Tout savoir sur la négociation autour de l’augmentation exceptionnelle du bénéfice fiscal

27 juin 2024

La Loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise a introduit un nouveau dispositif du partage de la valeur en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal.

Ainsi, en cas d’augmentation exceptionnelle de leur bénéfice net fiscal, les entreprises de plus de 50 salariés doivent obligatoirement ouvrir des négociations au plus tard le 30 juin 2024.

Le 6 juin 2024, le Ministère du Travail a publié un questions-réponses sur ce point.
Cet article reprend les éléments essentiels à retenir autour de 5 questions clés.

1. Quelles sont les entreprises concernées ?

L’article 8 de la Loi relative au partage de la valeur prévoit que les entreprises de plus de 50 salariés disposant d’un ou plusieurs délégués syndicaux couvertes par un accord d’intéressement ou de participation à la date du 29 novembre 2023 doivent engager une négociation avant le 30 juin 2024 sur la définition de l’augmentation exceptionnelle de leur bénéfice net fiscal et le partage de valeur avec les salariés.

Cette obligation ne s’impose pas aux entreprises qui disposent déjà d’une telle clause dans leur accord d’intéressement ou de participation, ou qui ont un régime de participation avec un résultat plus favorable que celui de la formule de calcul légale.

Comme le rappelle le Ministère du travail dans son guide, cette obligation s’applique même en cas de bénéfice net fiscal insuffisant pour calculer une réserve spéciale de participation (RSP).

2. Quelles sont les obligations légales en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal ?

En cas d'augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal, afin de garantir une redistribution équitable des profits et de maintenir un climat social équilibré, l'entreprise a l'obligation d'informer les représentants du personnel et d'engager des négociations spécifiques sur la redistribution de ces bénéfices (augmentations salariales, primes exceptionnelles, améliorations des conditions de travail…).

La négociation obligatoire doit porter sur la définition de l’augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal, ainsi que sur les modalités de partage de la valeur avec les salariés.

3. Quelle est la définition du bénéfice net fiscal ?

La Loi prévoit que le bénéfice net fiscal doit impérativement être celui défini au 1er alinéa de l’article L3324-1 du Code du travail .
Il n’est pas possible de retenir une autre base par accord.

Par contre, le Code du travail précise que la définition d’augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal peut prendre en compte :

  • La taille de l’entreprise
  • Le secteur d’activité
  • La survenance d’une opération de rachat d’actions suivie d’une annulation
  • Les bénéfices des années précédentes
  • Les évènements exceptionnels externes à l’entreprise avant la réalisation du bénéfice.

Cette liste n’est pas limitative. D’autres critères analogues peuvent être négociés avec les partenaires sociaux, en complément ou en remplacement.

Le résultat fiscal ne doit pas être confondu avec le résultat courant ou résultat comptable de l'entreprise (correspondant à la différence entre les produits et les charges).

Le calcul du résultat fiscal se fait à partir du résultat comptable. Le résultat imposable est un résultat comptable corrigé.
En cours d'exercice, les opérations sont enregistrées en appliquant les règles comptables, sans tenir compte des règles fiscales.

C'est seulement en fin d'exercice, lorsque le résultat comptable est dégagé, que l'on détermine le résultat fiscal.

La détermination du résultat fiscal consiste à déduire des produits (produits non imposables ou bénéficiant de régime de faveur, ou étalement d'une imposition dans le temps) et à réintégrer des charges (charges non déductibles fiscalement ou déductibles l'année du règlement) qui ont été comptabilisées.
Il s'agit de retraitements, et non pas d'un double enregistrement.

Résultat fiscal = résultat comptable + réintégrations extracomptables - déductions extracomptables

Le tableau ci-dessous donne un exemple fictif pour une société membre d’un groupe du calcul du bénéfice fiscal en partant du bénéfice comptable.

Passage du bénéfice comptable au bénéfice fiscal

Montant

BENEFICE COMPTABLE

92 812

Réintégrations

Amortissement excédentaire

919

Taxe sur les véhicules de tourisme et de société (TVTS)

259

Amendes et pénalités

73

Provisions et charges à payer non déductibles (1)

27 320

     Contribution sociale de solidarité (Organic)

4 354

     Créances douteuses

2 322

     Provision restructuration

1 060

     Provision Retraite

4 810

     Provision pour dépréciation pièces détachées

5 886

     Provision pour risque fiscal

56

     Provision court terme

415

     Participation des salariés au titre de l’année N

8 416

Impôt sur les sociétés (2)

31 591

Réintégrations diverses (3)

1 657

     Dépenses de mécénat

1 615

     Taxes sur les bureaux

42

TOTAL REINTEGRATIONS (=1+2+3)

61 819

Déductions

     Contribution sociale de solidarité (Organic)

3 968

     Provision restructuration

5 683

     Provision Retraite

5 292

     Provision pour dépréciation pièces détachées

1 989

     Provision court terme

917

     Dépréciation actif long terme

1 428

     Participation des salariés au titre de l’année N-1

8 170

     Régime mère fille

2

     Amortissement Macron

597

TOTAL DEDUCTIONS

28 044

BENEFICE FISCAL

126 587

4. Quelles sont les modalités possibles de partage de la valeur en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice ?

En cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice de l’entreprise, le partage de la valeur peut avoir lieu par :

  • Le versement d’un supplément d’intéressement ou de participation
  • L’ouverture d’une nouvelle négociation pour mettre en place un dispositif de partage de la valeur : intéressement, supplément d’intéressement ou de participation, abondement du plan d’épargne, prime de partage de la valeur.

5. Que se passe-t-il si les négociations n’ont pas été engagées dans les délais ?

Le fait de ne pas négocier avant le 30 juin 2024 pour les entreprises concernées constitue un manquement de la part de l’employeur, bien qu’aucune sanction ne soit prévue par la Loi.
Les salariés qui estiment que ce manquement leur cause préjudice pourront demander des dommages-intérêts devant la juridiction compétente.

Le seul fait d’engager les négociations tardivement ou de ne pas aboutir à un accord n’est toutefois pas constitutif de préjudice et ne pourra pas être reproché à l’entreprise.

La loi fait obligation de négocier mais pas de conclure un accord sur la définition de l’augmentation exceptionnelle de bénéfices.

CE Expertises peut vous accompagner dans l’analyse du bénéfice net fiscal et des possibilités de partage de valeur de votre entreprise. N’hésitez pas à nous contacter.

Pour aller plus loin :