Les avantages et inconvénients du Contrat de Sécurisation Professionnelle : pièges à éviter

16 septembre 2024

Le Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) est un dispositif destiné à accompagner les salariés victimes d'un licenciement économique. Créé pour faciliter le retour à l'emploi, ce dispositif présente de nombreux avantages mais aussi des pièges qu'il est essentiel de connaître pour faire un choix éclairé.
Cet article reprend en détail les objectifs du CSP, en mettant en avant les aspects clés, les droits des salariés et le rôle du CSE, ainsi que les pièges à éviter.

Qu’est-ce que le Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) ?

Le CSP est proposé aux salariés lors d’un licenciement économique dans les entreprises de moins de 1 000 salariés, ou dans celles en redressement ou liquidation judiciaire. Attention si par exemple une entreprise de 500 salariés licencie et que cette entreprise appartient à un groupe de plus de 1000 salariés, le CSP ne pourra pas être proposé. Dans ce cas, c’est le congé de reclassement qui devra être proposé.

Il s'agit d'un dispositif de reclassement permettant aux salariés d'être pris en charge par France Travail (anciennement Pôle Emploi) dès la rupture de leur contrat de travail.

Le CSP est régi par les articles L1233-65 à L1233-70 du Code du travail qui précisent que le CSP doit être proposé par l'employeur à chaque salarié concerné par un licenciement économique. Le salarié a un délai de réflexion de 21 jours pour accepter ou refuser cette offre.

Quels sont les principaux piliers du CSP ?

L’objectif premier du CSP est de sécuriser le parcours professionnel des salariés concernés en facilitant leur retour à l’emploi par le biais d’un accompagnement renforcé.
Il vise à garantir une transition professionnelle plus rapide et plus sécurisée pour les salariés licenciés. Il repose sur deux piliers principaux :

  • Une indemnisation financière renforcée : Le salarié perçoit une Allocation de Sécurisation Professionnelle (ASP) correspondant à 75 % du salaire brut (ou 93 % du salaire net) pendant 12 mois. Ce montant est supérieur à celui des allocations chômage classiques qui est compris entre 57 % et 75 % du salaire brut.
  • Un accompagnement personnalisé : France Travail (anciennement Pôle Emploi) désigne un conseiller dédié au salarié pendant toute la durée du CSP. Cet accompagnement inclut des bilans de compétences, des formations adaptées et des opportunités de reconversion professionnelle. L'objectif est de maximiser les chances de retour à l'emploi rapide.

Quelles sont les conditions d’éligibilité du CSP ?

Pour être éligible au CSP, les salariés doivent :

  • Avoir été licenciés pour motif économique ;
  • Avoir au moins un an d’ancienneté dans l’entreprise. Pour les salariés ne justifiant pas d’un an d’ancienneté, ils peuvent adhérer au CSP s’ils remplissent les conditions de résidence d’âge et d’aptitude physique requises pour bénéficier de l’Aide au Retour à l’Emploi (ARE) ;
  • Accepter le CSP dans le délai de 21 jours après sa proposition par l’employeur.

Si le salarié refuse le CSP, il aura droit aux allocations chômage classiques sous le régime général d'indemnisation de France Travail.
L’absence de réponse dans le délai de 21 jours vaut refus.

Les conditions à remplir par le salarié s'apprécient au lendemain du dernier jour du délai de réflexion. Le fait de se trouver en arrêt maladie, congé de maternité, incapacité de travail ou invalidité n'empêche pas le salarié d'adhérer au CSP.
Dans le cas où l’inéligibilité du salarié au CSP serait révélée postérieurement à son adhésion, cela ne rend pas pour autant la rupture sans cause réelle et sérieuse (Cour de cassation 08/10/2014 n° 1313995).

Quel est le déroulement de la procédure du CSP ?

Pendant l’entretien préalable de licenciement, l’employeur doit proposer le CSP à chaque salarié dont il envisage le licenciement, en lui remettant un dossier récupéré auprès de France Travail.
A défaut, l’employeur est redevable à France Travail d’une contribution de 2 mois de salaire brut, charges patronales non incluses. France Travail propose le CSP au salarié lorsqu'il s'inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi. En cas d’acceptation du CSP par le salarié, la contribution de l’employeur est portée à 3 mois de salaire, charges patronales et salariales incluses.

En cas d’acceptation du CSP par le salarié, le contrat de travail est rompu d’un commun accord à l’expiration du délai de 21 jours.
La rupture ouvre droit à l’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle mais prive le salarié du droit au préavis et donc à l’indemnité de préavis qui servira à financer le CSP.
Mais le salarié percevra son indemnité de congés payés.

En cas de refus du CSP, le salarié est licencié dans le cadre d’un licenciement économique classique et perçoit les indemnités correspondantes :

  • Indemnité de licenciement légale ou conventionnelle ;
  • Indemnité compensatrice de préavis (ce qui n’est pas le cas en acceptant le CSP) ;
  • Indemnité compensatrice de congés payés.

Après la fin du contrat, il devra s'inscrire à France Travail pour bénéficier des allocations chômage selon les règles habituelles.

Pendant la période de CSP, dont la durée est de 12 mois au maximum, le salarié a le statut de stagiaire de la formation professionnelle. Il peut reprendre un emploi, à temps plein ou partiel, ou créer sa propre activité. Il peut cumuler une partie des revenus de cette activité avec l’allocation de sécurisation professionnelle, sous certaines conditions.

Si l’activité est durable (CDI, CDD ou intérim de plus de 6 mois), le CSP est résilié et le salarié reprend un parcours classique de salarié. Il peut demander le versement d’une prime au reclassement qui équivaut à 50 % du reliquat de ses droits à l’Allocation de Sécurisation Professionnelle (ASP). Cette prime est versée en 2 fois, lors de la signature du contrat et à l’issue du 3ème mois si le salarié est toujours en emploi.

Indemnisation au titre de l’Allocation de Sécurisation Professionnelle (ASP)
pour les adhérents du CSP

Démarches pour s’inscrire

- Lors de l’entretien préalable, l’employeur doit remettre les documents d’informations relatifs au CSP, et le bulletin d’adhésion.
- Délai de 21 jours pour adhérer au CSP. L’absence de réponse vaut refus.
- En cas d’acceptation, le contrat de travail est rompu à l’issue des 21 jours.
- C’est l’employeur qui procède à l’envoi des documents relatifs au CSP à France Travail.
- France Travail convoquera le salarié à un entretien pour démarrer l’accompagnement prévu par le CSP.

Statut et accompagnement

- Le salarié qui adhère au CSP a un statut de stagiaire de la formation professionnelle. Il n’est pas inscrit à France Travail en tant que demandeur d’emploi.
- Accompagnement renforcé et personnalisé par France Travail, avec le même conseiller pendant la durée du CSP.

Indemnités de préavis

- Si plus d’un an d’ancienneté dans l’entreprise, le salarié qui adhère au CSP ne perçoit pas d’indemnité de préavis. L’employeur verse une somme équivalente, dans la limite de 3 mois de salaire, à France Travail.
Par contre, si le salarié devait percevoir une indemnité supérieure à 3 mois de salaire, la partie excédent les 3 mois lui est versée par l’employeur.
- Si moins d’un an d’ancienneté, le salarié perçoit l’intégralité de l’indemnité de préavis (le salarié n’a en effet pas le droit au CSP).

Délais d’attente avant le versement

- L’Allocation de Sécurisation Professionnelle (ASP) est due dès le lendemain de la rupture du contrat de travail.
- Pas de carence même si le salarié perçoit une indemnité de congés payés.

Aides au reclassement

- La prime de reclassement : si le salarié avait au moins 1 an d’ancienneté dans son ancienne entreprise et qu’il/elle retrouve un emploi d’au moins 6 mois, ou un CDI avant la fin du 10e mois de son CSP, il peut demander le versement d’une prime de reclassement (équivalente à 50% des droits restants à percevoir au titre de l’ASP) ; ce mécanisme est particulièrement incitatif pour les salariés.
- L’Indemnité différentielle de reclassement (IDR) : si le/la salarié(e) reprend un emploi avant le terme du CSP moins rémunéré que son emploi précédent, il/elle peut percevoir une indemnité destinée à compenser la perte de rémunération pour un temps
de travail équivalent. L’IDR est versée tous les mois, pour une durée maximale de 12 mois, à condition que le contrat de travail soit toujours en cours, et dans la limite d’un montant total plafonné à 50% des droits restants à percevoir au titre de l’ASP.
-  L’IDR et la prime ne sont pas cumulables pour une même reprise d’emploi. Et ni l’une, ni l’autre ne sont cumulables avec l’ARE et l’ARCE (Aide à la reprise ou à la création d’entreprise).
- une fiche détaillée est disponible sur le site de l’Unedic.

Pour plus de renseignements sur les modalités d’indemnisation et de fonctionnement du Contrat de Sécurisation Professionnelle, vous pouvez consulter le guide de France Travail.

L’Unedic produit trimestriellement des indicateurs de suivi des CSP. On notera dans les résultats publiés au mois de mai 2024 :

  • « Alors que l’accès à l’emploi en cours de CSP avait baissé sous l’effet de la crise sanitaire, celui-ci s’est amélioré durant l’année 2021. Désormais, depuis 2 ans, l’accès à des périodes d’emploi en cours de dispositif est stable sans avoir totalement retrouvé son niveau d’avant crise : avant 2019, environ un bénéficiaire sur trois travaillait en cours de CSP, alors que parmi les entrants au T3 2022 (dernière cohorte connue dans son intégralité), près de 3 sur 10 (28 %) travaillent pendant leur CSP » (en gras ajouté par nous, les fais qui nous semblent importants) ;
  • « Après une forte hausse pendant plus d’une année et comme ce que connaissent l’ensemble des demandeurs d’emploi, le taux de recours à la formation continue néanmoins de baisser régulièrement : 32 % des entrants en CSP au 4ème trimestre 2022 ont recouru à la formation, contre plus de 38 % au niveau le plus haut fin 2020. En moyenne, la première formation en cours de CSP débute entre 5 et 6 mois après l’inscription à France Travail et la durée moyenne passée en formation pendant le CSP est de 4 mois. En comparaison, la durée moyenne des formations suivies par les demandeurs d’emploi au cours du 3ème trimestre 2023 était de 522 heures, soit environ 3,5 mois (Source : France Travail) » (en gras ajouté par nous, les fais qui nous semblent importants) ;
  • Une prime de reclassement est versée aux bénéficiaires du CSP lors de la reprise d’un emploi d’au moins 6 mois avant la fin du 10ème mois passé dans le dispositif. Cette prime correspond à la moitié des droits restants en ASP (Allocation de sécurisation professionnelle) et est versée en 2 fois, sur demande et production de justificatifs, à la reprise d’une activité durable, puis 3 mois après en cas de maintien dans l’activité. Depuis plusieurs trimestres, le taux de recours à la prime de reclassement se maintient à un niveau relativement élevé : plus d’un tiers des bénéficiaires entrés au 1er trimestre 2023 ont perçu cette prime contre moins de 30 % en moyenne avant 2020 » (en gras ajouté par nous, les fais qui nous semblent importants) ;

Quels sont les pièges à éviter pour le Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) ?

Malgré les avantages du CSP, certains pièges peuvent avoir un impact négatif sur les droits du salarié.

Perte de l’indemnité compensatrice de préavis

 

 

En acceptant le CSP, le salarié renonce à l’exécution de son préavis. Il renonce surtout à l’indemnité compensatrice.
Conformément à l’article L.1233-67 du Code du travail, le salarié ayant plus d’un an d’ancienneté dans l’entreprise se voit substituer son indemnité compensatrice de préavis par l’allocation de sécurisation professionnelle (ASP), calculée à 75 % de son salaire brut.
Si cette allocation peut sembler avantageuse dans de nombreux cas, elle peut être inférieure au montant total du préavis pour les salariés ayant un salaire élevé ou un préavis long (comme les cadres).
Refus de l’accompagnement Certains salariés acceptent le CSP mais ne profitent pas pleinement de l’accompagnement proposé par France Travail (formations, bilans de compétences, etc.). Cela peut finalement retarder le retour à l’emploi.
Rejet des offres raisonnables d’emploi Pendant la durée du CSP, le salarié est tenu de justifier de ses démarches actives de recherche d’emploi. Selon l’article L.5411-6 du Code du travail, un salarié en CSP ne peut pas refuser sans raison valable une offre d'emploi dite "raisonnable".
Si le salarié rejette une offre raisonnable d’emploi, cela peut entraîner sa radiation de France Travail et la perte de son allocation.
Une offre d’emploi raisonnable est généralement définie par France Travail en fonction du niveau de rémunération, de la proximité géographique et de la compatibilité avec les qualifications du salarié.
Les salariés doivent être vigilants quant à ces critères, car le refus injustifié d’une telle offre peut entraîner des conséquences financières importantes.
Dans un arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 22 septembre 2011, n° 1012191, il a été rappelé que la notion d’offre raisonnable doit être appréciée de manière objective et en lien avec les qualifications et la situation personnelle du salarié.
L’allocation après 12 mois Si au bout des 12 mois du CSP, le salarié n’a pas retrouvé un emploi, il bascule sur les allocations chômage classiques (ARE), qui sont souvent inférieures à l’allocation CSP puisque comprises entre 57% et 75% du salaire brut (selon plusieurs facteurs tels que la durée de cotisation et le salaire antérieur). Cette baisse peut être brutale et impacter la situation financière du salarié.

Il convient aussi de noter que le CSP ne mène pas automatiquement à un nouvel emploi, même si ce dispositif obtient de meilleurs résultats. Selon une étude de la Dares en 2021, « 60 % des entrants en contrat de sécurisation professionnelle (CSP) mi-2018 ont accédé à un emploi d’au moins 1 mois dans les 18 mois suivant leur adhésion au dispositif, contre 54 % de ceux qui en avaient bénéficié trois ans plus tôt. Dans le même temps, le taux d’accès à l’emploi des autres licenciés pour motif économique est resté quasi-stable (autour de 48 %) ».

Dans le détail, l’accès à un emploi durable (CDI, CDD d’au moins 6 mois ou mise à son compte) est plus faible (inférieur à 40%) comme le montre le graphique ci-dessous tiré de cette étude :

Source : Contrat de sécurisation professionnelle : amélioration du retour à l’emploi à 18 mois
pour les adhérents entrés mi-2018, Dares Focus, Juillet 2021.

Quel est le rôle du CSE dans le cadre du dispositif de Contrat de Sécurisation Professionnelle ?

Le Comité Social et Économique (CSE) joue un rôle important dans la mise en œuvre du Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP), notamment dans le cadre d'un licenciement économique.
Ce rôle s'articule autour de plusieurs missions clés.

1) Consultation préalable lors de la procédure de licenciement économique

L’employeur est tenu de consulter le CSE : le CSE doit être informé et consulté sur le projet de licenciement, notamment sur le nombre de salariés concernés et les mesures proposées pour atténuer les effets du licenciement, dont le CSP.
Lors de cette consultation, le CSE peut donner son avis sur les mesures d'accompagnement, et notamment négocier les conditions de proposition du CSP aux salariés.

2) Information sur le contenu du CSP

Le CSE a pour rôle d'informer et de conseiller les salariés sur le CSP et les conséquences de son acceptation ou de son refus. Il peut clarifier certains aspects du CSP, comme le calcul de l'allocation de sécurisation professionnelle, les droits à la formation et les éventuels impacts financiers, comme notamment la perte de l'indemnité compensatrice de préavis.
Le CSE doit veiller à ce que les salariés aient bien compris les implications de leur choix.

3) Accompagnement pendant la mise en œuvre du CSP

Après l'acceptation du CSP par les salariés concernés, le CSE n’a pas de moyen d’actions sur France Travail pour continuer à jouer un rôle en s'assurant que les mesures d'accompagnement prévues (formations, bilans de compétences, suivi personnalisé) sont correctement mises en œuvre par France Travail et que les droits des salariés sont respectés.

4) Surveillance de la conformité de la procédure

Le CSE peut surveiller que l'employeur respecte ses obligations en matière de licenciement économique et de proposition du CSP.
Si le CSE constate des irrégularités, il peut faire remonter ces dysfonctionnements et, si nécessaire, saisir les juridictions compétentes pour contester la procédure.

En conclusion, le Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) reste un dispositif attractif pour les salariés faisant face à un licenciement économique, offrant une indemnisation avantageuse et un accompagnement renforcé. Toutefois, les inconvénients liés à la perte du préavis ou à la baisse des allocations après 12 mois montrent qu’il est crucial de bien comprendre les implications avant de s'engager.
Le CSE a un rôle de garant de la légalité et de l'équité dans le cadre d'un licenciement économique et de la mise en place du CSP. Il veille à ce que les salariés soient bien informés de leurs droits et qu'ils bénéficient des mesures de reclassement appropriées, tout en assurant un suivi de la procédure jusqu'à son terme.

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