Les Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) sont un moment clé, permettant de discuter de sujets essentiels tels que les salaires, les conditions de travail et l’égalité professionnelle entre autres. Ces négociations, imposées par la loi, visent à renforcer le dialogue social entre les employeurs et les représentants syndicaux.
En amont, l’employeur doit fournir des informations complètes pour des échanges transparents. Engager les NAO est une responsabilité qui, si elle n’est pas respectée, peut entraîner des sanctions, soulignant l'importance de ces rencontres pour le climat social de l'entreprise.
Cet article revient sur les principales règles en matière de Négociations Annuelles Obligatoires.
1) Quelles sont les entreprises concernées par les négociations annuelles obligatoires ?
Selon l’article L.2242-1 du Code du travail, l’employeur est tenu d'initier les NAO dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, avec la présence d’un délégué syndical car c’est avec lui que doit s’engager la négociation.
En l'absence de section syndicale, d'organisation représentative et de délégué syndical, les entreprises sont soumises à l'obligation d'ouvrir les négociations, mais pas de parvenir à un accord.
2) Qui participe aux NAO ?
Tous les syndicats qui sont représentatifs dans l'entreprise ou l'établissement doivent être invités à participer à la Négociation Annuelle Obligatoire. C’est le délégué syndical de l’organisation dans l’entreprise, ou au moins deux délégués syndicaux en cas de pluralité de syndicats, qui participe aux négociations.
Des salariés de l’entreprise peuvent compléter la délégation syndicale, définis par accord entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives. À défaut d'accord, le nombre de salariés complétant la délégation est au plus égal à celui des délégués syndicaux de ladite délégation. Dans les entreprises pourvues d'un seul délégué syndical, ce nombre peut être porté à deux.
A défaut d’implantation syndicale dans l’entreprise, il n’y a donc pas de délégué syndical. Le CSE ne récupère pas pour autant les prérogatives syndicales. L’employeur n’a donc pas l’obligation de négocier. Il peut toutefois échanger avec les élus sur les choix en matière de politique salariale, sans avoir toutefois aucune obligation de signer un quelconque accord.
3) Quelles sont les obligations de l’employeur en termes de négociations annuelles obligatoires (NAO) ?
Depuis l'ordonnance Macron du 22 septembre 2017, les négociations doivent être ouvertes chaque année, ou à une périodicité différente si un accord d’adaptation ou accord de méthode le prévoit, avec a minima une négociation tous les quatre ans.
En cas de carence de l'employeur, la négociation peut être ouverte à la demande d'une organisation syndicale.
Avec la Loi Rebsamen en 2016, les négociations ont été regroupées en 3 thématiques principales :
- Une négociation sur la rémunération (article L.2242-15 du Code du travail), notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise (intéressement, participation, écarts de rémunération, déroulement de carrière hommes/femmes…) ;
- Une négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail (QVT), portant notamment sur l’articulation vie professionnelle/vie personnelle, l’égalité salariale entre hommes et femmes, et les conditions de travail (article L.2242-17 du Code du travail) ;
- Dans les entreprises de plus de 300 salariés, une négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), incluant des mesures de formation et d'accompagnement des parcours professionnels (article L.2242-20 du Code du travail).
4) Quelles sont les conséquences de la non-initiation des NAO par l’employeur, ou de l’échec des négociations ?
A défaut d’une initiative de l’employeur depuis plus de 12 mois pour les 2 négociations annuelles, et depuis plus de 36 mois pour la négociation triennale, cette négociation s’engage obligatoirement à la demande d’une organisation syndicale représentative.
Le défaut d’initiation des NAO peut entraîner des sanctions financières pour l'employeur. Depuis la loi Rebsamen de 2016, une entreprise qui omet ces négociations s'expose à une pénalité financière de 10 % de la réduction générale des cotisations patronales (réduction dite « Fillon ») de chaque année où le manquement est constaté. Ce manquement peut également constituer un délit d'entrave au droit syndical, passible d’un an d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende.
La pénalité n’est pas applicable si l’employeur a engagé la négociation, peu important la conclusion d’un accord (Cour de cassation, 07/11/2019, n°18-21.499).
La négociation annuelle obligatoire (NAO) consiste en une obligation de négocier et non pas de parvenir à un accord.
Si, au terme de la négociation, aucun accord n'a été conclu, il est établi un procès-verbal de désaccord dans lequel sont consignées les propositions respectives des parties et les mesures que l'employeur entend appliquer unilatéralement.
5) Quelles informations l’employeur doit-il fournir à la délégation syndicale ?
Avant la tenue des NAO, l’employeur doit fournir aux délégués syndicaux des informations essentielles issues de la BDESE (Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales), détaillant la situation économique et financière de l'entreprise. Ces informations permettent aux syndicats de préparer les négociations de manière éclairée et de formuler des propositions adaptées.
L’accord d’adaptation, ou à défaut la première réunion de NAO, permet de préciser les informations que l’employeur devra remettre aux délégués syndicaux. Le Code du travail n’apporte pas de précision. C’est la jurisprudence qui exige que les renseignements fournis permettent l’engagement de la négociation annuelle obligatoire (Cour de cassation, 29/06/1994, n° 91-20.086) : classification des effectifs hommes/femmes, salaires minimums, moyens et maximums, masse salariale par catégorie salariale, rémunération par rapport à la grille de classification si elle existe, etc…
Les informations doivent être communiquées dans leur intégralité à toutes les organisations syndicales, même non représentatives de l'ensemble des catégories de salariés. Par exemple, l'employeur ne peut pas s'abstenir de délivrer les informations relatives au salaire des cadres à une organisation syndicale non représentative de cette catégorie. Il doit remettre à un syndicat catégoriel les informations relatives aux rémunérations des catégories de salariés qu'il ne représente pas, pour qu'il puisse situer son action en faveur de la catégorie qu'il représente au sein de l'ensemble de la population salariée de l'entreprise.
6) Dans la négociation sur la thématique de la rémunération, quels sont les points principaux à négocier ?
Parmi les informations fournies par l’employeur, doit figurer la moyenne des salaires versés par catégories de salariés (emplois-types, métiers repères, etc.). L'employeur doit communiquer le montant des primes versées, mais aussi le nombre de bénéficiaires par catégorie professionnelle et les critères d'attribution appliqués.
Dans le cadre des NAO, l’employeur doit donc négocier sur ces montants pour assurer une réévaluation équitable des salaires et des autres composantes de la rémunération. La négociation obligatoire sur les salaires effectifs doit concerner l’ensemble des salariés, sous peine de délit d’entrave à l’exercice du droit syndical (Cour de cassation, 28/03/1995, n°92-80.694).
Les « salaires effectifs » désignent les rémunérations réellement versées aux salariés, tenant compte des primes habituelles et des avantages en nature. Ce concept inclut donc non seulement le salaire de base, mais aussi les éléments variables et récurrents de la rémunération.
En principe, cette négociation a lieu au niveau de l’entreprise. Toutefois, elle peut avoir lieu au niveau des établissements ou des groupes d'établissements distincts.
7) Dans la négociation sur la thématique de l’égalité professionnelle, quels sont les points à aborder ?
L'employeur doit notamment aborder les objectifs et les mesures permettant d'atteindre l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise, tels que :
- La suppression des écarts de rémunération ;
- Les modalités d’accès à l'emploi ;
- Les modalités de formation professionnelle ;
- Le déroulement de carrière et de promotion professionnelle ;
- Les conditions de travail et d'emploi, en particulier pour les salariés à temps partiel, et de mixité des emplois.
Depuis le 1er janvier 2020, la négociation sur l’égalité professionnelle doit également aborder l'amélioration de la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence et leur lieu de travail.
Depuis le 1er mars 2022, dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, l'employeur doit publier chaque année les écarts de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes.
8) Dans la négociation sur la thématique de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, quels sont les points principaux à évoquer ?
La négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) porte sur :
- La mise en place d'un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et sur les mesures d'accompagnement associées (formation, validation des acquis de l'expérience, bilan de compétences accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique des salariés…) ;
- Les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise lorsqu’elle procède à des mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs ;
- Les grandes orientations de la formation professionnelle dans l'entreprise et les objectifs du plan de formation ;
- Les perspectives de recours par l'employeur aux différents contrats de travail, au travail à temps partiel et aux stages, ainsi que les moyens mis en œuvre pour diminuer le recours aux emplois précaires dans l'entreprise au profit des CDI ;
- Les conditions dans lesquelles les entreprises sous-traitantes sont informées des orientations stratégiques de l'entreprise ;
- Le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l'exercice de leurs fonctions.
9) A quel niveau (entreprise ou établissements), les Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) doivent-elles se situer ?
L’article L.2242-10 du Code du travail prévoit que les négociations annuelles obligatoires peuvent être engagées à l'initiative de l'employeur ou à la demande d'une organisation syndicale de salariés représentative, dans le groupe, l'entreprise ou l'établissement.
Par principe, le niveau des négociations obligatoires est celui de l’entreprise. Toutefois, si toutes les organisations syndicales représentatives sont d’accord, les NAO peuvent être négociées au niveau des établissements.
Depuis le 24 septembre 2017, l’accord d’établissement bénéficie de la même valeur qu'un accord d'entreprise. Toutes les négociations obligatoires peuvent donc se dérouler au niveau de l'établissement ou de l'entreprise.
Le choix d'une négociation par établissement ou groupe d'établissements était déjà possible avant 2017 mais nécessitait un accord entre toutes les parties. De même, pour la Cour de cassation, la négociation annuelle devait en principe être engagée au niveau de l'entreprise, sauf si aucune organisation syndicale représentative dans l'établissement ne s'y opposait (Cour de cassation, 21/03/1990, n° 88-14.794 et Cour de cassation, 12/07/2016, n° 14-25.794).
Un accord collectif peut donc définir les niveaux auxquels la négociation obligatoire est conduite dans les entreprises comportant des établissements distincts. C’est ce qu’a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 3 avril 2024. Ainsi, les NAO peuvent être conduites au niveau des divisions opérationnelles de l’entreprise.
La négociation doit alors être menée dans tous les établissements avec les seuls représentants des syndicats représentatifs dans les établissements. En l’absence de tels représentants, la négociation ne peut s’engager qu’au niveau de l’entreprise.
Lorsqu’une Unité Economique et Sociale (UES) est constituée, elle regroupe plusieurs entités juridiquement distinctes mais fonctionnant comme une seule entité sociale et économique (avec une politique de gestion commune, des activités similaires, etc.). Dans ce cas, l’obligation de mettre en place des NAO pour l’UES suit les mêmes règles que pour une entreprise individuelle :
- L’UES doit avoir des sections syndicales représentatives ou des délégués syndicaux ;
- Les thèmes de négociation, la périodicité et les modalités de consultation sont les mêmes que ceux applicables aux entreprises.
10) Le CSE doit-il être consulté en cas de conclusion d’un accord de NAO ?
Le Comité social et économique (CSE) partage la compétence de négociation, de révision et de conclusion d’accords d’entreprise avec les délégués syndicaux.
Une jurisprudence constante de la Cour de cassation (05/05/1998, n°96-13.498 ; 10/03/2010, n°08-44.950) rappelle que l’employeur doit consulter le CSE si un accord collectif porte sur l’une des questions visées par l’article L.2323-6 du Code du travail, à savoir l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise.
Ainsi, l’employeur doit impérativement informer et consulter le CSE lors de la mise en place des NAO, préalablement à toute signature d’accord ou d’établissement d’un procès-verbal de désaccord.
Les NAO sont ainsi un pilier du dialogue social, imposant à l’employeur des obligations précises quant à l’initiation et la conduite de ces négociations, avec des sanctions lourdes en cas de manquement.
Comment se passent les NAO au sein de votre entreprise ? Qu’arrivez-vous à négocier ? Votre employeur respecte-t-il ses obligations ?
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