Partage de la valeur : où en est-on de la PPV ?

25 juillet 2024

Quels sont les apports des décrets du 30 juin et du 6 juillet 2024 ?
La Loi 2023-1107 du 29 novembre 2023 qui intègre les dispositions de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 10 février 2023 concernant le partage de la valeur en entreprise, est entrée en vigueur le 1er décembre 2023 pour les mesures qui ne nécessitaient pas de décret d'application.
Cette loi a modifié les régimes d’épargne salariale et a introduit de nouveaux mécanismes de partage de la valeur pour renforcer la compétitivité des entreprises. Notamment, elle a inclus la prime de partage de la valeur (anciennement prime Macron ou prime exceptionnelle de pouvoir d'achat) dans le cadre de l'épargne salariale, en suivant un régime similaire à celui de la prime d'intéressement.

Un premier décret a été publié au Journal Officiel du 30 juin et est entré en vigueur le 1er juillet 2024. Un deuxième décret publié le 6 juillet est entré en vigueur le 7 juillet 2024. Ils viennent compléter la transposition de l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur. Plusieurs mesures de la loi du 29 novembre 2023 deviennent ainsi applicables.

Le Comité Social et Économique (CSE) doit être le garant que le plan de partage de la valorisation de l’entreprise ne se substitue à aucun élément de rémunération, ni dispositif d’épargne salariale ou augmentations ou primes prévues par accords ou usages. Il joue un rôle clef dans la mise en place de la Prime de Partage de Valeur (PPV).

Cet article détaillé explore les caractéristiques et les conditions de mise en œuvre de la Prime de Partage de la Valeur avec la parution des décrets des 30 juin et 6 juillet 2024.

Qu’est-ce que la Prime de Partage de la Valeur (PPV) ?

La prime de partage de la valeur (PPV) est un dispositif d’épargne salariale. Elle permet aux entreprises de verser une prime au salarié chaque année. Son versement est décidé par un accord d’entreprise ou par une décision unilatérale de l’employeur avec consultation préalable du CSE.

Deux primes de partage de la valeur peuvent désormais être allouées par année civile, en un ou plusieurs versements, dans la limite des plafonds d’exonération de cotisations sociales et des exonérations temporaires de CSG CRDS et d’impôt sur le revenu en vigueur à cette date.

Le montant de la PPV est fixé à 3 000 euros maximum par bénéficiaire par an, pouvant aller jusqu’à 6 000 euros pour les entreprises qui ont un dispositif d’intéressement si elles sont soumises à l’obligation de mettre en place de la participation, ou un dispositif d’intéressement ou de participation si elles ne sont pas soumises à l’obligation de mettre en place de la participation.

Quel est l’apport du décret du 30 juin 2024 concernant la Prime de Partage de la Valeur ?

Avant la loi du 29 novembre 2023 et le décret d’application du 1er juillet 2024, la prime de partage de la valeur (PPV) était uniquement versée en numéraire. Avec le décret, les salariés bénéficiaires pourront désormais :

  • Soit percevoir directement la PPV
  • Soit l’investir dans un plan d’épargne salariale (PEE, PEI, Perco, Pereco ou Pero).

Par ailleurs, comme prévu par la loi du 29 novembre 2023, à compter du 1er juillet 2024, chaque plan d’épargne salariale doit proposer, en plus du fonds solidaire actuel, un fonds labellisé au titre du financement de la transition énergétique et écologique ou de l’investissement socialement responsable.

L’article 3 du décret donne la liste des labels :
- le label « investissement socialement responsable », dont les critères et modalités de délivrance sont fixés dans le décret 2016-10 du 8 janvier 2016 ;
- le label « France finance verte » dont les critères et modalités de délivrance sont fixés aux articles D 128-1 s. du Code de l’environnement ;
- le label « Relance », dont les critères et modalités de délivrance sont fixés par la charte issue de l’accord de place du 19 octobre 2020 ;
- le label « Finansol » dont les critères et modalités de délivrance sont fixés par le règlement élaboré par l’association FAIR ;
- le label « Comité intersyndical de l’épargne salariale » issu de l’accord du 29 janvier 2002, dont les critères et modalités de délivrance sont fixés par un cahier des charges.

Quel est l’apport du décret du 6 juillet 2024 concernant la Prime de Partage de la Valeur ?

Le décret du 6 juillet 2024 précise :

  • Les nouveaux cas de déblocage anticipé pour les PEE
  • Les modalités de calcul du seuil de 11 salariés à partir duquel les entreprises non couvertes par l’obligation de mise en place de la participation doivent mettre en œuvre un dispositif de partage de la valeur, à titre expérimental pendant une durée de 5 ans pour les exercices postérieurs au 31 décembre 2024
  • Les modalités de calcul du plafond de 50 salariés ouvrant droit à l’exonération fiscale pour la PPV
  • L’augmentation du plafond global des abondements sur le PEE en cas d’abondement unilatéral de l’employeur destiné à l’acquisition d’actions de l’entreprise
  • Le contenu des accords de participation et d’intéressement en cas de versement d’avances.

Ces points feront l’objet d’un autre article détaillé.

Quelles sont les modalités d’affectation de la PPV sur un plan d’épargne salariale ?

Depuis le 1er juillet 2024, si l’entreprise qui verse la PPV dispose d’un plan d’épargne salariale, chaque somme versée doit faire l’objet d’une fiche distincte du bulletin de paie.

Elle doit mentionner :

  • Le montant de la PPV versée au salarié
  • La retenue opérée au titre de la CSG et CRDS, si la Prime de Partage de Valeur n’est pas exonérée (Loi du 16/08/2022, art. 1, VI bis)
  • La possibilité d’affectation de la somme à la réalisation du plan de l’entreprise
  • Le délai de demande d’affectation de 15 jours à compter de la réception
  • Si la PPV est versée sur un plan d’épargne salariale, le délai à partir duquel cet investissement sera disponible, ainsi que les cas de déblocage anticipés.

Sauf opposition du salarié, la remise de cette fiche distincte peut être effectuée par voie électronique sécurisée.

Quelles sont les conditions d’éligibilité pour bénéficier de la prime de partage de la valeur ?

Les entreprises doivent avoir conclu un accord d’entreprise ou, à défaut, une décision unilatérale de l’employeur après consultation du comité social et économique (CSE).

Tous les salariés peuvent bénéficier de la PPV, qu'ils soient en CDI, CDD, intérimaires ou apprentis, dès lors qu’ils sont liés par un contrat de travail au moment de la distribution de la prime.

La prime peut toutefois être réservée aux salariés dont la rémunération est inférieure à un certain plafond. Elle peut également être modulée en fonction de plusieurs critères cumulatifs ou non :

  • La rémunération
  • Le niveau de classification
  • Les absences durant l’année écoulée (arrêt maladie, congé sans solde…)
  • La durée contractuelle
  • L’ancienneté.

La prime de partage de la valeur ne peut pas se substituer à un élément de rémunération du salarié, à une prime, ou être utilisée pour repousser une augmentation.

Quelles sont les exonérations sociales et fiscales applicables à la prime de partage de la valeur ?

Depuis le 1er janvier 2024, la PPV est exonérée de cotisations sociales, dans la limite de 3000 ou 6000 euros, mais elle est assujettie :

  • À la CSG-CRDS ;
  • Au forfait social sous certaines conditions ;
  • À la taxe sur les salaires ;
  • À l’impôt sur le revenu.

Les salariés disposent d’un délai maximum de 15 jours à compter de la réception de la fiche distincte du bulletin de paie pour demander son affectation sur un PEE ou un PER et ainsi bénéficier du régime fiscal de faveur.

Une exception est prévue pour les entreprises de moins de 50 salariés, pour les primes versées entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2026, aux salariés qui ont perçu une rémunération inférieure à 3 SMIC dans les 12 mois précédant le versement de la prime.
Pour eux, la PPV est exonérée :

  • De cotisations sociales
  • De la CSG-CRDS ;
  • Du forfait social sous certaines conditions ;
  • De la taxe sur les salaires ;
  • De l’impôt sur le revenu.

La PPV n'est pas prise en compte dans le calcul des indemnités de fin de contrat, sauf si la PPV est récurrente et régulière. Dans ce cas, elle peut être prise en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement.

Même si elle est n'est pas imposable, la prime est incluse dans le montant du revenu fiscal de référence du salarié bénéficiaire et est prise en compte dans la base des ressources pour le calcul des prestations sociales.
La PPV doit être intégrée au montant net social, sauf pour sa part affectée à un plan d'épargne salariale.
Le tableau ci-dessous récapitule les principales différences entre la PPV, l’intéressement, la participation et les autres dispositifs de partage de la valeur.

 

Prime de partage de la valeur (PPV) Intéressement Participation Abondement
Possibilité de tripler les sommes verséezs par le salarié dans la limite annuelle globale
Actionnariat salarié
(Actions gratuites ou stocks options)
Volontaire et le cas échéant dérogatoire Obligatoire
Caractère obligatoire NON NON NON OUI NON NON
Nombre de salariés > ou = 1 > ou = 1 < 50 > ou = 50 > ou = 1 > ou = 1
Eligilibité du dirigeant < 250 salariés NON OUI OUI OUI mais uniquement pour la part > au résultat de la formule légale de la RSP OUI OUI
> ou = 250 salariés NON NON NON
Avantage pour les entreprises Sociaux
(forfait social: Le taux de droit commun est de 20%, mais il est abaissé à :
10% en cas d'abondement à la contribution salariale permettant l'acquisition d'actions ou de certificats d'investissement de l'entreprise ou d'entreprises du groupe ou de versement unilatéral de l'entreprise.
16% pour certains versements sur un plan d'épargne retraite collectif.)
Exonération de cotisations sociales
< 50 salariés Exonération de forfait social Exonération de forfait social Exonération de forfait social Exonération de forfait social Contribution patronale :
20% pour les actions gratuites
30% pour les stocks options
> ou = 50 salariés
< 250 salariés
Forfait social 20% Forfait social
> ou = 250 salariés Forfait social 20% Forfait social 20%
Fiscaux
(impôts sur les sociétés)
Déduction du bénéfice imposable
Exonération de taxes (salaires, apprentissage) et participation (formation continue, construction)
Avantage pour les salariés Sociaux
(cotisations sociales)
Exonération de cotisations sociales dans la limite de 3 000€ par année civile ou 6 000 € en cas d'accord d'intéressement

Exonération de CSG/CRDS (9,7%) pour les salariés ayant une rémunération < 3 SMIC dans les entreprises de moins de 50 salariés (règle spécifique jusqu'au 31/12/2026)

Exonération de cotisations sociales (hors CSG/CRDS : 9,7 %)
Fiscaux
(IR= impôt sur le revenu)
Absence de placement sur un PEE ou un PER Pas d'exonération d'IR
Sauf pour les salariés ayant une rémunération < 3 SMIC dans les entreprises de moins de 50 salariés (règle applicable jusqu'au 31/12/2026)
IR IR
Placement sur un PEE ou un PER Exonération d'IR
Possible depuis le décret du 30 juin 2024
Exonération d'IR
Epargne salariale
Enveloppes d'investissement
PEE Possible depuis le décret du 30 juin 2024
Chaque somme versée doit faire l’objet d’une fiche distincte du bulletin de paie
OUI OUI OUI 8% du PASS : 3 749,44 € OUI
PER 16% du PASS : 7 418,88 € NON

Ce tableau récapitulant les différences entre la PPV, l’intéressement, la participation, l'abondement et l’actionnariat salarié est disponible en téléchargement en cliquant sur le lien suivant.

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