Si les ordonnances Macron du 22 septembre 2017 ont fusionné les anciennes instances représentatives du personnel (DP, CE, CHSCT) en une entité unique, le Comité Social et Économique (CSE), elles ont également introduit la possibilité de désigner des représentants de proximité.
Cette figure nouvelle vise à conserver une représentation du personnel de terrain, à l’échelle de sites, d’établissements ou de services, pour éviter que le dialogue social se concentre uniquement au niveau central de l’entreprise.
Contrairement au CSE dont la mise en place est obligatoire à partir de 11 salariés, la désignation de représentants de proximité est totalement facultative. Elle repose sur un accord collectif signé avec les syndicats représentatifs.
Dès lors, les représentants de proximité n’ont pas de modèle unique. Leur forme varie fortement selon les accords, tant sur le nombre, la désignation, les missions, que les moyens accordés.
1) Comment les représentants de proximité peuvent-ils être mis en place ?
Il n’y a pas d’élection professionnelle pour les représentants de proximité. L’article L.2313-7 du Code du travail prévoit que les représentants de proximité sont membres du Comité social et économique ou désignés par lui pour une durée égale à celle du mandat des membres élus du CSE.
Un accord majoritaire doit être signé par l’employeur ou son représentant et par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés en faveur des organisations représentatives au 1er tour des dernières élections des titulaires au CSE, quel que soit le nombre de votants.
Les représentants de proximité n’ont pas de contours juridiques clairement définis. Leur statut et leurs missions dépendent exclusivement des accords collectifs, laissant une grande marge de manœuvre aux partenaires sociaux.
L’accord qui crée cette instance définit librement :
- Le nombre de représentants de proximité ;
- Les modalités de désignation (membres élus du CSE ou non) ;
- Leur périmètre d’intervention (site, atelier, secteur, service…) ;
- Leurs attributions (santé, conditions de travail, expression des salariés…) ;
- Les moyens mis à disposition (heures de délégation, formations, locaux…) ;
- Leur articulation avec le CSE.
2) Quel est le statut juridique des représentants de proximité ?
La durée du mandat des représentants de proximité est calée sur celle des membres du CSE, mais rien n’interdit de fixer un mandat plus court, renouvelable ou non. Elle peut être fixée par l’accord collectif.
L’accord peut aussi prévoir la révocation anticipée d’un représentant de proximité en cas de manquement, ou son remplacement en cas de départ.
Les représentants de proximité, élus du CSE ou non, sont des salariés protégés. En conséquence, le licenciement d'un représentant de proximité ou d'un candidat aux fonctions de représentant de proximité nécessite l'autorisation de l'inspection du travail (articles L.2411-8 et L.2411-9 du Code du travail).
Dans une décision inédite du 9 avril 2025 (n° 23-13.150), la Cour de cassation étend explicitement aux représentants de proximité le plafond d’indemnisation de 30 mois de salaire applicable en cas de licenciement nul lié à une violation du statut protecteur.
La Haute juridiction :
- Confirme ainsi que le représentant de proximité est un salarié protégé ;
- Précise que l’indemnité en cas de licenciement nul sans demande de réintégration doit couvrir la période de protection restante, dans la limite de 30 mois ;
- Rappelle que le mandat des représentants de proximité prend fin avec celui des élus du CSE, soit en général 4 ans, auquel s’ajoute une protection post-mandat de 6 mois.
3) Quelles sont les missions des représentants de proximité ?
Les représentants de proximité permettent de réintroduire une échelle locale du dialogue social, pour maintenir une interface directe avec les salariés.
Les représentants de proximité ne disposent pas d’attributions légales propres. Leur rôle est défini par l’accord collectif qui les institue. Toutefois, leur mission s’articule généralement autour de 2 grands axes, non exhaustif :
Les RP comme relai local du CSE | Les RP comme acteurs autonomes avec des missions propres |
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Remonter les réclamations individuelles ou collectives | Réunions régulières avec le responsable local |
Signaler des problèmes de conditions de travail ou de sécurité | Réponse directe aux salariés sur des sujets RH |
Préparer des dossiers pour les réunions du CSE | Participation à des inspections sécurité en lien avec la CSSCT |
Les représentants de proximité n’ont pas vocation à se substituer aux élus du CSE, ni à exercer des compétences que la loi réserve à ce dernier : consultations obligatoires, droit d’alerte, recours à l’expert, etc...
Cependant, l’accord peut prévoir qu’ils participent à certaines réunions de commissions, assistent à des réunions de CSE à titre consultatif, ou qu’ils bénéficient d’une remontée systématique de leurs observations par les membres titulaires.
Ils peuvent aussi être associés aux visites de sécurité, à l’analyse des risques professionnels, ou à la préparation du DUERP par exemple, à condition que cela soit prévu dans l’accord.
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4) Quels sont les principaux moyens d’actions des représentants de proximité ?
Les heures de délégation | La mise à disposition de temps pour l’exercice du mandat de représentant de proximité doit être expressément prévue par l’accord collectif d’entreprise (article L.2313-7 du Code du travail).
À ce jour, aucun minimum légal n’est imposé en matière d’heures de délégation pour les représentants de proximité. A moins que le représentant de proximité soit membre élu du CSE, il ne dispose pas d’heures de délégations. Un volume d’heures peut être négocié en tenant compte des missions attribuées aux représentants et de leur périmètre d’intervention. |
Les réunions | Les représentants de proximité ne participent pas de droit aux réunions plénières du CSE.
2 exceptions permettent leur présence :
L’accord d'entreprise peut aussi prévoir qu'ils pourront solliciter, en tant que besoin, une réunion avec l'employeur ou son représentant, dont la périodicité reste à déterminer. |
Le local | L'accord d'entreprise peut prévoir qu'un local sera à leur disposition en précisant qu'il sera partagé avec les membres du CSE. |
La formation | Le CSE, par délibération, peut décider de consacrer tout ou partie de son budget de fonctionnement à la formation des représentants de proximité. |
5) Quelle articulation entre les représentants de proximité, les élus du CSE et les autres instances ?
La mise en place de représentants de proximité est particulièrement pertinente dans certaines configurations :
- Groupes multisites (chaînes hôtelières, distribution, industrie…) ;
- Entreprises géographiquement dispersées (banque, agences postales…) ;
- Structures où le CSE siège loin des unités opérationnelles (groupe national ou international…).
Dans les entreprises à établissements multiples, le recours aux représentants de proximité permet de conserver une représentation locale même lorsque l’effectif ne permet pas de créer un CSE d’établissement.
C’est notamment utile dans les grandes entreprises avec des sites isolés, des équipes nomades (commerciaux, techniciens itinérants), ou des métiers à forte spécificité locale.
De nombreux accords mentionnent que les représentants de proximité exercent leurs missions par délégation du CSE ou de la CSSCT. Mais il n’est souvent pas clair de savoir si le CSE conserve ses prérogatives ou s’en dessaisit.
Certains accords tranchent en précisant que les représentants agissent sans préjudice des missions du CSE, mais la majorité reste évasive. Cela crée une forme de subordination fonctionnelle sans véritable clarté sur la portée de la délégation.
Deux approches coexistent :
- Approche fonctionnelle : les représentants de proximité recueillent et transmettent des réclamations, participent à l’analyse locale des risques ou préparent des dossiers pour le CSE ;
- Approche distributive : une véritable répartition des compétences est prévue selon le type de sujet (ex : les réclamations individuelles aux représentants de proximité, les collectives au CSE).
Sur les questions de santé, sécurité et conditions de travail, les accords privilégient un rôle d’appui local à la CSSCT, qui reste la structure centrale de coordination.
6) Quelques exemples d’accords collectifs sur la mise en œuvre de représentants de proximité :
Groupe Thales
Accord signé le 13 décembre 2018 entre la direction du groupe Thales et les syndicats représentatifs (CFDT, CFE-CGC, CGT, CFTC). Un avenant d’octobre 2022 a étendu son champ à de nouvelles entités comme GTS France et Thales Cloud Sécurisé |
- Introduire des représentants de proximité pour maintenir les relais locaux et renforcer la proximité du dialogue social
- Les suppléants disposent de 4h de délégation mensuelle - Missions principales, sans préjudice des attributions exclusives du CSE et de ses commissions :
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Groupe Safer Paca
Accord signé le 15 février 2023 |
- Instaurer un représentant de proximité dans le département des Alpes-Maritimes, en raison de l’indisponibilité prolongée de la suppléante du CSE référente de ce site
- Maintenir un relais local du dialogue social - L’équipe départementale est invitée à proposer un volontaire parmi les salariés ayant au moins 18 mois d’ancienneté. - En cas de candidatures multiples, le CSE vote en plénière pour désigner le représentant. - La durée du mandat du représentant de proximité correspond à celle du CSE (jusqu’au 7 janvier 2026). - En cas de départ anticipé (démission, mutation), une nouvelle désignation est effectuée selon la même procédure. - Le représentant agit en relais du CSE au niveau local et intervient sur les sujets suivants :
- Participation aux réunions plénières du CSE : il est convié systématiquement, peut s’exprimer mais ne vote pas. - Le temps de réunion et de trajet n’est pas imputé sur son crédit d’heures. - Frais de déplacement pris en charge par l’employeur. - Il dispose d’un crédit de 8 heures de délégation par mois. |
Groupe Sogéa Ile-de-France
Accord signé le 22 juin 2018 Représentants de proximité : art. 4.3 |
- Maintenir un lien local fort avec les salariés, en assurant la remontée des problématiques locales, individuelles ou collectives, vers le CSE et la direction
- 1 représentant de proximité par agence, soit 7 au total. Si de nouvelles agences sont créées, des représentants supplémentaires peuvent être désignés dans les mêmes conditions. - Le rôle des RP complète celui du CSE, sans s’y substituer :
- Désignation par le CSE, uniquement parmi ses membres élus (titulaires ou suppléants) - Désignation respectant la proportion syndicale des résultats du 1er tour des élections professionnelles - Vote à main levée ou à bulletin secret (sur demande), majorité des voix, 2e tour si nécessaire, puis désignation du plus âgé en cas de blocage. - Le mandat prend fin :
- Les RP n'ont pas de budget propre, mais utilisent les moyens du CSE (locaux, affichage, informatique) - En tant qu’élus du CSE, ils bénéficient :
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Association laïque pour l'éducation, la formation, la prévention et l'autonomie
Avenant n°11 signé le 05/02/2023 |
- Chaque établissement ou regroupement de structures dispose de 1 à 3 représentants de proximité, selon sa taille, son périmètre géographique et ses activités
Exemple :
- Compétences :
- Chaque RP bénéficie de 10 heures de délégation par mois, hors autres mandats. |
Groupe Séphora SAS
Accord signé le 30/01/2019 |
- Désignation de 2 à 4 représentants de proximité par secteur :
- RP choisis par les membres du CSE parmi les candidats figurant sur les listes présentées par les organisations syndicales représentatives de l’entreprise - Faciliter le traitement rapide des réclamations et problématiques quotidiennes rencontrées par les salariés - Les échanges peuvent avoir lieu dans un cadre formel (réunions officielles avec comptes rendus écrits) ou informel. - Une réunion bimestrielle est organisée entre les représentants de proximité et un maximum de deux représentants de la direction. - Un relevé d’échanges est rédigé à l’issue de chaque rencontre et intégré à la Base de Données Économiques Sociales et Environnementales (BDESE) - Chaque représentant bénéficie de 14 heures de délégation par mois, non transférables ni reportables - Le temps consacré aux réunions et aux déplacements afférents est considéré comme du temps de travail effectif - Des panneaux d’affichage sont mis à leur disposition dans les points de vente situés dans leur secteur - Pour leur 1er mandat, les représentants suivent une journée de formation spécifique portant sur leurs missions et le cadre d’exercice de leur fonction - Pour les RP non membres du CSE, l’entreprise prend en charge :
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