plus, toute mesure de contrôle des salariés, comme l’installation de dispositifs de surveillance pouvant donner lieu à des sanctions, ne peut être mise en place sans être prévue par le règlement intérieur, et sans l’avis préalable du CSE en vertu de l’article L2312-38 du Code du travail. Cet avis est indispensable pour garantir que les méthodes de contrôle respectent la vie privée des salariés et ne conduisent pas à des abus.
La consultation du CSE s’impose dès lors que le dispositif peut permettre le contrôle de l’activité des salariés, même si ce n’est pas sa finalité première.
Là encore, à plusieurs reprises il a été jugé qu'une sanction disciplinaire ne pouvait pas être appliquée car le dispositif de contrôle utilisé n'était pas prévu par le règlement intérieur validé par le CSE :
- Cour de cassation, chambre sociale, 20/11/1991, n° 8941090 (caméras de surveillance non mentionnées dans le règlement intérieur) ;
- Cour de cassation, chambre sociale, 14/03/2000, n° 9842090 (logiciels de surveillance non mentionnés dans le règlement intérieur) ;
- Cour de cassation, chambre sociale, 04/07/2012, n° 1130266 (dispositif de surveillance non mentionné dans le règlement intérieur) ;
- Cour de cassation, chambre sociale, 10/01/2012, n° 1023482 (caméras de surveillance) ;
- Cour de cassation, chambre sociale, 14/04/2010, n° 0845200 (système de contrôle informatique).
Si le CSE a un rôle central dans l’élaboration et le suivi de l’application du règlement intérieur en matière de sanction, telle que la mise à pied, sa consultation permet également de s’assurer que les règles internes sont appliquées de manière équitable et proportionnée au sein de l’entreprise.
3. Quel est le rôle du CSE en matière de sanctions disciplinaires, applicables dans le respect du principe de proportionnalité ?
Le CSE doit s’assurer de la proportionnalité des sanctions disciplinaires, notamment pour la mise à pied. Son avis, même consultatif, peut peser lourd dans les décisions judiciaires, aidant à protéger les salariés contre des sanctions abusives ou disproportionnées.
Les juges ont régulièrement confirmé des situations où le CSE avait démontré qu’une sanction disciplinaire, telle que la mise à pied, était disproportionnée par rapport à la faute commise par le salarié :
- Cour de cassation, chambre sociale, 20/11/1991, n° 8842882 ;
- Cour de cassation, chambre sociale, 13/02/2001, n° 9941200 ;
- Cour de cassation, chambre sociale, 29/06/2005, n° 0341229 ;
- Cour d'appel de Paris, 17/05/2016, n° 1408334 ;
- Cour de cassation, chambre sociale, 04/02/2015, n° 1320734 ;
Lorsqu'une mise à pied disciplinaire est envisagée, l'employeur n'est pas tenu de consulter le CSE, sauf si le salarié concerné est un représentant du personnel. Dans ce cas, l’employeur doit consulter le CSE avant de solliciter l'autorisation de l'inspection du travail.
4. Quel est le rôle du CSE en matière de sanction d’un salarié protégé ?
Les représentants du personnel (membre du CSE, délégué syndical…) sont des salariés de l’entreprise. Ils restent soumis au pouvoir disciplinaire de l’employeur, bien qu’ils bénéficient d'une protection renforcée qui s'étend à toutes les formes de sanctions disciplinaires, y compris la mise à pied.
Ainsi, en cas de licenciement d'un salarié protégé, l'employeur doit obtenir l'autorisation de l'inspection du travail, après consultation du CSE qui donne son avis sur le bien-fondé de la sanction envisagée, comme le prévoit l'article L2421-3 du Code du travail.
La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises qu’une sanction disciplinaire telle qu’une mise à pied qui a été appliquée à un salarié protégé est légale :
- Cour de cassation, 04/04/1974, n° 7340297 (mise à pied disciplinaire d’un élu pour avoir refusé d’exécuter un ordre de l’employeur) ;
- Cour de cassation, 02/02/1966, n° 6540130 (mise à pied disciplinaire d’un élu pour avoir organisé un arrêt de travail inopiné et sans motif légitime) ;
- Cour de cassation, 21/07/1993, n° 9140432 (suppression d’une prime de rendement versée à un salarié dont le rendement était notoirement insuffisant).
En tant que représentant du personnel, le salarié protégé peut aussi être sanctionné en cas d’exercice abusif de son mandat.
C’est à l’employeur de prouver qu’il y a eu un abus. Si cette preuve n’est pas établie, la sanction infligée ne sera pas valable et pourra être annulée, comme l’a confirmé la Cour de cassation (Cour de cassation, chambre sociale, 11/12/2019, n° 1816713).
Voici quelques exemples de jurisprudences où un abus d’un salarié protégé a été reconnu par le juge :
- Cour de cassation, chambre criminelle, 25/05/1982, n° 8193443 (représentant syndical au CSE se livrant à une intense propagande syndicale alors que cette activité relève des attributions des délégués syndicaux) ;
- Cour de cassation, chambre sociale, 22/07/1982, n° 8041279 (membres du CSE ayant fait venir dans l’entreprise, en exécution d’une décision interne au comité prise au mépris de l’opposition de l’employeur, le dirigeant d’un parti politique) ;
- Cour de cassation, chambre sociale, 23/10/2019, n° 1728429 (représentant du personnel qui impose sa présence à un entretien informel entre l’employeur et un salarié et qui perturbe le déroulement de l’entretien).
Le CSE joue un rôle consultatif mais crucial dans le processus de sanction d’un salarié protégé. Le CSE peut, dans ce cadre, émettre des recommandations, voire s'opposer à la sanction s'il estime qu'elle est injustifiée ou disproportionnée.
Son avis, bien que non contraignant, est pris en compte par l'inspection du travail dans sa décision d'autoriser ou non le licenciement.
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