Le CSE joue un rôle fondamental tout au long de la procédure de redressement judiciaire. Que ce soit en amont, en déclenchant une procédure de droit d'alerte économique pour alerter, anticiper et prévenir les difficultés, ou pendant la procédure elle-même, notamment lors des consultations sur les licenciements et le plan de redressement, le CSE est un acteur essentiel dans la préservation des intérêts des salariés et dans la recherche de solutions pour sauver l’entreprise. Son action peut s’avérer déterminante pour maintenir un équilibre entre les besoins de restructuration et la protection des emplois.
Cet article souligne l'importance du rôle du CSE dans les procédures collectives et encourage une action proactive de ce dernier, notamment en amont en utilisant la procédure de droit d’alerte économique, mais également durant toutes les procédures.
1) Quelles sont les étapes et les éléments clés de la procédure de redressement judiciaire ?
Le redressement judiciaire, prévu à l’article L631-1 du Code du travail, est une procédure destinée aux entreprises qui se trouvent en état de cessation des paiements, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent plus faire face à leurs dettes exigibles (dettes arrivées à échéance et qui doivent être payées immédiatement, les dettes dont le paiement est prévu à une date future ne sont pas prises en compte) avec leur actif disponible (la trésorerie de l’entreprise, les fonds mobilisables rapidement par l’entreprise et les lignes de crédit bancaire qui peuvent être mobilisables à court terme). Cette procédure vise à permettre à l’entreprise de poursuivre son activité tout en réorganisant ses dettes sous le contrôle du tribunal.
L'objectif est, dans l’ordre de priorité :
- de permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise,
- de maintenir l’emploi et
- le règlement du passif Article L631-1 du Code de commerce.
Durant cette procédure, le dirigeant perd le pouvoir de direction et de gestion de l’entreprise au profit de l’administrateur judiciaire nommé par le tribunal. La société poursuit son activité courante.
Avant l’ouverture de la procédure |
Avant le jugement d’ouverture d’une procédure collective, le CSE doit être informé-consulté avant le dépôt au greffe du tribunal de commerce d’une demande d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Le CSE peut prendre connaissance du rapport du juge désigné pour recevoir et analyser les documents et renseignements sur la situation économique, financière et sociale de l’entreprise avant l’ouverture de la procédure collective. Le greffier doit convoquer les représentants des salariés nommés par les élus du CSE à l’audience de jugement de l’ouverture de la procédure collective (Article L621-4 du Code de Commerce). |
Ouverture de la procédure |
Les représentants des salariés sont entendus par le juge durant l’audience statuant sur l’ouverture de la procédure collective (Article L621-1 du Code de Commerce). La procédure de redressement judiciaire est ouverte lorsque l’entreprise est en cessation de paiements et qu’un redressement est envisageable. La procédure peut être demandée dans un délai de 45 jours à compter de la cessation de paiement, par le dirigeant de l’entreprise, par le procureur, par un des créanciers ou le CSE qui peut communiquer au tribunal ou au procureur tout fait révélant la cessation des paiements de l’entreprise. |
Période d’observation |
Durant cette période (6 à 12 mois, article L621-3 du Code de commerce), l'activité continue sous supervision de l'administrateur judiciaire. La situation de l'entreprise est analysée pour évaluer les possibilités de redressement (poursuite de l'activité de l'entreprise, maintien de l'emploi et apurement du passif). L'administrateur entend toute personne susceptible de l'informer sur la situation et les perspectives de redressement de l'entreprise, les modalités de règlement du passif et conditions sociales de la poursuite de l'activité. Il peut s'agir des représentants du personnel. Le CSE doit être tenu au courant, par l'administrateur, de l'avancement de ses travaux. L’administrateur doit communiquer au CSE les propositions pour le règlement des dettes au fur et à mesure de leur élaboration. |
Gel des dettes |
Les dettes de l'entreprise sont gelées pour empêcher les créanciers d'exiger des paiements immédiats, ce qui permet de préserver la trésorerie pour continuer l'activité. |
Consultation des créanciers |
L’administrateur judiciaire fait un état des créances et consulte les créanciers pour négocier des délais ou des remises de dette. |
Rôle du CSE |
Le CSE est informé et consulté tout au long du processus. Il nomme un représentant des salariés et donne son avis sur les plans de redressement ou de cession. |
Plan de redressement |
Si un redressement est possible, un plan est proposé avec des mesures comme le rééchelonnement des dettes, la réduction des coûts, et des licenciements avec un PSE si nécessaire. |
Plan de cession |
Si une cession est préférée, l'entreprise est vendue en tout ou partie à un repreneur. Le CSE est consulté et le tribunal choisit l'offre la plus avantageuse pour l'emploi et l'activité. |
Clôture de la procédure |
La procédure peut se terminer par un plan de redressement validé, une liquidation judiciaire si le redressement est impossible, ou une clôture pour insuffisance d’actifs. |
Effets pour les salariés |
Les contrats de travail se poursuivent durant la procédure. Les licenciements doivent respecter le PSE et les salaires impayés sont garantis par l'AGS (Assurance de Garantie des Salaires). |
2) Avant le redressement judiciaire : le rôle du CSE en matière de prévention
Le Comité Social et Économique (CSE), lorsqu’il existe au sein de l’entreprise, joue un rôle central dans la prévention des difficultés économiques. Avant que l’entreprise n’entre en procédure de redressement judiciaire, le CSE peut utiliser plusieurs leviers pour tenter d’anticiper ou de limiter les difficultés financières.
En effet, de nombreux signaux peuvent alerter les représentants des salariés. Ces signes incluent par exemple des capitaux propres négatifs, des problèmes de trésorerie, des retards de paiement, une baisse significative du chiffre d’affaires, une baisse significative du carnet de commandes ou encore des désaccords entre actionnaires.
L'un des moyens du CSE pour agir est la procédure de droit d’alerte économique en vertu de l’article L. 2312-63 du Code du travail. Cette procédure permet au CSE de demander des explications à l’employeur dès lors qu’il constate des faits susceptibles de porter atteinte gravement à la situation économique de l'entreprise. Dans cette procédure l’employeur doit répondre par écrit et de manière circonstanciée aux préoccupations du CSE. Si l’employeur ne répond pas de manière satisfaisante, le CSE peut décider de se faire assister d’un expert-comptable, d’alerter les organes de direction ou même de saisir le tribunal de commerce afin de demander des mesures conservatoires.
3) Pendant la procédure de redressement judiciaire : le CSE, un acteur clé
La société poursuivant son activité courante, les informations-consultations récurrentes (Les Orientations stratégiques, la Situation économique et financière, la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi) sont maintenues. Le président du CSE de droit n’est plus le dirigeant de la société mais l’administrateur nommé dans le cadre de la procédure collective.
Avant qu’il ne soit statué sur l’ouverture de la procédure, le greffier du tribunal de commerce, à la demande du président du tribunal, prévient le chef d’entreprise qu’il doit réunir le CSE. Lors de cette réunion, le CSE désigne parmi ses membres les personnes qui seront habilitées à le représenter au cours de la procédure collective.
Dès le début de la procédure de redressement, une période d’observation est instaurée. Pendant cette période, l’entreprise continue de fonctionner sous le contrôle du tribunal, et les décisions stratégiques concernant les licenciements doivent être prises avec précaution.
L’administrateur doit informer et consulter le CSE lors de l’élaboration de son rapport Article L626-8 du Code de Commerce.
Le CSE analyse également les éventuelles offres de reprise pour s’assurer de la viabilité du projet, du sérieux du repreneur et de la continuité des emplois. Il informe les salariés sur l’évolution de la situation.
Il peut aussi faire appel à un expert-comptable pour l'accompagner dans ces tâches complexes.
Le licenciement de salariés pendant la procédure de redressement judiciaire est soumis à des conditions strictes. Il ne peut intervenir que s'il est urgent, inévitable et indispensable, conformément à l’article L. 631-17 du Code de commerce. Le juge-commissaire doit donner son accord préalable pour chaque licenciement, ce qui limite les licenciements abusifs. Le CSE doit également être consulté dans le cadre de ces licenciements, et son avis est requis avant que le plan ne soit soumis à l’homologation du tribunal.
Le CSE a intérêt à proposer dès l’ouverture de la procédure des alternatives. S’il soutient que des projets de reprise ou de continuité de l’entreprise sont possibles, cela peut éventuellement justifier devant le juge un allongement des délais de la procédure, afin d’offrir du temps pour évaluer et construire un projet viable.
Lorsque le redressement semble possible, l’administrateur judiciaire établit un plan de redressement. Ce plan, qui vise à restructurer l’entreprise et à assurer sa survie, doit préciser les mesures à prendre pour réduire les coûts, notamment les éventuels licenciements, et redéfinir les orientations stratégiques. Le CSE doit être consulté sur ce plan avant qu'il ne soit présenté au tribunal. Il rend un avis qui peut influencer la décision du juge sur l’adoption ou non du plan. Le rôle du CSE et des représentants du CSE peut donc être déterminant.
4) Le rôle des représentants du CSE pendant la procédure de redressement judiciaire
Dès la saisine du tribunal, des membres du CSE sont donc désignés pour représenter le CSE au cours de la procédure collective. La loi ne précise pas combien ni comment, mais la désignation se fait en principe à la majorité des voix.
En l’absence de CSE, il revient aux salariés d’élire leur représentant. Le vote, secret, est uninominal à un tour. Si personne ne se présente, un PV de carence doit être établi par l’employeur et déposé au greffe du tribunal.
Tout au long de la procédure, ces représentants du personnel sont auditionnés par le tribunal lorsque celui-ci :
- Décide d’ouvrir la procédure collective ;
- Entend remplacer un ou plusieurs dirigeants de l’entreprise ;
- Envisage de prononcer la liquidation judiciaire ;
- Élabore le plan de redressement ;
- Souhaite ordonner la cession partielle ou la liquidation de l’entreprise dès la période d’observation ;
- Arrête un ou plusieurs plans de cession.
Si une partie des salariés est éventuellement prête à quitter l’entreprise, les représentants du CSE peuvent l’indiquer au tribunal.
Pendant la période d’observation, le juge-commissaire peut leur demander de communiquer des renseignements sur la situation économique, financière et sociale de l’entreprise.
Le rôle du CSE dans une procédure de redressement judiciaire est central et essentiel pour assurer un équilibre entre la préservation des intérêts des salariés et la viabilité future de l’entreprise. En amont de la procédure, le CSE peut déjà jouer un rôle préventif en déclenchant un droit d'alerte économique pour anticiper les difficultés. Durant la procédure, il intervient à chaque étape clé, que ce soit pour les consultations sur les licenciements ou les plans de redressement, et pour évaluer les offres de reprise en collaboration avec les organes judiciaires.
Par son action proactive et sa capacité à représenter efficacement les salariés, le CSE contribue non seulement à protéger les emplois, mais également à soutenir des décisions qui peuvent permettre à l'entreprise de surmonter ses difficultés.
5) Les moyens au service du CSE pendant la procédure de redressement judiciaire
Le CSE peut décider de se faire accompagner par un expert à deux titres :
- Missions prévues par la loi :
- Dans le cadre des informations consultations récurrentes (Les orientations stratégiques, la situation économique et financière, la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi );
- Lorsqu'il fait usage de son droit d'alerte économique ;
- Dans le cadre d'un projet de licenciements collectifs pour motif économique.
- Missions décidées par le CSE :
- En nommant un expert libre payé sur le budget de fonctionnement du CSE dont le but tel que défini par la loi et de « préparer les travaux » du CSE, tel que défini par l’article L2315-81 du Code de travail, portant sur toutes les matières de la compétence du CSE.
Le tableau ci-dessous détaille les missions proposées par notre cabinet.
Étapes de la procédure de redressement |
Axes d'intervention de notre cabinet |
Période d'observation / Élaboration du plan de redressement |
Appui au CSE dans ses échanges avec l'administrateur en charge de la rédaction du plan de redressement Appui et accompagnement dans les informations consultations récurrentes (Orientations stratégiques, Situation économique et financière, Politique sociale et conditions de travail) qui sont maintenues et présidée par l'administrateur pendant la période d'observation Appui au CSE pour donner des éléments motivés auprès du tribunal de commerce sur les leviers possibles de redressement. Appui au CSE pour donner des éléments motivés sur le rapport de l’administrateur qui sera transmis au tribunal. |
Jugement actant le plan de redressement | Analyse critique du plan de redressement, élaboration d'arguments destinés au Tribunal
Formation et préparation des représentants du CSE convoqués aux audiences devant le juge de la procédure. |
Modification substantielle des objectifs ou des moyens du plan | Élaboration de propositions destinées au tribunal
Formation et préparation des représentants du CSE convoqués aux audiences devant le juge de la procédure. |
Cession | Analyse des éventuelles offres de rachat Notre rôle pour le CSE consiste notamment à : - Formation et préparation des représentants du CSE convoqués aux audiences devant le juge de la procédure - Préparation et accompagnement du CSE aux réunions avec cessionnaire - Accompagnement du CSE dans la négociation de la reprise totale ou partielle par le cessionnaire |
Licenciements économiques | Assistance du CSE dans le cadre de l'examen du projet soumis et des conséquences sociales.
Notre rôle pour le CSE consiste notamment à : |
CE Expertises, cabinet d’expertise comptable spécialiste du CSE, peut vous accompagner en cas de difficultés financières de votre entreprise ou de procédure de redressement judiciaire, afin de vous aider à analyser la situation et formaliser les propositions les plus adaptées. Contactez-nous pour en discuter !